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Didier Roustan : « Personne ne s’est inspiré du jeu de l’équipe de France de 2018 »

Propos recueillis par Chérif Ghemmour

À l’occasion de la sortie du premier livre de Didier Roustan, intitulé Puzzle et édité par Marabout, nous avons dispersé nos questions pour permettre au journaliste de La chaîne L’Équipe de remettre toutes les pièces à leur place. Un entretien mêlant poésie, humour et anecdotes, à l'image du ton décalé de son bouquin.

Didier Roustan : « Personne ne s’est inspiré du jeu de l’équipe de France de 2018 »

Quelle est la plus belle langue de l’amour : l’italien ou le brésilien ?

Le brésilien. Si ce n’était pas le brésilien, ce serait sans doute l’italien, oui. La langue brésilienne, il y a quelque chose de très touchant, à la limite érotique, sensuel…

Quel Ballon d’or t’a le plus déplu ?

Sans doute celui de Cannavaro. Ce n’est pas que je n’ai pas aimé : c’est un défenseur intraitable et il a certainement bien joué son rôle dans cette Coupe du monde 2006. Ce Ballon d’or devait revenir à Zidane, mais pour son geste insensé sur Materrazzi, on ne pouvait le lui donner. J’aurais préféré Pirlo, c’est plus en rapport à ce que j’aime.

Avant 1998, quand as-tu vraiment pensé que la France ne serait jamais championne du monde de football ?

Je ne l’ai pas spécialement pensé, mais quand la France perd contre l’Allemagne en demi-finales de Coupe du monde 1986 et que je sais que c’est la fin de cette magnifique génération, on ne peut pas dire « jamais », mais je me disais qu’il allait falloir attendre très longtemps. Je ne pensais pas qu’il ne faudrait attendre que douze ans à ce moment-là… France-Bulgarie a assis mes convictions qu’on était passé en 1982 et en 1986 à côté de quelque chose qui nous tendait les bras et que ce ne serait pas demain la veille que ça arriverait.

Dans un groupe de rock, quel aurait été ton instrument ?

J’aurais été guitariste, je pense. Un Eric Clapton, un Jimmy Page ou un Pete Townshend des Who, qui fait des sauts et qui casse sa guitare à la fin.

S’il faut rendre à l’OM le titre de champion de France 1993, faut-il rendre le titre de champion de France 1992 à l’AS Monaco ?

S’il est prouvé qu’en 1992 il y a eu des matchs douteux de l’OM, il faut le donner à Monaco bien évidemment.

Il y a eu une éclipse totale en 1999 ? Je ne m’en souviens pas. Peut-être que je dormais…

Didier Roustan

Pourquoi tu combats l’idée que Lionel Messi est le plus grand footballeur de tous les temps ?

Déjà, ce n’est pas le meilleur joueur de tous les temps pour moi. Pour moi, le meilleur de tous les temps, c’est Pelé. Ensuite, c’est Maradona, et Messi arrive en troisième. Il est le meilleur joueur de ces deux dernières décennies. Maradona-Messi, il y a des similitudes : Argentins, gauchers, petits, explosifs, etc. Mais Maradona a réalisé des choses avec des équipes improbables comme Naples et l’Argentine 1986, alors que Messi était dans l’une des meilleures équipes du monde de club, à Barcelone et qu’il était beaucoup plus protégé. Le football était violent, avant. Et Maradona, il y a un côté romantique et une forme de générosité que je ne trouve pas forcément chez Messi. Et Pelé en numéro 1, c’est sans doute lié à l’enfance parce qu’il m’a ébloui très jeune et qu’il avait vraiment tout !

Tu étais où et tu faisais quoi le jour de l’éclipse totale de Soleil en France, le 11 août 1999 ?

Il y a eu une éclipse totale en 1999 ? Je ne m’en souviens pas. Peut-être que je dormais…

Pour ou contre le retour du coup franc indirect dans la surface de réparation ?

Je suis pour à 100 % ! Il y a des tas de penaltys qui sont sifflés alors qu’on est dans une zone qui n’est ni rouge, ni verte, mais plutôt orange (sic). Et puis sur certaines mains, ou certaines fautes qui sont à une extrémité de la surface, ça serait un bon compromis. Et puis je me souviens du fameux but sur coup franc indirect dans la surface de Michel Platini pour sa première sélection, contre la Tchécoslovaquie au Parc des Princes…

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Pourquoi les clubs français sont nuls en Coupes d’Europe ?

Je pense qu’on n’a pas une culture de l’Europe, puisqu’on ne va jamais très loin et qu’on n’en a pas gagné beaucoup. Il me semble aussi que chez les grosses équipes européennes qui en ont gagné beaucoup, eh bien il y a cette confiance qui règne au sein de ces clubs. Il y a aussi le poids du maillot, le prestige, que les arbitres protègent consciemment ou non.

