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Bedsente Gomis : « J’ai la chance de faire ce que j’aime à un niveau correct »

Propos recueillis par Babacar Sall à Londres.
10 minutes
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Formé au RC Lens, Bedsente Gomis, vingt-huit ans, joue actuellement en D5 anglaise du côté de Sutton United. Un parcours de rescapé du football, dont certains choix auraient pu lui coûter sa carrière. Entretien.

Ta carrière semble bien se relancer. Comment ça se passe du côté de Sutton ?C’est vrai que ma carrière se relance pas mal. Ça n’a pas été facile, c’est vrai, mais finalement aujourd’hui, je suis à Sutton United, en Conference Premier, l’équivalent de la D5 anglaise. Ça se passe plutôt bien, j’ai une bonne relation avec les coachs et avec les joueurs et, surtout, je prends énormément de plaisir à jouer tout en continuant à être très ambitieux.

Après seulement une saison dans ce club, on a l’impression que tu es déjà un pilier de l’équipe.Même si, comme tu dis, je suis un pilier de l’équipe, l’intégration ne s’est pas vraiment bien passée. Avec le coach, la relation a toujours été bonne à part lors des trois premiers mois. C’était clairement de ma faute. Je sortais de Southend et je ne voulais pas forcément signer dans ce club, surtout à ce niveau. Donc, personnellement, j’ai eu du mal à aller vers les gens et, bien évidemment, c’était pareil dans l’autre sens. Mon premier match, c’était en FA Cup. Je n’ai pas fait un gros match, mais le coach était quand même satisfait et j’ai eu une discussion avec lui. Il m’a clairement dit qu’il avait l’impression que je n’avais pas envie d’être là, que je n’avais pas l’air heureux et il m’a donné une vraie raison de me battre. Sans le savoir, j’étais un peu en train de lâcher. Il m’a dit une phrase qui m’a vraiment marqué : « Même si tu penses que tu peux jouer à un niveau plus haut, t’es en train de faire ce que tu aimes et c’est toujours mieux que de travailler au McDonalds. » À partir de là, ça a fait « tilt » . À partir de ce jour-là, je me suis vraiment mis au travail, mais je n’étais pas forcement prêt physiquement à enchaîner les matchs. Après deux matchs, il a voulu m’envoyer en prêt, mais un des milieux était suspendu. J’ai fait un match de fou et il a écarté l’idée de me prêter, j’ai gagné son respect et le respect de l’équipe.

Pourtant malgré ton intégration peu réussie, tu as tout de même été élu meilleur joueur de la saison par les supporters et surtout champion.Franchement, j’ai été surpris parce qu’il y avait pas mal de bons joueurs dans cette équipe qui méritaient tout autant que moi. Mais comme je le disais juste avant, c’est grâce à la discussion avec le coach que j’ai tout donné pour réussir la saison. Je me suis mis à la musculation, chose que je ne faisais plus depuis longtemps et, en Angleterre, tout le monde sait que c’est très important. Je me sentais vraiment bien dans le groupe, j’ai retrouvé le goût et le plaisir de jouer au football. Ça s’est très bien passé, on a gagné énormément de matchs. Sur les 25 derniers matchs, on a fait vingt et une victoires et quatre matchs nuls, c’est vraiment exceptionnel.

C’est quoi le niveau de la D5 anglaise ?Individuellement, ça dépend vraiment. Certains joueurs pourraient vraiment jouer dans les divisions supérieures. Collectivement, le niveau des équipes est pas mal, c’est très organisé. Physiquement, c’est très costaud. Mais bon, ce n’est quand même pas un niveau super élevé. En revanche, l’ambiance est vraiment fantastique. Les stades sont assez pleins, la qualité des pelouses, c’est le top aussi, ça donne vraiment envie de jouer. C’est ce que chacun des joueurs veut quand il vient jouer au foot.

J’étais super têtu à l’époque, parce que je considérais que j’avais encore le niveau et je ne voulais pas descendre d’un niveau. Et vu que personne ne me voulait, deuxième saison blanche. Quand je me suis réveillé et que j’ai compris que je n’allais pas jouer au niveau que j’espérais, c’était déjà trop tard.

T’es actuellement semi-pro. Considères-tu que c’est un échec dans ta carrière ?Si tu m’avais posé la question deux ou trois années avant, ma réponse aurait été oui, c’est un échec. Mais avec tout ce qui s’est passé dans ma carrière, avec tous les moments difficiles que j’ai eus, que ce soit en Espagne, à Lens ou même quand je suis arrivé en Angleterre et que j’étais sans club pendant deux saisons, ce qui est énorme… Donc aujourd’hui, je vais te répondre non, ce n’est absolument pas un échec. Je suis clairement gagnant parce qu’aujourd’hui, j’ai la chance de faire ce que j’aime, à un niveau correct, avec un revenu correct qui me permet de vivre tranquillement. Je suis clairement chanceux et très, très heureux de jouer en semi-pro. Aujourd’hui, il y a des joueurs qui restent sans club pendant six mois et qui n’arrivent pas à retrouver un club derrière, donc franchement, je suis content d’être où je suis. Je remercie vraiment Dieu pour ça.

