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Entretien avec Joey Barton

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Avoir grandi à Huyton (banlieue lointaine de Liverpool, ndlr), qu’est-ce que cela t’a apporté ? C’est un quartier dur, donc tu dois faire preuve d’un peu d’agressivité pour survivre. Tu peux voir le genre de footballeurs que ça donne : Peter Reid, Tony Hibbert, ou Stevie Gerrard. Tu dois rester debout et te battre. On jouait aussi souvent que l’on pouvait, on se fabriquait des buts avec des morceaux de bois ou des barrières d’échafaudage, et nos parents n’avaient pas à s’inquiéter car ils savaient qu’on était toujours sur ce terrain.

Quelles furent les pires affaires dans lesquelles toi et tes amis ayez été mêlés ? Quelques-unes, mais c’étaient souvent des trucs pas bien méchants. Le pire c’était de dégueulasser les bus avec de la boue, parce qu’on était toujours sur le terrain à jouer au foot. L’endroit où j’habitais était au bout du trajet du bus, alors parfois, on cherchait à savoir quel conducteur de bus était le meilleur pour nous poursuivre.

Comment évitais-tu les délits plus graves ? J’ai eu une bonne éducation. Mes parents ont divorcé quand j’avais quatorze ans, ce qui m’a forcé à bouger de St John. J’y suis allé avec mon père, dont j’étais très proche, pour vivre avec ma grand-mère, à environ un mile de là. Ca m’a détourné de la vie de ma banlieue. Quand vos parents se séparent, le monde s’écroule autour de vous, car les parents sont le centre de nos vies mais quand je regarde en arrière aujourd’hui, je me dis que c’était un cadeau du destin. Je sais que ça peut paraître égoïste, mais si j’étais resté là-bas, j’aurais pu sombrer dans des eaux bien plus troubles. Je suis parti à quatorze ans, quand je ne pensais qu’au football, mais quelques années après, à quinze ou seize ans, la vie tourne autour des filles, de la boisson et de traîner dans les rues.

Quelle influence avait ta grand-mère sur toi ? Avant, nous étions une bande de chiens errants, et n’importe où il y avait un match, on était là. Mais quand j’ai déménagé chez ma grand-mère, c’était la première fois que je devais prendre le thé, et que je n’étais pas autorisé à jouer au foot toute la journée. Elle était plus stricte, je devais lui dire où j’allais à chaque fois que je sortais.

Qu’est-il arrivé à tes potes que tu as laissés à St John ? Beaucoup d’entre eux ont mal tourné, pris le mauvais chemin. Parfois, je me dis que j’aurais pu finir comme ça aussi. Je connais des gens qui ont eu de sérieux ennuis et sont allés en prison, malheureusement, d’où je viens, ça arrive souvent. Je connais des gars qui ont perdu le contrôle de leur vie. J’en vois quelques-uns aujourd’hui, et c’est triste, ils font toujours les même choses qu’ils faisaient à seize ans. Ils n’ont pas beaucoup plus dans leur vie. Quand je rentre chez moi, je suis choqué de ne plus voir de gamins jouer au foot dans les rues, ça m’effraie de penser à ce qu’ils peuvent faire à la place.

Est-ce que certains auraient pu devenir aussi footballeurs ? Deux étaient définitivement plus forts que moi, un en particulier, qui est en prison maintenant, pour cambriolage je suppose. Il était sur les tablettes de Liverpool étant petit, quel gâchis.

Comment as-tu ressenti le fait d’être rejeté par Everton à 14 ans ? Ce fut vraiment dur, horrible, mais il y avait un recruteur à Everton, Barry Pointin, qui est parti à Manchester City, et quand Everton m’a “libéré”, il m’a appelé la nuit même. J’étais dévasté depuis une heure, et puis j’ai eu ce coup de fil. Mais j’étais toujours déçu d’avoir été rejeté par le club que je supportais quand j’étais petit garçon. Je détestais ce sentiment.

