Blatter vu du ciel

Sepp Blatter est petit, chauve – ou plutôt il a une implantation capillaire en fer à cheval -, rondouillard et porte des bretelles ; Sepp Blatter est suisse. Et pas n’importe quel Suisse, non, le Suisse tout en sauce, le Suisse qui déjeune du faisan, le Suisse président. Depuis 1998, Sepp Blatter est président de la Fifa (Fédération Internationale de Football Association), l’organisme qui régente le football mondial.

Aujourd’hui, Joseph Blatter va, selon toute vraisemblance, être réélu à la tête de la Fifa pour un troisième mandat d’affilée. Je dis « selon toute vraisemblance » , parce qu’à moins qu’Al Qaida ne se décide à attaquer le siège zurichois de la Fédé (1), Blatter est sûr de son coup : dans le monde enchanté du football, on ne parle plus d’élections, mais de réélections ; Sepp est seul candidat à sa propre succession. Les pisse-vinaigre argueront que cela lui évitera cette fois d’avoir à corrompre les présidents des fédérations africaines, comme il avait dû le faire en 1998 pour briguer son premier mandat. A l’époque, les enveloppes de dollars, 5 000 avant le vote, 5 000 après, circulaient entre les chambres de l’hôtel Méridien Montparnasse à Paris… 18 présidents africains changeront ainsi leur vote, et Blatter sera élu (si les voix promises à Johansson ne s’étaient pas reportées sur Blatter, c’est le Suédois qui aurait été élu, alors).

Le patron du foot somalien (Farah Addo, comme Farah Fawcett mais en plus jeune, donc) cria au scandale quelques années plus tard, mais personne ne l’entendit et d’ailleurs, qui savait qu’on jouait au football en Somalie ?

Tôt ou tard, quelques journalistes chafouins se demanderont peut-être comment Sepp Blatter en est arrivé à être seul candidat en 2007, à moins que tout le monde ait déjà sa petite idée sur la question, et que tout le monde s’en foute.

Après tout, Blatter est à l’image du football d’aujourd’hui. Un football où un club reconnu coupable de corruption, et donc exclu de la plus prestigieuse des Coupes Européennes, finit quand même par la remporter, Silvio Berlusconi est un génie.

Dans le genre, Blatter n’est pas mal non plus. Arrivé à la Fifa en provenance directe d’un équipementier allemand avec lequel il a, depuis, conclu un contrat de partenariat de 350 millions de dollars pour neuf ans – le Suisse a la reconnaissance du ventre –, il a rapidement compris comment fonctionnait le système ; et su profiter de ce qu’on appelle couramment « les privilèges de la fonction » .

Sepp Blatter ne paie pas d’impôts – parce qu’il déclare habiter à Appenzell, un paradis fiscal suisse –, il sort avec une blonde de l’Est qui a trente ans de moins que lui – la Polonaise Ilona Boguska –, et pratique à merveille le une-deux avec des comptes secrets qui lui ont valu notamment quelques bonnes pages dans un livre-enquête signé Andrew Jennings, une sorte de Michael Moore anglais, c’est-à-dire sans la casquette de routier. Un livre sorti juste avant le Mondial 2006 mais qui n’a absolument pas remis en cause ni le statut, ni l’éligibilité de Sepp Blatter. Ni même sa relation avec Ilona.

Remarquez, en 2002, il avait déjà été réélu haut la main malgré une plainte pénale déposée suite au rapport du secrétaire général de la Fifa de l’époque qui dénonçait la gestion opaque pour ne pas dire frauduleuse et les systèmes de corruption mis en place par Sepp et ses petits potes. Sont-ce les mêmes types avec qui il a monté l’Association Mondiale des Amis du Porte-Jarretelles, dont il est d’ailleurs l’ancien président ?… Car Sepp Blatter est un homme qui sait s’amuser. Et c’est pas Ilona qui s’en plaindra.

Par Giovani Seri

(1) et on ne voit même pas comment ça serait possible si l’on considère que le type qui prêta son avion à Blatter pour faire le tour de l’Afrique en avril 2002 n’était autre que Saleh Abdullah Kamel qui figure sur la liste des généreux donateurs à Al Qaïda…