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Fernandinho, le roi des ombres

Par Maxime Brigand
Fernandinho, le roi des ombres

Au fil de ses aventures, Pep Guardiola a toujours construit ses équipes autour d'un relais principal. Depuis le premier jour à City, celui-ci s'appelle Fernandinho, chauve multi-tâches et devenu ustensile préférentiel du Catalan pour combler les manques de sa première année en Angleterre. Propre, fort, intelligent, brillant sans en rajouter, loin de la lumière, mais juste assez pour lui trouver une place de choix mercredi soir à Louis-II, quitte à faire des sacrifices. Voilà pourquoi.

Pour comprendre la pensée, il faut revenir au premier jour. Barcelone, juillet 2008, un vestiaire et le silence. Droit, ferme, Pep Guardiola ouvre son discours inaugural en évoquant son rapport au club de sa vie, le Barça, détaille sa vision de l’ordre et de la discipline et assure ensuite à ses hommes qu’il les défendra « jusqu’à la mort » . Puis, l’homme pose le premier repère : « Je ne vous reprocherai jamais une mauvaise passe ou une tête ratée qui nous coûte un but, tant que vous vous donnerez à 100%. Je peux vous pardonner toutes les erreurs, mais je ne vous pardonnerai pas de ne pas donner tout votre cœur pour ce club.(…)Quand on a le ballon, on ne peut pas le perdre. Quand cela arrive, courez et récupérez-le. Avec moi, ce sera la base. » Fini les longs échanges, terminé, pendant un temps, la recherche du dogme idéal, place à la confrontation des idées. Sept ans plus tard, cela ne sert à rien de rappeler ce qu’est devenu Pep Guardiola, mais indispensable de voir comment il a évolué au fil de ses aventures et voyages. Guardiola est-il le même qu’au premier jour ?

Non, sans aucun doute, mais sur un point, il ne flanche pas : « L’organisation défensive est la pierre angulaire de ce que je veux faire dans le foot. » Comme Cruyff, le père spirituel qui aimait préciser être un « entraîneur plus défensif que ce que les gens pensent » , avant lui, le padawan catalan a toujours avancé selon un principe fondamental. Défendre n’est pas, à ses yeux, une course directe vers la mort du spectacle. On peut jouir d’un tacle, s’exciter devant une belle couverture et applaudir un bon placement. Avec Guardiola, défendre se fait simplement avec le ballon. Voilà pourquoi il ne parle jamais de relance, mais de sortie de balle, comme lors de son premier entraînement collectif dirigé à City au début du mois de juillet dernier où il avait hurlé à ses hommes ceci : « Si vous sortez bien le ballon, vous pouvez bien jouer. » Telle est la condition de la réussite de son système, tout en sachant qu’il faut du temps pour injecter des préceptes dans une tête. Là, la défense devient un ballet classique rare et merveilleux.

Le boucheur de trous

Le Riverside Stadium de Middlesbrough n’est pas forcément le plus beau stade d’Angleterre, mais c’est bien là que Manchester City avait rendez-vous samedi dernier pour disputer son quart de finale de FA Cup. Au bout, une victoire facile (2-0) et certainement l’un des succès les plus convaincants depuis l’arrivée de Guardiola à Manchester. Pourquoi ? Car, cette fois, on a eu la confirmation que l’identité de Pep commence à se faire ressentir avec des sorties de balle propres, des enchaînements rapides, fluides et attractifs. Sans les exploits de Brad Guzan, Boro aurait sans aucun doute dû régler une note plus salée, mais pour Guardiola, l’essentiel était ailleurs. « Quand vous attaquez bien, vous défendez bien. Nous avons défendu depuis les quarante mètres et nous voulons jouer de cette manière, a-t-il expliqué après la rencontre. Je crois toujours que quand le ballon est loin de notre but, nous sommes en sécurité. » Sans doute repensait-il déjà à ce qui l’attendait quelques jours plus tard, soit mercredi soir à Louis-II face à la meilleure attaque d’Europe. Non, Pep Guardiola n’a pas changé, la défense reste avant tout sa priorité. Mais comment l’organiser ? Son chantier principal réside dans cette question et huit mois après son débarquement, le Catalan n’a encore que peu de certitudes. La seule, l’unique, porte un nom : Fernandinho, déjà cerveau principal du City de Pellegrini. Ou comment conjuguer élégance, propreté et efficacité en un seul homme.

