France – Argentine, Tango à zéro
Une première mi-temps de très haut niveau puis des gnons puis un coup de Messi. Two lovers pour l'Argentine, son football et ses valeurs. Mais la France n'a pas à rougir.
A travers ce match s’inscrivait une question simple mais pleine de sens, pas mal de bons films et livres se reposent dessus : faut-il privilégier le choix, la liberté, le goût et le désir et ses affects donc l’Argentine ou au contraire soutenir la France, moins sexy mais celle qui nous est destinée et qui, après tout, en vaut largement la peine ?
Car l’équipe alignée par Raymond est aussi logique qu’alléchante, aussi solide qu’emballante. Et ça faisait longtemps, il faut bien l’avouer. L’équilibre semble trouvée, le schéma aussi. Fini les purges en 442, un système peut-être magique quand tout s’emballe et coulisse comme à Arsenal, mais chiant comme la mort quand rien ne se passe, avec les excentrés livrés à eux-mêmes et l’espace entre les défensifs et les attaquants aussi vivant que Metz après 19H. Non, là, comme cela se finit toujours en EDF, elle évolue selon son ADN, en 4231 dress to impress : Mandanda – Abidal Gallas Méxès Sagna – Diarra Toulalan – Henry Gourcuff Ribéry – Anelka. Franchement bien. On a beau dire, l’EDF est tout de même une belle demoiselle.
Sauf que, éternel problème, en face la tentation est grande, et pour cause, l’Argentine est carrément la sélection la plus bandante du moment. Même si Diego a justement opté pour un 442 trapèze décrié plus haut (l’Argentine de Maradone joue sans 10, au contraire de la France de Domenech, comme quoi…), ça va évidemment fonctionner avec une compo comme celle-ci : Carrizo – Papa Heinze Demichelis Zanetti – Gutierrez Gago Mascherano Maxi Rodriguez – Aguëro Messi. Cette équipe argentine, on ne peut pas ne pas l’aimer. Comme son sélectionneur. Diego qui déambule dans les couloirs du Vélodrome… Et puis ce maillot… Rien à y faire, l’Argentine est dans nos cœurs. Mais la France, quand même, c’est une belle équipe, y’a pas à chier. Secrètement, on se surprend même à espérer que la France les batte, ces petits Argentins. De l’autre côté, ce serait cool que l’Albiceleste explose l’équipe de Domenech, la domine, la maltraite et la disperse le long d’une leçon de football. N’est-ce pas ?
L’Argentine prend vite en main la possession et ressemble alors au Barca : maîtrise technique, multiplications de passes courtes et de décalages, pressing haut dès la perte de balle. La France recule mais résiste bien rentre pas mal dans les Argentins. Petit à petit, les Bleus parviennent à bien placer leur jeu, plus direct que celui des Sud-Américains, mais des actions au final plus dangereuses.
Le match devient alors un sacré match, une belle bagarre de demis-défensifs top niveau. Lassana Diarra est tout simplement mons-tru-eux, Toulalan fait un très gros match, même s’il paraît un peu juste techniquement, il assure comme Mascherano, c’est dire. Et Gago se montre bien hargneux et ne lâche rien, ne laisse rien à Gourcuff. Aussi, l’EDF passe surtout par Ribéry, par le côté droit, le gauche argentin avec Gutierrez et Zanettti. Gutierrez est nul et Zanetti plus souvent dépassé par petit Franck que la garde française par Messi. C’est d’ailleurs sur une pression de Kun que l’Argentine ouvre le score, par Gutierrez, d’une sèche au premier poteau – p’tet pas si nul ce Gutierrez avec sa tête d’Allemand. La France n’a pas su marquer pendant son temps fort, un temps fort d’une intensité qu’on n’avait pas vu depuis longtemps chez les Bleus, qui se retrouvent toutefois menés au score et sous la menace de la vague ciel et blanche.
En seconde, ça dégénère un peu et la rencontre devient moins fluide. Entre les coups, quelques actions apparaissent ça et là mais rien de terrible, jusqu’à l’entrée de Tevez et de deux autres sauvages. Maradona claque la bise aux sortants, Joe l’indien accélère plein axe, Lionel s’engouffre au milieu de quatre défenseurs et smashe d’un croisé du coach. Maradona se signe, Messi a crucifié le match. L’Argentine est une équipe délicieuse. Mais la France de Domenech est loin d’être dégueulasse. Défaite, elle a tout de même fait un match plus que correct, au vue de ces dernières sorties. Mais, en comparaison de son adversaire su jour, elle demeure à la recherche d’un véritable style, à moins de se contenter de cet alliage entre une base de six derrière et des à coups individuels devant. Après tout, c’est un style. Raymond a alors la confirmation d’une équipe presque type. Méxès est essentiel, rien que par la possibilité de relance longue qu’il apporte. Gallas est revenu à un bon niveau. Abidal à gauche a fait un bon match, le titulaire en 2010 ne sera p’tet ni Evra ni Clichy, A droite, Sagna n’a pas fait un match digne de lui, mais reste le titulaire en puissance. Toulalan et Diarra au milieu, la paire de 6 est toute trouvée. La ligne Ribéry Gourcuff Henry peut percer n’importe quel blindage, surtout si elle se met à davantage combiner. Devant elle, Anelka est encore davantage à même de l’aider que Benzema. Mais à des lieux de Lionel Messi, qui marche sur l’eau. France-Argentine, un avant-goût de Lyon-Barcelone ?
Simon Capelli Welter
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