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Gazza, le joueur de flûte

Par Gabriel Cnudde
Gazza, le joueur de flûte

Arrivé à Glasgow en 1995 après un passage en demi-teinte à Rome, Paul Gascoigne se met les Gers dans la poche très rapidement. Un succès sportif toutefois entaché de ses pires beuveries et actes de violence. A Glasgow, Gazza prit définitivement le contrôle de Gascoigne.

En juillet 1995, la moitié de Glasgow se réjouit pendant que l’autre moitié fait la gueule. Un peu partout autour de l’Ibrox Park, la rumeur qui montait depuis quelque temps déjà se confirme soudainement : Paul Gascoigne quitte Rome pour rejoindre les Gers. Pour 4,3 millions de livres – jamais le club n’avait dépensé autant d’argent –, les Teddy Bears s’attachent les services de l’enfant terrible du football anglais. En parfaite connaissance de cause, le club protestant accepte de voir Gascoigne faire opérer sa magie. Mais il accepte aussi le risque de voir Gazza ravager la ville. L’expression « à double tranchant » prend alors tout son sens. Personne n’ignore alors les problèmes de Gazza, son addiction à l’alcool et son caractère expansif ayant déjà fait plusieurs fois le tour du monde. Mais beaucoup pensent qu’un nouveau challenge musellerait son irrépressible envie de picoler et de faire l’idiot. Raté. S’il connaît sans doute les plus belles années de sa carrière de footballeur sous le maillot bleu des Rangers, Paul Gascoigne n’arrive plus à contrôler Gazza. Alcool, violence domestique et menaces de mort : la vie de Paul à Glasgow a tout d’une descente aux enfers.

Gazza, give us The Sash

30 septembre 1995. Celtic Park. Paul Gascoigne déclenche sa course depuis le rond central. Au bout de son effort, le ballon roule dans les filets. 0-2. Le match est plié. L’Anglais ne s’arrête pas, non. Il file vers le parcage des Light Blues et reste planté devant les supporters qui viennent de lui faire une place de choix dans leurs cœurs. Lui-même s’étonne de l’amour que lui portent très rapidement les résidents de l’Ibrox Park. « Ouais, ils m’appelaient « Fat bastard ! » Un jour, j’ai célébré un but en leur disant :« Ouais je suis gros, désolé d’avoir marqué » » , raconte-t-il à So Foot. Cette relation brute et sans concession greffe une paire d’ailes sur les épaules du numéro 8, qui réalise une saison extraordinaire. Après son triplé contre Aberdeen à domicile, celui-là même qui offre le titre de champion (le huitième d’affilée), Gascoigne est au sommet de sa popularité : 42 apparitions et 19 buts, toutes compétitions confondues, joueur de l’année, vainqueur de la Coupe d’Écosse… Rien ne semble pouvoir l’atteindre, pas même ses plus vieux démons. Mais comme souvent, Paul veut bien faire en dédiant sa vie aux Rangers et aux supporters. Ce dévouement sans limites lui coûtera cher, très cher.

La saison 1996-1997 a tout d’un copié-collé de la précédente : les Rangers, portés par un Gazza en feu, remportent à nouveau le doublé. En janvier 1998, Paul Gascoigne est à nouveau emporté dans un scandale qui le dépasse. Pour répondre aux provocations des supporters du Celtic, il fait mine de jouer de la flûte. Poussé par les fans des Rangers, il vient d’insulter ouvertement la communauté catholique irlandaise de Glasgow. Cette flûte est une référence immédiate à The Sash, une chanson populaire dans les rangs de l’Orange Order, un groupe de protestants unionistes du nord de l’Irlande. L’histoire prend des proportions invraisemblables, comme l’expliquait le principal instigateur dans notre magazine : « Et puis on m’a tellement fait chier avec cette histoire que je l’ai refait pour les chambrer, dans un Old Firm. J’ai reçu des menaces de mort de la part de l’IRA après ce geste. J’ai dû faire appel à la CIA. Ils m’ont appris à ouvrir mon courrier d’une certaine façon et à inspecter ma voiture avant de la démarrer pour voir s’il n’y avait pas une bombe en dessous… » Voilà où peuvent mener les gestes idiots. Idiots, oui, puisque Gascoigne est lui-même catholique. Mais l’amour du maillot l’a poussé jusqu’à cette bêtise. Une bêtise qu’il aime reproduire, encore aujourd’hui, quand il est en voyage à Glasgow…