En 2004, lors d’une fête organisée par Manchester City pour Noël, Barton avait été impliqué dans une énorme baston avec un joueur de 18 ans, à qui il brûla un œil avec un cigare, entre autres. Et lors d’une tournée de pré-saison en Thaïlande, alors qu’il tentait de faire la peau à un gamin de quinze ans fan d’Everton qui l’avait quelque peu malmené, Barton s’est battu avec son capitaine Richard Dunne, qui avait tenté de s’interposer.

Comment vois-tu désormais ce qui s’est passé en Thaïlande et lors du Noël 2004 ? Avec déception. Je me suis laissé aller vers le bas, c’était juste complètement stupide.

Alors, pourquoi est-ce arrivé ? Les gens disent que j’ai ce tempérament, et je suppose que je l’ai, mais si vous réfléchissez à ce qui s’est passé en Thaïlande, j’ai juste eu une petite bagarre dans un bar, quel jeune n’a jamais fait ça ? Ca arrive tout le temps, vous sortez boire un coup avec les collègues, et vous agissez stupidement. J’avais 22 ans et je ne connaissais rien de mieux. J’étais un joueur de Premier League, j’avais de l’argent dans les poches, les gens me reconnaissaient partout où j’allais, tout était plus facile, ça m’est monté à la tête. Tu penses que tu es invincible et que tu peux faire ce que tu veux.

Mais pourquoi cette rage ? C’était juste la boisson, je pensais que je pouvais contrôler l’alcool, mais j’ai eu le verre de trop qui m’a fait vite comprendre que je ne pouvais pas. Avoir bu est le seul dénominateur commun de ces évènements. Quand je regarde en arrière, ils m’ont plus formé en tant que personne que les bonnes choses que j’ai pu faire.

Es-tu abstinent maintenant ? Non, mais après l’incident en Thaïlande, j’ai arrêté de boire pendant 18 mois. Etant jeune, je prêtais attention aux mauvais exemples, des types supers mais des mauvais professionnels. Tu ne peux pas aller dans un pub après un match le samedi, tu dois te comporter comme un athlète. Il y a un temps et une place pour boire, et je n’aime rien de plus que de partager quelques verres de vin avec mes partenaires pendant les vacances.

Pourquoi as-tu quitté Manchester City ? J’y suis resté neuf ans, et je n’avais plus d’enthousiasme. Je ne m’amusais plus à l’entraînement. Je me réveillais le matin et je me disais « Oh God, je dois encore aller là-bas » . Comme si je me tapais la tête contre les murs. J’ai parlé avec Alistair Mackintosh, en charge de l’exécutif à City, et il voulait que j’attende de voir qui serait le nouvel entraîneur, mais mon esprit était déjà ailleurs.

Quel regard portes-tu sur tes relations avec Stuart Pearce ? Il y a des choses sur lesquelles nous n’étions pas d’accord, mais je ne veux pas rentrer dans une guerre des mots car j’ai beaucoup de respect pour lui. Parfois c’était un peu acide entre nous, mais ça n’enlève rien à la personne qu’il est. Je lui souhaite le meilleur, car il a fait beaucoup pour moi. Je ne pourrais pas m’asseoir ici et m’en prendre à lui. Il s’occupe des moins de 21 ans maintenant, ce qui lui convient très bien parce qu’il est passionné, et il peut préparer la future génération de joueurs anglais.

As-tu un quelconque regret de ne pas faire partie intégrante de la résurrection de City ? Tout le monde me dit que je dois être dégoûté que City aille bien maintenant, mais je ne le suis vraiment pas. Tu ne peux pas passer 9 ans quelque part et soudainement vouloir que tout aille mal pour eux.

