C3 : La story Ajax-OM
Bien fait pour les abrutis de Twente qui se croyaient automatiquement qualifiés après leur 1-0 au Vélodrome ! Leur élimination (0-1, 6 tab à 7) a été un supplice rafraîchissant. L'OM retrouvera un autre club Hollandais en 8èmes. Pas n'importe lequel. L'Ajax d'Amsterdam. Une vielle histoire...
Comment découvre-t-on la modernité ? En se la prenant dans la gueule. Demandez aux Japonais, après Hiroshima… OK, pas drôle. Bon, alors, en 1966, à Londres, quand le jeune Jimi Hendrix a mis la misère à tous les super gratteux anglais qui dominaient la pop déjà mondialisée. Gnaf ! Ou alors en octobre 1971, quand le grand OM, meilleur club français du moment (avec Skoblar et de Magnusson) a reçu l’Ajax d’Amsterdam en 8ème de C1 (à l’époque Coupe des Clubs champions)…
Les supporters Marseillais y croient mais montent quand même en procession visiter la Bonne Mère (authentique). Ben oui : c’est l’Ajax, champion d’Europe en titre, avec son N°14 déjà mythique, Johan Cruyff… Tous les journalistes français de l’époque s’accordent à dire que quand les Néerlandais d’Amsterdam sont arrivés à Marseille, tous ont ressenti le choc violent de la modernité. Les joueurs de l’Ajax sont jeunes, sexy, décontractés, souriants, fringués classieux. Bref : l’Ajax est rock’n’roll. On n’avait jamais vu ça avant. George Best, peut-être. Mais il était le seul sexy boy à MU. La séance d’entraînement et de reconnaissance de la pelouse du Vélodrome de Johan Cruyff et ses potes tourne à la révélation : les Hollandais savent tout faire. Même les défenseurs savent manier le ballon. Révolutionnaire à l’époque. Et puis, les exercices de longues transversales de tous les coins du terrain avec contrôles orientés dans la course… Du jamais vu. Et puis toujours ces rires, cette facilité, cette jeunesse, ce charisme. L’affaire est entendue : l’OM n’a aucune chance. Alors autant admirer et apprendre. L’Ajax plie la tente en deux temps : 2-1 au Vélodrome et 4-1 dans les brumes du Nord. Au match aller, le Vélodrome bat un record d’affluence qui tiendra très longtemps. L’Ajax jouait en rouge, ce qui le rend encore plus terrifiant. L’OM est balayé. Tout va trop vite pour des Olympiens qui découvrent soudainement un autre sport. Le foot français, pourtant si fier de son grand OM, se prend une claque gigantesque. C’était donc ça le football total ?… La tornade rouge et blanche qui a balayé le foot français en cet automne inspirera les dirigeants de la FFF. Ils recruteront le Roumain Stefan Kovacs en septembre 1973, coach de l’Ajax vainqueur de la C1 71-72 et 72-73. Il fallait au moins ça pour remettre sur les rails le football-belotte hexagonal de l’époque. Voilà. Le point de départ de la renaissance de notre football national doit en partie à l’Ajax d’Amsterdam. Kovacs amorcera une amélioration chez les Bleus, repris ensuite en main par Michel Hidalgo, deux ans plus tard, et boostés par St-Etienne et Michel Platini…
L’OM de Bernard Tapie a retrouvé l’Ajax en demi-finale de Coupe des Coupes 87-88. Encore une grosse claque : 0-3 au Vélodrome et un méritoire et 2-1 à Amsterdam. Un certain Dennis Berkamp avait illuminé les deux rencontres… Cette élimination salutaire avait été une fois encore riche d’enseignements pour un Bernard Tapie et un club trop impatients de s’imposer en Coupe d’Europe… Et puis, voilà, troisième acte : les deux clubs se retrouveront en 8ème, avec match aller à Marseille. L’Ajax coaché par Marco Van Basten (un ancien de la maison) traîne la patte en championnat. Comme les années précédentes, les Ajacides ont encore perdu ce championnat au cœur de l’hiver, en laissant filer AZ Alkmaar de Louis Van Gall (un ancien de la maison). Troisièmes et largués (12 points de retard sur l’AZ), les Rouge et Blanc ont reporté tous leurs espoirs sur cette C3, où ils ont plutôt brillé : invaincus à domicile et notablement victorieux à Hambourg (1-0) et à la Fiorentina (1-0). Pour le reste, l’équipe est très jeune et possède quelques joueurs un peu connus. Maroco-Hollandais et formé au PSV, Ismaïl Aissati (19 ans) est un jeune attaquant /milieu offensif prometteur mais « non désiré » par Van Basten, qui ne joue que depuis pas longtemps en équipe première. Un autre attaquant qui commence à faire (un peu) parler de lui, le Serbe Miralem Sulejmani (20 ans, 7 buts en 16 matchs en Eredivisie)… Un OM « concerné » a toutes les chances de se présenter en favori contre une équipe au prestige devenu encore plus virtuel depuis le départ au mercato hivernal de sa seule vraie star, Klaas-Jan Huntelaar, parti au Real. Aux dernières nouvelles, il commence même à régaler le public de Bernabeu. L’OM peut donc remercier la Casa Blanca d’avoir affaibli les Lanciers…
L’Ajax d’aujourd’hui brille par Barça interposé. Les Blaugranas de Pep Guardiola suivent toujours les mêmes préceptes du football chatoyant transplanté par deux immenses anciens de la maison Ajaxienne, Rinus Michels (1971-75, puis 1976-78) et Johan Cruyff (1988-96, la Dream Team…) Allez ! Encore un dernier mot sur l’Ajax. A quoi reconnaît-on un vrai grand club classieux ? A des détails… Arrivé à l’été 2003 en provenance de Rennes, le jeune Julien Escudé sacrifie à la visite médicale, à la visite des installations et à la signature avec le maillot du club. Après la cérémonie, le président de l’Ajax
prend à part le bon Julien pour lui expliquer la philosophie du club. A la fin de son laïus, il lui balance : « … Ah, tiens ! J’oubliais ! Ici, mon pote, t’es à l’Ajax : on joue pas avec des chaussures de toutes les couleurs, blanches, rouges, vertes, ou bleues. Pigé ?! »
Chérif Ghemmour
Par