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Espagne-Allemagne : Niclas Füllkrug, bien plus qu’un bouche-trou

Par Julien Duez
Espagne-Allemagne : Niclas Füllkrug, bien plus qu’un bouche-trou

Au-delà d'une surprise, c'est un numéro 9 de métier que Hansi Flick a convoqué en la personne de Niclas Füllkrug. Le buteur du Werder (29 ans) est en effet le premier vrai avant-centre à évoluer avec la Nationalmannschaft dans un tournoi majeur depuis... Mario Gómez ! Et si pour l'instant, Fülle est surtout connu du grand public pour son écart dentaire, quelques buts bien cliniques pourraient l'aider à venir dépoussiérer la noble tradition du Bomber à l'allemande.

Si la vie de Niclas Füllkrug devait être représentée par des montagnes russes, le bonhomme serait actuellement au somment des rails, bien arrimé à son wagonnet, mais pas forcément prêt à redescendre. Et pour cause, sa convocation avec la Nationalmannschaft pour le Mondial qatari est à la fois le climax de sa carrière professionnelle – entamée au Werder Brême il y a dix ans -, mais aussi une sacrée récompense pour un attaquant plutôt discret de nature. Quasiment inconnu des non-suiveurs de Bundesliga, habitué à davantage fréquenter l’antichambre que l’élite, plus connu pour son trou entre les dents de devant que pour son palmarès, Niclas Füllkrug cochait toutes les cases de « la surprise » , parmi les 26 joueurs sélectionnés par Hansi Flick.

J’aime le fait qu’il ne réfléchisse pas trop. Il a un côté un peu insolent, c’est exactement le genre de joueur dont on pourrait avoir besoin lors d’un grand tournoi.

Du neuf avec du 9

Sauf qu’en y regardant d’un peu plus près, Niclas Füllkrug n’a rien d’une surprise. Actuellement deuxième meilleur buteur de Buli avec dix pions inscrits en quatorze matchs (seul Christopher Nkunku fait mieux avec deux unités supplémentaires), ce colosse qui affiche 188 centimètres sous la toise marque actuellement toutes les 122 minutes et semble bien parti pour succéder à Robert Lewandowski au palmarès du Torjägerkanone, qui récompense le meilleur marqueur du championnat à la fin de la saison. Le dernier Allemand à avoir remporté la babiole, c’était Alex Meier avec l’Eintracht Francfort, à l’issue de la saison 2014-2015. Autrement dit, une éternité.

Mais là encore, rien d’étonnant quand on sait que cela fait plusieurs années que l’Allemagne ne joue plus avec un numéro 9 pur à la pointe de son attaque. Pour preuve, le dernier en date s’appelle Mario Gómez et il a pris sa retraite en 2018, au terme d’une humiliante campagne de Russie, lors de laquelle l’Allemagne a terminé à la dernière place de son groupe. Et encore, celui qui est aujourd’hui directeur technique du RB Leipzig n’était même pas titulaire indiscutable, c’est dire ! Depuis, comme pour casser un schéma de jeu signature devenu trop prévisible, tant Joachim Löw que son successeur Hansi Flick ont préféré des attaquants plus mobiles, capables d’évoluer à plusieurs postes différents. Mais l’échec de l’Euro 2020 (élimination en huitièmes face à l’Angleterre) est venu rappeler qu’il fallait peut-être revenir aux fondamentaux plutôt que de vouloir faire comme tout le monde.

Et cela, Flick en avait l’air convaincu, puisque dans sa présélection figuraient notamment Timo Werner et Lukas Nmecha. Tous deux blessés avant le tournoi, c’est finalement Füllkrug qui a hérité du maillot floqué du numéro 9. Tant mieux pour quelques vieux briscards de la NM qui semblaient l’avoir en ligne de mire depuis un moment. « Füllkrug possède toutes les qualités que l’on attend d’un avant-centre », professait ainsi Miroslav Klose, dernier echte Bomber en sélection, lors d’une interview donnée en… 2018. « J’aime le fait qu’il ne réfléchisse pas trop. Il a un côté un peu insolent, c’est exactement le genre de joueur dont on pourrait avoir besoin lors d’un grand tournoi », s’enthousiasmait pour sa part Bastian Schweinsteiger sur la chaîne Sky Sports. Un avis partagé dans Sport Bild par Michael Ballack, selon qui Füllkrug « sait marquer. Et un joueur qui sait marquer, on en a toujours besoin dans un groupe ».

Que d’honneurs, mais que d’honneurs ! Et cet héritage qu’il porte désormais sur ses épaules, l’intéressé n’en a pas peur, au contraire. « Est-ce que vous vous sélectionneriez vous-même ? », lui demandait le quotidien Augsburger Allgemeine avant le début du tournoi ? Réponse : « Bien sûr, toujours ! » Mais plus sérieusement, Füllkrug joue avant tout la carte du collectif : « Je pense que je peux apporter quelque chose à cette équipe en fonction des situations. Après, c’est l’entraîneur qui choisit toujours d’aligner le meilleur XI. » Malgré les réjouissances autour du come-back d’un 9 qui n’a pas volé son numéro, l’attaquant sait que – malgré son but lors de la courte victoire (0-1) contre Oman en match de préparation -, Rome ne s’est pas faite en un jour et que Hansi Flick n’a pas bâti son schéma tactique autour de lui. Dit autrement, comme ce fut le cas contre le Japon, il devrait rester dans un rôle de joker face à l’Espagne. Mais, encore une fois, sa présence au Qatar est déjà une belle récompense en soi.