Qu’est-ce qui t’attirait dans le fait de rejoindre Newcastle ? Je voulais travailler avec Sam Allardyce. C’est un excellent manager, il vous traite d’abord comme un homme, et après comme un footballeur. Il est de vôtre côté et vous traite toujours avec beaucoup de respect et comme un adulte. Il sait que vous pouvez différencier le bien du mal, donc ce n’est pas un maître d’école. Je suis venu pour travailler avec lui, car il peut faire de moi un régulier de la sélection anglaise.

Mais tu as dis que cela t’était égal de rejouer ou non pour l’Angleterre… Personne n’est plus patriote que moi et je voudrais jouer pour l’Angleterre tout le temps. Et si je joue au niveau auquel je pense pouvoir jouer, alors ils ne pourront pas m’ignorer. Vous n’avez pas tout vu de moi sous le maillot anglais. J’ai beaucoup à offrir, mais si on ne fait pas appel à moi, alors je resterai un international anglais et j’ai un équipement que je chéris. Parfois je le regarde à la maison et je me dis : « Comment suis-je arrivé là ? Moi, un petit morveux d’un quartier de Liverpool » .

Comment vois-tu ton futur avec l’Angleterre ? Je veux faire partie de l’équipe qui ira à l’Euro 2008, si on y va. Si je peux arriver au niveau dont je me sais capable ; il n’y a pas beaucoup de milieux autres que Barry, Lampard et Gerrard, qui peuvent me concurrencer. Il y aura des ouvertures, car les joueurs se blessent. Regardez Gareth Barry, il a vraiment pris sa chance. J’ai juste besoin d’une chance. J’ai le sentiment d’en avoir fait plus qu’assez contre l’Espagne en douze minutes pour montrer que je pouvais évoluer au niveau international. Je me suis plus que bien tenu face à Xavi, Albelda et Iniesta, qui jouent régulièrement en Champions League. Si je peux faire ça face aux meilleurs footballeurs du monde, alors je veux le refaire encore et encore.

Racontes-nous ce qui a précédé ta première expérience internationale ? La nuit avant le premier entraînement, je me rappelle que j’étais dans ma chambre d’hôtel à Manchester, et j’étais très nerveux. Je pensais : « Est-ce que je vais pouvoir assurer ? » . Mais je crois que j’ai fait plus en douze minutes que certains en plus longtemps.

Comment as-tu été accueilli dans le groupe si peu de temps après avoir critiqué les joueurs qui publiaient leur livre juste après la Coupe du Monde ? On a raconté que j’avais dit des choses sur Stevie et Frank, alors que je ne les ai jamais mentionnés. Quand j’ai rejoint le camp, Stevie a été super avec moi. Je suis allé les voir tous les deux pour leur expliquer ce que j’avais vraiment dit. Tous les deux ont compris et se sont montrés très classe. Deux semaines plus tard, j’ai lu un article qui disait que Lampard avait été parler à McClaren à mon sujet, ce dont je doute beaucoup tant Frank est pro. Mais si c’est le cas, je suis vraiment attristé car s’il a vraiment quelque chose contre moi, je pense qu’il me l’aurait dit en même temps, et il ne l’a jamais fait. Il m’a donné son opinion, je lui ai expliqué ma situation, et depuis tout va bien. En se penchant sur tout ça, la presse en voulait à Lamps, je leur ai donné des munitions et ils ont mis les mots dans un autre ordre.

Il y a un an, tu as déclaré : « Je suis à un million de miles du joueur et de la personne que j’aimerais être, mais j’essaie de m’améliorer chaque jour » . Où en es-tu ? Probablement à 990 000 miles ! Tu veux toujours atteindre un certain niveau, et aller plus loin. Je veux réaliser de belles choses dans la vie. C’est une période excitante de ma vie, je suis dans un nouveau club avec un manager qui peut m’apporter énormément. Le futur est lumineux pour Joey Barton.

Propos recueillis par Sam Pilger, pour FourFourTwo.

Traduction : Pierre Maturana

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