Au sujet de son versatile brésilien, le technicien ne s’est jamais trompé. Dès le premier jour, il voulait en faire un couteau suisse, un homme à tout faire. Le replacer en défense ? Oui, bien sûr, car les milieux savent souvent « faire de bonnes premières passes » , indispensables dans ce qu’on appelle la sortie de balle, là où Guardiola tient pour référence le Mexique 2006 de Ricardo La Volpe – « Depuis vingt ans, je n’avais jamais vu une équipe capable de remonter les trois quarts du terrain comme ça » . Au sujet de Fernandinho, Pep Guardiola avait alors expliqué à son arrivée qu’il pouvait « jouer dix postes différents, car il a les qualités pour jouer n’importe où. C’est un joueur rapide, intelligent, agressif et bon dans le domaine aérien » . Puis, trois mois plus tard, le discours a doucement évolué, Fernandinho restant un homme capable de « tout faire » .

« Ce que l’on a fait jusqu’à maintenant aurait été impossible sans lui.(…)Dès qu’il voit un espace, il court le boucher immédiatement. Si une équipe avait trois Fernandinho, elle gagnerait sûrement le titre » , complétait alors Pep. Voilà l’étape franchie cette saison par Fernandinho, là où il avait déjà été de loin le meilleur joueur de City lors de la double confrontation avec le PSG l’an dernier. La clé avec lui est simple : le nous passe avant le je, alors il fermera toujours sa gueule pour s’adapter au besoin d’un collectif. Cette saison le prouve plus que jamais, tant il a été baladé de milieu à un côté depuis quelques semaines. Face à Monaco à l’aller, Fernandinho a été de loin le plus important de la remontée de son équipe. Et si Guardiola a pu parler d’un instant « merveilleux » , il sait en partie à qui il le doit.

Le sens de la guerre

Alors oui, c’est la rançon des travailleurs de l’ombre. Quand on reparlera de cette manche aller entre City et Monaco, on racontera Falcao, les failles de Stones, les relances pourries de Caballero, la confirmation Mbappé ou encore la touffe incapable de s’arrêter de gigoter de Leroy Sané. Il n’y aura probablement pas une ligne sur un Fernandinho placé arrière gauche. Mais si City est revenu de l’enfer, c’est en partie grâce au replacement progressif de son aiguilleur brésilien aux côtés d’un Touré longtemps bouffé par le premier pressing de la doublette Falcao-Mbappé. La force de Fernandinho est dans l’adaptation et dans le dévouement, l’intelligence et le calme apporté au cœur d’un secteur défensif qui sera sans aucun doute le chantier prioritaire de l’an II de l’ère Guardiola. Ce détail est une certitude, mais l’omniprésence de Fernandinho prouve aussi que Pep n’a pas totalement changé, qu’il a toujours besoin de ce relais qu’étaient hier Busquets ou Lahm pour partager ses idées. Son City n’est encore qu’un croquis et commence à devenir à son image. Et s’il en est là, c’est avant tout grâce à ce couteau suisse qui prouve, une nouvelle fois, que défendre et relancer peuvent être les plus belles choses que l’on peut voir sur un terrain de football. Tout en cynisme, méchanceté parfois, propreté toujours. Parce que Fernandinho ne se perd jamais et retrouve toujours ses partenaires. Comme un roc intouchable, avide de sentiments. Le sens de la guerre, avant tout.

Par Maxime Brigand

Propos de Pep Guardiola tirés de Pep Guardiola : Another Way of Winning, Pep Guardiola : The Evolution et de conférences de presse.

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