Est-ce qu’au fond de toi, tu resteras toujours un provincial complexé installé à Paris ?

Ah, non pas du tout… Pourquoi ? Je ne suis complexé en rien par rapport à Paris. J’aime la province, je suis cannois au fond de moi, mais je me suis adapté à Paris d’autant plus facilement que je n’ai pas trop subi ses mauvais côtés, que j’ai des horaires décalés et que je voyage beaucoup.

En France, on a beaucoup snobé la victoire des Bleus à la Coupe du monde 2018 en Russie parce qu’ils ont pratiqué un jeu de crevards. Est-ce la preuve que la France est devenue un vrai pays de football ?

Moi, je trouve ça bien, oui. La victoire écrase tout, même dans des grands pays de football, comme l’Italie en particulier parce que, eux, ils s’en foutent pas mal de la manière. Cependant, il faut aussi ces voix qui s’élèvent pour dire : « OK, c’est formidable, mais qu’est-ce qu’on s’emmerde. » Surtout par rapport aux joueurs que l’on a, des gars de qualité qui jouent dans des grands clubs ! Autrefois, le pays qui gagnait la Coupe du monde imprégnait un style dont beaucoup d’équipes s’inspiraient ensuite. Or, qui s’est inspiré du jeu de l’équipe de France de 2018 ? Personne.

Ton bouquin Puzzle vient-il combler le manque de ne jamais avoir travaillé dans la presse écrite ?

Non, il n’y avait aucun manque, ça s’est présenté comme ça. On m’avait souvent sollicité pour un livre, et j’ai toujours répondu poliment « non ». Et là, c’était peut-être le bon moment, c’était une manière de transmettre différemment. Même si je n’ai pas tout dit dans les 428 pages et qu’il y aura peut-être un Tome 2, un Tome 3…

Eric Cantona, tu le préfères en chanteur ou en comédien ?

Chanteur, je ne le connais pas assez parce que je ne l’ai pas encore entendu. En tant qu’acteur, autant au début on avait du mal à oublier que c’était Eric Cantona « le grand footballeur », mais je l’ai vu dans des téléfilms et je trouve qu’il a vachement progressé. Chanteur, je pense qu’il fera ça très bien parce que c’est un perfectionniste, un artiste dans l’âme. Alors, j’irai sans doute le voir parce que c’est lui…

Parmi ces stars italiennes, tu peux me donner ton podium : Sophia Loren, Isabella Rossellini, Gina Lollobrigida, Claudia Cardinale, Monica Bellucci, Monica Vitti, Ornella Muti ?

Dans le désordre, alors. En une : Monica Vitti. En deux : Claudia Cardinale… et en trois : Ornella Muti. Y a match entre Ornella et Gina Lollobrigida. Monica Vitti c’est la blonde troublante, qui t’émeut un peu, malgré sa beauté. Claudia Cardinale ressemble beaucoup à la mère de mes enfants, alors ça doit jouer. Et puis les films incontournables, Il était une fois dans l’Ouest… Et après, Ornella Muti, quand on était adolescents, elle était quand même… très  « plastique » (sic) ! L’Italienne dans toute sa splendeur !

Le Brésil a perdu cette magie, d’autant plus que les joueurs vont en Europe de plus en plus jeune et qu’ils s’européanisent par la force des choses.

Didier Roustan

On a perdu le Brésil, Didier ?

Ben, on l’a perdu depuis que Telê Santana a perdu en 1982 et en 1986. Les Brésiliens ont longtemps eu depuis ce complexe physique, alors ils ont mis en 1994 Parreira à la tête de l’équipe du Brésil, un prof de sport qui avait été le préparateur physique de la Seleção 1970 ! Le Brésil a perdu cette magie, d’autant plus que les joueurs vont en Europe de plus en plus jeune et qu’ils s’européanisent par la force des choses. Même si on aura toujours un Neymar ou un Ronaldinho qui passeront par là. Ça a été catastrophique que ce futebol arte de la sublime Seleção ne gagne pas le Mundial 1982 que j’ai couvert : ça nous a conduits à la Coupe du monde 1990 chiante comme la mort.

Quelle est l’action qui t’a le plus joyeusement marqué et celle qui t’a le plus tristement marqué ?