 Le trou a ensuite été élargi pour permettre d’y fixer un implant. Mais le temps qu’il atteigne la bonne taille, j’étais déjà passé pro.

Vilain petit canard, fumigène et appareil dentaire

Paradoxalement, avec le Werder Brême, Niclas Füllkrug évolue en duo avec un autre attaquant : Marvin Ducksch. Arrivée sur les bords de la Weser au début de l’exercice 2021-2022, son partenaire offensif a été l’autre artisan de la remontée immédiate des Vert et Blanc en Bundesliga. À eux deux, ils facturaient 39 buts et 15 passes décisives, mais n’allez pas croire que les choses sont allées bon train tout au long de la saison. Au mois d’octobre, Füllkrug est même suspendu quelques jours après s’être pris le bec dans le vestiaire avec le directeur sportif Clemens Fritz à la suite d’une défaite à Darmstadt et une intervention du gardien-remplaçant Michael Zetterer, sans laquelle les deux hommes en seraient venus aux mains. Le Werder stagne alors dans le ventre mou, et Niclas songe même, selon certaines rumeurs, à quitter le club.

Mais tout change à l’intersaison lorsque, à la suite de l’affaire des faux certificats de vaccination, Markus Anfang est chassé du banc brêmois au profit d’Ole Werner. Celui-ci redonne confiance à son buteur, et « les vilains petits canards », comme Füllkrug aime surnommer le duo qu’il forme avec Ducksch, emportent le Werder à tire-d’aile vers la promotion dans l’élite. Un succès fêté non sans excès, puisque après un ultime succès contre Ratisbonne, Fülle est filmé en train de craquer une torche avec les ultras de la Ostkurve. « Non, ce n’était pas moi ! », ment-il (mal) devant les caméras qui l’interrogent à ce propos. Pas de bol, il est bel et bien reconnu, et la Ligue lui inflige une amende salée : 25 000 euros. Mais là encore, pas de quoi lui foutre le moral dans les chaussettes : par le passé, l’attaquant a bouffé suffisamment de pain noir pour ne pas s’autoriser une petite folie de temps en temps.

Bien que né à Hanovre, c’est à Brême que l’histoire de Niclas Füllkrug est intimement liée. Ce fils de footballeur, petit-fils de footballeur et frère de footballeuse (sa sœur Anna-Lena évolue elle aussi à la pointe de l’attaque du côté des féminines de Hanovre 96) ne pouvait échapper à son destin sur le rectangle vert. Déjà tout gosse, il brille du côté du club de son quartier, le TuS Ricklingen, avec qui il inscrit 162 buts (!) sur une seule saison avec les U9. De quoi taper dans l’œil du Werder, dont il rejoint l’internat à 13 ans, mais pas de quoi lui ouvrir les portes de l’équipe première. Ses quelques apparitions entre 2011 et 2013 sont ternies par une lésion du cartilage qui l’éloigne six mois des terrains. La seule chose qu’il gagne ? Un surnom qui le suit encore aujourd’hui : Lücke, en français « le trou » , une manière subtile, trouvée par Marko Arnautović, de désigner le large espace entre deux de ses dents de devant. Cet interstice devenu une marque de fabrique, Füllkrug l’a provoqué lui-même en ne mettant pas son appareil dentaire jusqu’au bout du traitement lorsqu’il était ado. La suite appartient à son histoire : « Le trou a ensuite été élargi pour mettre d’y fixer un implant. Mais le temps qu’il atteigne la bonne taille, j’étais déjà passé pro », explique-t-il, en précisant que ça n’a pas suffi à dégoûter son amour d’enfance, devenue depuis sa femme, avec laquelle il a eu une petite fille il y a trois ans.

 Il aime mes schnitzels. Un jour, je lui en ai préparé deux et je lui ai dit : « Avec ça, tu vas marquer. »   Et que s’est-il passé au match suivant ?  Schnitzel, boum ! But ! 

Un schnitzel et ça repart !

Mais sportivement, Füllkrug, alors âgé de 21 ans, est prié d’aller voir ailleurs. Ce sera un prêt à Greuther Fürth lors duquel il échoue à monter en Buli au terme d’un barrage perdu face à Hambourg. Entre-temps, le Werder a appris à se passer de ses services et le voilà transféré à Nuremberg. Nouveau barrage perdu, nouvelle lésion du cartilage, bref, sa vie est à l’image de son surnom : un trou béant. Alors que faire pour remonter la pente ? Un transfert dans son Heimat, à Hanovre, semble être la solution toute trouvée. Là-bas, Lücke se ressource près des siens et quand le moral flanche après trop de matchs sans marquer, il retourne dans son club formateur, à Ricklingen, où Jürgen Mönkemeyer, le patron du club-house, sait comment le remettre d’aplomb : « Il aime mes schnitzels. Un jour, je lui en ai préparé deux et je lui ai dit : « Avec ça, tu vas marquer » » , racontait-il à Fussball.de en 2016. Et que s’est-il passé au match suivant ? « Schnitzel, boum ! But ! », répond évidemment Jürgen.

