CM 2010 : l’Afrique du Sud serre les fesses !
Retards toujours plus conséquents, stades mal étudiés et pressions en tout genres de la FIFA : à trois ans jour pour jour de sa Coupe du Monde, l'Afrique du Sud joue à se faire peur pour avoir peut-être voulu trop en faire...
« On a l’impression que les organisateurs veulent égaler l’organisation allemande en efficacité. Quelle connerie ! Les Allemands peuvent envahir la Pologne en 3 jours. Nous en trois mois, nous n’y arrivons même pas au Swaziland » . Le responsable de cette blague au contenu historique douteux s’appelle Trévor Phillips, l’ancien patron du championnat sud-africain de football. Douteux, mais révélateur de la volonté du pays d’en mettre plein les mirettes au monde entier pour ce premier mondial sur le sol africain. Pourtant au pays des Bafana Bafana, on n’a aujourd’hui qu’une hantise : l’humiliation de voir le rêve s’échapper au dernier moment pour cause de retard à la livraison. La FIFA serait ainsi très inquiète des retards pris par les travaux. Et à son jeu favori du billard diplomatique à douze bandes, elle alterne le chaud et le froid. Pour le froid, Kaiser Beckenbauer s’est proposé de lui-même pour changer, en se déclarant « inquiet » face aux « gros problèmes » rencontrés par les organisateurs. Heureusement Sepp Blatter s’est voulu rassurant en réitérant sa confiance au pays, tel un Rudi Roussillon à son apogée et son fameux « Je réitère toute ma confiance à Serge Le Dizet » . Les charognes flairent déjà la bête blessée : l’Allemagne (ça rassurerait Franz), les Etats-Unis et l’Australie se placent déjà sur la liste potentielle des pays-hôte de rechange. Alors, pour se rassurer les Sud-africains peuvent se dire que Londres 2012 connaît aussi une sérieuse gueule de bois post-désignation.
Comme les Anglais, les organisateurs ont promis du lourd et les emmerdes semblent suivre proportionnellement. Il faut dire que le pays partait de loin, et même de très loin, puisqu’en 2003, sur les 10 stades retenus, seul l’Ellis Park de Johannesburg (l’antre des Springboks) répondait aux normes FIFA.
Sur ces dix stades, deux doivent sortir de terre, trois autres seront entièrement reconstruits et les cinq derniers sérieusement relookés. La capacité d’accueil sera même la plus importante pour une phase finale de coupe du monde, juste derrière l’édition américaine de 94.
A Durban, l’arc qui traverse le stade de 70 000 places se paie même le nouveau Wembley question taille. Impressionnant sur maquette, le projet perd néanmoins de sa superbe sitôt confronté aux dures réalités du terrain. Entre les problèmes de fournitures, le manque de main d’œuvre, les mauvaises évolutions techniques et les retards qui s’accumulent – quand les travaux ont pu commencer – les organisateurs parent au plus pressé et le budget prévisionnel d’exploser – jusqu’à dix fois le coût de départ pour certains stades. En mars dernier, devant la commission des finances du Parlement, le président du Trésor admettait même, dans un élan d’extra-lucidité, que « les risques de retard étaient grands » .
Pris de court, l’Etat doit alors de fait taper dans ses réserves au détriment d’autres projets structurels ; hôpitaux et écoles entre autres. Mais peu importe finalement, puisque qu’ « avec cette compétition, nous allons pouvoir nous comparer aux pays les plus développés » claironne Danny Jordaan, président du Comité d’organisation.
Pour cet ancien militant anti-apartheid métis, 2010 doit montrer la réussite de l’Afrique du Sud post-apartheid. Malgré toute la symbolique véhiculée par la remise du trophée Webb-Ellis par Nelson Mandela au capitaine blanc des Boks François Pienaar, le mondial de rugby en 95 restait en partie celui des blancs.
2010 sera assurément celui de la communauté noire. « Nous avons hérité de ce pays, et aujourd’hui il va mieux que jamais. L’économie est à son top au regard des quarante dernières années et les déficits sont sous contrôle. C’est une réussite qui procure de la fierté aux noirs, et qui défie les stéréotypes » énonce avec fierté Jordaan.
Mais, littéralement obsédé par cette échéance capitale, le football sud-africain se prépare des lendemains difficiles dans des stades trop grands et mal situés. Comme par exemple, le cas aberrant du stade de Cape Town. Au lieu de rénover le stade historique à proximité des townships, la mairie a préféré opter pour la construction d’une nouvelle enceinte dans une zone plus CSP+. A l’origine de ce choix controversé, il y aurait une pression amicale de la FIFA. Selon le quotidien de Johannesburg The Mail & Guardian, le délégué en charge du dossier aurait estimé que « le milliard de téléspectateurs n’aurait pas envie de voir ces bicoques et cette pauvreté sur leur écran » . Et puis les ghettos, ça coupe l’appétit de Sepp Blatter.
A Cape Town, le nouveau joujou devrait revenir aux rugbymen de la Western Province pour jouer le Super 14. Même cas de figure à Durban, où les Natal Sharks sont amenés à squatter le stade remis à neuf. Une récupération par l’ovalie qui ne fait vraiment pas rire Trévor Phillips : « Dans ce pays de 45 millions de personnes, 40 millions ne peuvent pas sentir le rugby. Moi, ça me fait vraiment chier que le rugby récupère les bénéfices de ce mondial » vitupère Phillips qui doit par conséquent se cogner de l’arrivée de Frédéric Michalak aux Natal Sharks.
Enfin, face à la grogne du fan de foot lambda devant le prix ahurissant des billets, l’organisation a pu évoquer la possibilité d’émettre des « tickets africains » meilleur marché. Pas longtemps pourtant, la FIFA leur ayant vite fait comprendre qu’il y avait quand même une compétition à rentabiliser et des sponsors à engraisser. Une Coupe du Monde en Afrique, mais sans public africain : fallait y penser, la FIFA l’a fait.
par Alexandre Pedro
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