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Cristiano Ronaldo et le médicament luxembourgeois
Pour calmer la furie médiatique qu’il a créée en chouinant ses malheurs madrilènes, le grand et beau Cristiano Ronaldo doit soigner ses statistiques, ce soir au Luxembourg en ouverture des éliminatoires du Mondial-2014.
« Je ne fête pas mes buts parce que je suis triste. Cette tristesse est due à des raisons professionnelles. Au club, ils savent pourquoi. » Trois phrases, un constat : Cristiano Ronaldo a mal quelque part, et la béquille reçue par un joueur de Grenade dimanche lors de la 3e journée de Liga (3-0) n’y est pour rien. Si le Madrilène s’est aussitôt chargé d’évacuer un quelconque lien avec l’argent, c’est parce qu’une nouvelle fois, on l’a poussé à le faire, les chatons de la presse mondiale ayant été outrés par cette hypothèse, oubliant au passage que la pauvreté n’a pas le monopole de l’amour de la revalorisation salariale. Le seul problème de CR7, c’est que sa rentrée des classes médiatique a été effectuée avec l’acting de Michel Boujenah, si bien que le chagrin en question n’a été pris au sérieux par personne. Si l’origine de ce cafard était en fait un manque d’affection, sûr que le retour au bercail au sein de la Selecçao devrait parvenir à doper le moral du natif de Funchal. Car si le match de ce soir se déroule au stade Josy-Barthel de Luxembourg, le Portugal sait qu’il évoluera dans des conditions proches de celles d’un match à la maison.
Au Grand-Duché, 82 000 des 511 000 habitants sont d’origine portugaise. Les Roud Léiwen, qui devraient faire avec 1 000 spectateurs de moyenne face aux autres adversaires de ce groupe F (Russie, Israël, Irlande du Nord, Azerbaïdjan), verront 8 000 fans lusitaniens se trémousser dans les tribunes ce soir. Le genre de contexte qu’il fallait à Ronaldo pour se refaire la cerise. D’autant que le match n’a pas besoin d’être commencé pour connaître son issue : il est écrit que le Luxembourg va se faire ouvrir, et pas qu’une fois. Les cinq dernières confrontations directes indiquent que le Portugal a gagné à chaque fois, avec un bilan de 22 buts marqués pour 0 encaissé. La sélection de l’irritable Paulo Bento, dont la conférence de presse a battu des records de langue de bois, débarque au complet. Un des doutes du sélectionneur concerne le choix de l’avant-centre. Mais peu importe que l’élu soit Helder Postiga ou Nelson Oliveira. Comment l’heureux élu pourrait-il être effrayé par une défense centrale luxembourgeoise composée de Guy Blaise, capitaine de Virton (D3 belge) et de Chris Philipps, pilier des U19 du FC Metz ?
« Ils n’ont qu’à mettre un bus devant leur but aussi »
Qu’à cela ne tienne, le Luxembourg mise sur ses trois succès compilés à domicile lors des dix-huit derniers mois (face à la Slovaquie, l’Albanie et la Macédoine) pour être persuadé que ce n’est pas parce qu’on a passé une partie de son histoire à se faire marcher dessus que cela est condamné à ne pas changer. Et tant pis si la superficie du Luxembourg est inférieure à la moitié de celle du département du Calvados – ce qui donne une idée de la difficulté pour composer une équipe digne de ce nom –, les hommes de Luc Holtz ont de bonnes raisons de voir le ciel s’éclaircir. Cet été, le F91 Dudelange a réalisé la plus belle épopée européenne de l’histoire du foot grand-ducal, le parcours s’arrêtant fin août invitant toutefois à relativiser le terme « épopée » .
Reste que pour la première fois depuis une petite éternité, les Roud Léiwen se présentent avec trois professionnels : Mario Mutsch, latéral à tout faire et leader du championnat suisse avec Saint-Gall, Lars Gerson, milieu relayeur de Norrköping (D1 suédoise) et l’avant-centre Aurélien Joachim, qui a profité de l’aventure européenne du F91 pour rejoindre Willem II et le ventre moelleux du championnat néerlandais. Pour le reste, c’est amateurisme et talents cachés. Principaux joueurs sous-estimés par le reste de l’Europe, les deux milieux de terrain Gilles Bettmer (23 ans) et Ben Payal (23 ans jusqu’à demain) voient cette vitrine portugaise comme un moyen d’en mettre plein les yeux des recruteurs (Nancy, Mönchengladbach, Wolfsburg, Nuremberg, Munich 1860, le Hertha Berlin seront par exemple dans les tribunes). Un sacré défi quand on connaît la difficulté de se mettre en valeur dans une équipe dont la tactique avait été définie de la sorte par Cristiano Ronaldo, il y a un an après un match amical (5-0) : « Ils n’ont qu’à mettre un bus devant leur but aussi. »
Matthieu Pécot