Sont-ce vraiment les délicieuses escalopes panées qui conduisent Niclas Füllkrug à se métamorphoser ? Ou bien, comme il l’avoue pompeusement, « le travail » ? Un peu de chance aussi peut-être, ou un mélange des trois ? Toujours est-il que ce retour au bercail est synonyme de renaissance pour l’attaquant qui, au terme de la saison 2016-2017, accède enfin à la Bundesliga. Les rumeurs l’envoient alors au Borussia Mönchengladbach pour dix-huit millions d’euros, et il se murmure que Joachim Löw garderait un œil sur lui. Finalement, on ne le verra jamais porter le maillot des A ni bouger chez les Fohlen, la direction du 96 ne souhaitant pas se séparer d’un pilier de son effectif. Qu’importe, Niclas Füllkrug va bien, il marque et c’est tout ce qui compte.

Mais deux ans, plus tard, le naturel revient au galop. Tout juste honoré du titre de sportif hanovrien de l’année en compagnie de sa sœur, une troisième lésion de ce foutu cartilage lui fout sa saison en l’air, et c’est depuis l’infirmerie qu’il ne peut que constater la lente agonie de Hanovre qui file droit vers la D2. De son côté, Lücke s’en tire bien, puisqu’une fois son genou rétabli, il sait qu’il restera dans l’élite : le Werder Brême a choisi de miser sur lui pour remplacer Max Kruse, en partance pour Fenerbahçe. Sauf que le deal, signé au mois d’avril, fuite de la pire des manières à travers l’extrait d’une vidéo de bienvenue en mode « tu préfères », dans laquelle Füllkrug est sommé de choisir entre Brême et… Hanovre. Visiblement gêné, ce dernier répond : « Ohlala les gars… Vous voulez la bagarre avec cette interview ! » Sauf que dans la version complète, il finit par choisir Hanovre, mais seulement parce que c’est sa ville natale. Rien à voir avec le foot donc. Sauf que ça, le CM du Werder ne l’a pas montré et, à la suite d’un bad buzz salé, le club finira par s’excuser publiquement de ce timing mal choisi, d’autant plus que les deux clubs étaient alors à la lutte pour ne pas descendre. Peu importe pour le public des Roten : les adieux de Füllkrug se traduiront par des sifflets.

Il faut le dire clairement : c’est totalement inacceptable, mais le pouvoir de changer les choses se situe entre d’autres mains. Nous, on peut attirer l’attention sur certaines choses, les pointer du doigt, en parler, mais les décisions, ce sont d’autres personnes qui les prennent.

Destins croisés

Ce retour sur les bords de la Weser est le bon. Avec son numéro 11 sur le dos, Niclas Füllkrug débarque avec un statut de gars sûr. Ou pas. Lors d’un duel à l’entraînement avec son coéquipier Benjamin Goller, ce n’est pas le cartilage qui morfle cette fois-ci, mais les croisés. Absent toute la saison, il ne revient que pour empêcher le Werder de descendre en sauvant la peau des Vert et Blanc en barrage contre Heidenheim. Un exploit malheureusement pas réédité la saison suivante. Sauf qu’en D2, Füllkrug est comme chez lui et assure la remontée du club en Buli avec ce vilain petit canard de Marvin Ducksch. Un chapitre qui semble avoir définitivement tourné la page de ses années de galère et lui a valu, à 29 ans, un statut de shooting star, illustré par sa convocation au Qatar.

Et si l’homme sait qu’il vit probablement là le plus grand moment de sa carrière, il n’en garde pas moins la tête sur les épaules en sachant se montrer critique. À propos de l’interdiction du brassard « One Love » par exemple : « C’est une décision très décevante de la FIFA, et nous continuerons à défendre nos valeurs », dénonçait-il, avant que la Nationalmannschaft ne s’affiche la main sur la bouche avant de perdre (1-2) contre le Japon. Sur la situation des travailleurs au Qatar, Füllkrug, qui n’a décidément pas sa langue dans sa poche, avait aussi quelque chose à dire : « On en a parlé en interne, on est au courant de la situation et on la condamne. Il faut le dire clairement : c’est totalement inacceptable, mais le pouvoir de changer les choses se situe entre d’autres mains. Nous, on peut attirer l’attention sur certaines choses, les pointer du doigt, en parler, mais les décisions, ce sont d’autres personnes qui les prennent. » De quoi l’imaginer embrasser une carrière de militant après sa retraite ? Probablement pas : « J’ai encore quelques bonnes années devant moi. Quand je ne serai plus pro, je recommencerai en amateur. En tout cas, je jouerai toujours au football. » On n’échappe pas à son destin. Même quand le chemin est semé d’un paquet d’embûches. Niclas « Lücke » Füllkrug en est la preuve vivante.

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