Le but de Kostadinov. J’étais au Parc. Il s’est passé quelque chose d’inouï, je n’ai jamais vécu ça. Il y a toujours dans un stade un brouhaha permanent. Là, c’était tendu sur la fin, à 1-1. Quand l’action est partie sur la droite, d’un coup, il y avait 45 000 personnes muettes… Comme si on avait coupé le son. L’action du but s’est écoulée en trois secondes et demie ! Et derrière ça : silence… Derrière, en haut de la tribune de presse, y a cinq six journalistes bulgares debout, qui gueulaient « WO-WO-WOOOOW ! » Ça m’a marqué à vie… Le plus agréable ? Peut-être en Coupe du monde 1982 : le but de Junior contre l’Argentine, où il y a une série de passes entre Brésiliens. Il marque, il va danser et là, c’est quelque chose qui t’emporte… Ah, tiens ! Le but de Platini contre le Portugal à l’Euro 1984. Je le commentais et j’avais terminé debout, torse nu, en direct ! Quand Tigana centre en retrait pour Platini, lui, au lieu de reprendre tout de suite, il marque un temps d’arrêt et tape en l’air. « Pourquoi tu as tiré en l’air ? », je lui ai demandé après le match et il m’a répondu : « C’est plus facile que le ballon évite quatre têtes que huit jambes. »

Qu’est-ce qu’il te reste de ton service militaire ?

Je ne l’ai pas fait. Parce que j’ai eu un très grave accident au coude. Donc, j’ai fait les trois jours à Paris, plus les tests psychologiques. J’ai été convoqué par un mec qui m’a dit : « Vous êtes manifestement quelqu’un de très brillant, on aimerait vous garder, mais l’armée ne peut pas vous prendre parce que si vous vous re-pétez encore le bras, on va payer à vie. » Moi, j’étais ravi, mais je n’ai pas sauté au plafond, des fois qu’il changerait d’avis. J’ai juste dit, « d’accord » et je suis parti, tout content.

Je me suis souvent attaqué à des moulins à vent : si je crois en une cause, je peux être jusqu’au-boutiste.

Didier Roustan

Tu te définis comme moitié abbé Pierre, moitié Don Quichotte. L’abbé Pierre a un côté défenseur et Don Quichotte serait plutôt un attaquant… Donc, dans ta vie, il n’y a pas de juste milieu ?

Non, il n’y a pas de juste milieu avec moi, c’est vrai. Je suis né sous le signe de la Balance, toujours à la recherche d’un équilibre, que je ne trouve jamais… Don Quichotte et Abbé Pierre, ce sont des surnoms que l’on m’a donnés, hein ! Mais c’est vrai, j’ai toujours aimé m’occuper des autres. Et Don Quichotte, parce que je me suis souvent attaqué à des moulins à vent : si je crois en une cause, je peux être jusqu’au-boutiste. J’ai mon équilibre dans mon déséquilibre, comme je le dis parfois !

Le VAR aurait juste dû rester un département, non ?

Ah, oui, le 83 ! Un département que j’aime bien. Et, oui, le VAR aurait dû rester dans cette fonction-là : un département.

Ne pas avoir tapé le ballon avec Bob Marley, c’est un des grands regrets de ta vie ?

Ça aurait été sympa. Je savais qu’il avait la passion du foot, qu’il avait joué contre les Nantais… Mais j’ai joué contre Rivelino, au Mexique, en 1986. Un match entre consultants. Il a essayé X fois de me faire un petit pont, il n’a pas réussi, et à la fin il m’a pris dans ses bras, c’était très touchant. Seize ans avant, je le voyais à la télé… Hey ! J’ai fait des six-six avec Chico Buarque !

Dans ton livre, tu imagines Aimé Jacquet s’exiler en Argentine à la suite de l’élimination de l’équipe de France en huitièmes de finale de Coupe du monde 1998 face au Paraguay… Après la désillusion du XV de France contre les Springboks, si Fabien Galthié avait été contraint à l’exil, où serait-il allé ?

Bon, là, déjà, il n’y a pas de scandale parce qu’en face, c’était quand même les Boks. Alors, pas dans l’hémisphère Sud… Ah, peut-être l’Argentine, lui aussi. Ou bien là où tu peux retrouver des valeurs vraies, comme en Afrique de l’Ouest… Peut-être à Brazzaville, là où tout a commencé, pour moi ! Ha, ha, ha, ha ! (Didier est né à Brazzaville, NDLR.)

Après l’éprouvante aventure du syndicat des joueurs achevée en 1999, tu as songé à devenir chauffeur de taxi à Cannes. Parce que tu es fan de Robert de Niro ?

Taxi Driver ! Jodie Foster, De Niro, Harvey Keitel… Mais ce n’est pas pour ça, non. J’avais un pote qui était taxi, et l’avantage, c’est que tu es ton propre patron et que tu gagnes à peu près ta vie. Et puis je retournais chez moi, à Cannes, retrouver les copains et mes parents aussi. Je ne voulais plus retourner dans une rédaction. Et puis les événements en ont décidé autrement : Vincent Régnier de L’Équipe TV, etc.

Pour le Tome 2 de Puzzle, je te suggère un titre : « De la Bocca à la Boca ». Ça t’irait ?

Je suis cannois, mais pas de la Bocca, hein ! L’AS Cannes jouait à la Bocca. Et la Boca, c’est Buenos Aires. C’est un beau titre, oui… C’est mieux que De Nuremberg à Nuremberg ! (Rires.)

Propos recueillis par Chérif Ghemmour

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