Eduardo da Silva, le Cariocroate.

Ca y est, les Gunners ont leur nouveau Thierry Henry. La jeune recrue s’appelle Eduardo da Silva. Comme son nom ne l’indique pas, Eduardo da Silva est Croate. Né à Rio de Janeiro il y a 24 ans, il a, à première vue, tout de l’imposteur ayant choisi l’exil dans le but d’obtenir une naturalisation qui lui permettra de disputer une coupe du monde.

Mais l’histoire de celui que l’on surnomme Dudu est en réalité bien plus complexe tant son parcours est atypique, et il se pourrait bien qu’Arsène Wenger ait réalisé en toute discrétion un très gros coup, à l’heure où les grosses écuries européennes se disputent les Villa, Eto’o ou Anelka à coup de dizaines de millions.

Mais qui est ce joueur qui a coûté 15 millions d’euros à Arsenal alors que Thierry Henry en vaut 24 ? Avant de se pencher sur la cohérence ou non de la politique sportive des Canonniers, il convient de s’attarder sur le destin d’Eduardo da Silva.

En 1998, alors âgé de 15 ans, il s’emmerde au Brésil, plus particulièrement dans son club de Nova Kennedy. Il décide en conséquence de migrer sur le vieux continent afin de se familiariser avec le football européen. Eduardo a regardé la coupe du monde française à la télé, alors il se dit que la Croatie pourrait s’avérer être une bonne destination pour venir s’aguerrir en Europe. Pour environ 40 000 euros, c’est le Dinamo Zagreb qui empoche le lot.

Eduardo pense avoir trouvé le club idéal pour parfaire sa progression. L’adolescent omet toutefois un petit détail qui a son importance : il ne parle ni croate ni anglais, et n’a toujours connu que le climat brésilien.

Les premiers mois sont évidemment très difficiles. Le prodige alterne les prêts dans des clubs de seconde voire troisième zone et les retours au Brésil. Mais il est têtu. Tellement obsédé par l’idée de s’imposer au sein du plus grand club du pays, qu’il ira jusqu’à cacher une fracture du pied à son coach pour être sur le terrain.

A défaut de s’épanouir totalement sur le pré, Eduardo apprend la langue, s’adapte aux us et coutumes locales et se marie avec une autochtone. C’est tout naturellement qu’il demande alors la nationalité croate, qu’il obtient dans des délais incroyablement courts.

Peu à peu, son talent éclate. De retour au Dinamo, il devient sans forcer la seule attraction d’un championnat ultra faible. Pour preuve, en 2004, il est sacré joueur de l’année avec seulement 9 buts inscrits –il joue attaquant pas stoppeur.

Pendant les trois saisons qui suivent, il joue en marchant, tente des gestes nouveaux à chaque match, dribble quatre fois ses adversaires avant de scorer et affole les compteurs –une sorte de Pancev sauce brésilienne. On eut souvent l’impression de voir un CM2 humilier des CP dans une cour de récré. Le pays n’avait jamais vu un pied gauche aussi talentueux depuis Davor Suker.

Malheureusement pour lui, et heureusement pour l’Australie, Dudu reste à quai pour la coupe du monde 2006, malgré la pression médiatique et populaire. N’est pas Ribéry qui veut. Trop jeune ? Trop individualiste ? Trop brésilien ? Non, en fait, à l’époque, Niko Kranjcar est l’unique star de la sélection croate, et compte bien le rester. Ca tombe bien, papa est sélectionneur. Eduardo regarde donc un nouveau mondial à la télé.

Et ce n’est pas Arsène Wenger qui va s’en plaindre. La médiatisation d’un évènement comme la coupe du monde aidant, Eduardo serait très certainement passé sous le nez de l’Alsacien, qui ne peut pas lutter dès lors que les prix se mettent à flamber. Car, en vérité, le natif de Rio n’a pas été recruté sur un coup de tête. Wenger a fait signer un joueur qu’il suivait depuis très longtemps et dont il sait tout ou presque. « Arsène est venu me voir pour me parler d’Eduardo. Il savait tout de lui, j’étais sidéré. Il connaissait sa taille, son poids, et même le nombre de kilomètres qu’il fait par match », confie Branko Ivankovic, le coach du Dinamo Zagreb.

Reste à savoir si le jeune Dudu réussira à faire oublier Titi. Certes, il va vite, certes, il dribble avec une insolente facilité et n’est pas maladroit face au but. Mais son pied droit ne lui sert qu’à monter dans le bus et il fait partie de ces gourmands qui font toujours le contrôle de trop, un problème évident dans un championnat où les défenseurs sont capables de saccager tout ce qui tricote.

Difficile, donc, de savoir si Arsenal a réalisé une bonne affaire compte tenu du prix déboursé pour un joueur encore inconnu du grand public. D’autant que le vice champion d’Europe 2006 s’est spécialisé dans le recrutement de joueurs soi-disant prometteurs qui se révèlent en fait cruellement décevants (Hleb, Reyes ou encore Aliadière).

Il va donc falloir laisser du temps à Eduardo avant qu’il ne devienne l’égal de Thierry Henry, ne serait-ce que dans le cœur des fans. Sans compter que les Gunners n’ont toujours pas trouvé de remplaçant à Dennis Bergkamp, dont le départ en retraite a laissé au sein du onze londonien un trou béant, d’une taille bien supérieure à celui que ne laissera le Frenchie.

Marc Hervez