« F*** the Pope and the IRA » , reprend-il par exemple en chœur avec des supporters des Gers lors d’un spectacle donné dans la capitale au début de l’année… Une manie bien ridicule, quand on sait qu’elle lui avait coûté, en 1998, 40 000 livres d’amende. Mais une manie qui lui a ouvert le cœur de tous les supporters des Rangers, même les plus bêtes. Aujourd’hui encore, Ibrox ne l’a pas oublié. Chacun de ses voyages dans la capitale est un événement. Lors du dernier en date, toute la salle réclamait haut et fort : « Gazza, give us the Sash ! »

Gazza beats wife black and blue

Si certains l’ont cru un temps sevré, Gascoigne n’a jamais autant bu qu’en Écosse. En 1996, il jette l’opprobre sur son propre club dans un documentaire diffusé sur la Channel 4. « Le club nous encourage à boire pour renforcer l’esprit d’équipe » , affirme-t-il notamment. « Quand tout se passe bien, le club nous emmène boire pendant quelques jours. En fait, même quand ça se passe mal, on nous réunit pour qu’on se détende ensemble, un verre à la main. » Dire que Gascoigne n’a à l’époque pas besoin de ça pour s’enivrer serait enfoncer une porte ouverte. Dans un premier temps, les clowneries de l’Anglais font rire ses coéquipiers. Même Ally McCoist, légende des Rangers, en rigole aujourd’hui : « Une nuit, ma femme me réveille et me dit que quelqu’un est dans la maison. « Quoi ? » Je tends l’oreille, j’entends des bruits et je commence à paniquer, je pense qu’il y a des cambrioleurs. Je descends, j’ouvre la porte, et Paul est là, en train de jouer au snooker, à 3h30.« Mais qu’est-ce tu fais ? – Ben, je ne pouvais pas dormir, et je me suis souvenu qu’au téléphone, tu avais expliqué à ta femme où tu cachais le double de tes clés. Donc je me suis dit que j’allais passer. Tu veux jouer ? » » , raconte-t-il à L’Équipe Explore.

Mais plus les jours passent, plus les pitreries de Gazza s’amoncellent. Il boit avant les matchs, rejoint la loge présidentielle au milieu d’un entraînement pour demander un whisky, sort tous les jours que Dieu lui accorde. « Je venais de rentrer de soirée, je m’apprête à m’endormir, le téléphone sonne, ma femme murmure : « C’est Paul, il va allumer une fusée depuis son jardin, pointée vers notre village, et il veut savoir si on va pouvoir la voir exploser »… » , poursuit McCoist, hilare. Jusqu’au jour où la une du Daily Record ne fait plus rire personne. Photographie à l’appui, le quotidien affirme que le héros de l’Ibrox Park a violemment tabassé sa femme, Sheryl. Dans un hôtel du centre ville, Gazza prend une nouvelle fois le dessus, bien aidé par le litre de whisky ingurgité au repas. Un mot déplacé de sa compagne, et les coups pleuvent. Résultat, Sheryl est laissée blessée dans le hall de l’hôtel, les doigts cassés et le visage meurtri. L’Écosse est sous le choc, et le futur de Gazza chez les Rangers et sauvé par un mensonge : Sheryl serait tombée.

Plusieurs fois, le petit génie est pris la main dans la pharmacie du club, en train de dérober assez de médicaments pour coucher un cheval en pleine forme. Gazza ne grandit plus à l’intérieur de Paul Gascoigne, il est Paul Gascoigne. En octobre 1998, alors qu’il vient de quitter les Rangers, il subit pour la première fois une cure de désintoxication, après avoir bu 32 shots de whisky. Sa folie, c’est peut-être Brian Laudrup qui en parle le mieux dans L’Équipe Explore : « Il s’est toujours battu avec les démons à l’intérieur de lui, beaucoup de choses se passaient dans sa tête. Les démons ont fait de lui un très grand joueur, mais ils lui ont aussi causé beaucoup de problèmes en dehors du terrain. »

Par Gabriel Cnudde

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