Comme tu l’as dit précédemment, il y a eu un trou de deux ans dans ta carrière. Comment peux-tu l’expliquer ?Franchement, ce n’est pas bien difficile à expliquer. À Almería, ça ne s’est pas bien passé. J’étais censé rester trois ans, je suis resté qu’une année. J’ai fait des choix, que j’assume aujourd’hui, qui n’était pas forcément bons. Je n’étais pas bien entouré. Dans le football, quand tu fais certains choix, s’ils ne sont pas bons, t’as forcément quelqu’un qui va te stopper et qui va te faire réfléchir. Moi, je n’ai pas eu cette chance d’être bien orienté. Quand je suis parti d’Almería, pas mal d’agents m’appelaient pour me promettre des choses, puis au fur et à mesure, les appels cessaient et ils ne répondaient même plus à mes appels. Quand tu fais six mois sans club, les clubs commencent à se poser des questions et sont réticents à prendre un joueur qui n’est pas prêt physiquement. Pendant le mercato d’hiver, les clubs recherchent des renforts, mais je n’allais pas être un renfort en sachant que je ne pouvais tenir 90 minutes. Bon, après, une année passe, c’est encore plus dur. J’étais super têtu à l’époque, parce que je considérais que j’avais encore le niveau et je ne voulais pas descendre d’un niveau. Et vu que personne ne me voulait, deuxième saison blanche. Quand je me suis réveillé et que j’ai compris que je n’allais pas jouer au niveau que j’espérais, c’était déjà trop tard. Ce qui fait que là, je joue en D5 anglaise. À Southend en League Two, ils ne m’ont pas gardé, ce que je peux comprendre parce que, physiquement, je n’étais pas prêt. J’ai fait beaucoup d’erreurs et j’ai fait confiance à certaines personnes et je n’aurais pas dû. Mais c’est le foot, c’est comme ça.

Est-ce qu’à un moment, tu as songé à arrêter ta carrière pour aller « travailler » comme tout le monde ?
Non, non pas du tout. Dans mon entourage, on me le disait parce qu’on me voyait souffrir parce que j’étais sans club et on me disait « au moins, fais quelque chose pour que tu puisses gagner ta vie » , mais moi, je ne voyais pas les choses comme ça. Je ne voulais pas abandonner, je ne voulais pas échouer. C’était hors de question que j’échoue. Mais des fois, c’était chaud. Quand je me disais que je devrais peut-être abandonner, il y avait tout le temps un truc qui me raccrochait au football : un appel, un essai, un espoir… Je ne pouvais pas lâcher.

Comment occupe-t-on ces journées quand on est sans club pendant une longue période ?C’est long, très long. On attend toujours cet appel qui va nous sortir du « trou » , qui va nous rendre heureux, que ce calvaire est terminé. Je m’entraînais deux fois par jour, le matin et le soir. Après, j’ai eu la chance d’avoir mon fils et ma famille autour de moi. Faut pas mal prier aussi, ça aide ! Parce que vraiment, je ne souhaite à personne d’être sans club pendant une aussi longue période. Sans mon fils, ça aurait été encore plus difficile. Au moins, je m’occupais de lui, il ne se souciait pas de mes problèmes. Mais c’était aussi une grosse pression parce que des fois, tu te poses la question « Mais qu’est-ce que je vais lui donner à manger ? » , mais bon, finalement, on est bien. Il m’apporte beaucoup de bonheur au quotidien. Le soutien de la famille et des amis a été très important aussi.

J’ai décidé d’aller voir en Espagne pour voir si ça me convenait mieux. Et dès mon arrivée à Puertollano, ça s’est super bien passé. J’étais super bien intégré, j’ai appris rapidement la langue, c’était vraiment bien.

Revenons sur ta carrière. Tu as été formé à Lens et, comme pas mal de joueurs de ta génération, tu n’as pas eu ta chance en équipe première…Oui, malheureusement. Et sincèrement, je ne sais pas pourquoi. Comme beaucoup de joueurs de ma génération, je pensais que j’avais le niveau pour au moins mériter ma chance de jouer avec l’équipe première en Ligue 1. J’ai été l’un des premiers à m’entraîner avec les pros quand j’avais dix-sept ans, donc bien évidemment, à un moment, je pensais que j’allais jouer à Boellart avec les pros. C’est une déception, mais bon, c’est le football, c’est comme ça. En plus, quand tu signes pro avec ton club formateur, t’as envie de prouver que tu as fait le bon choix et t’as envie de montrer tes qualités au plus vite dans le groupe, mais le fait de ne pas avoir eu ma chance, j’ai décidé de partir après une longue discussion avec le directeur sportif. Je n’ai peut-être pas été assez patient par moment aussi, ça a pu jouer…

Donc tu décides de quitter ton club formateur pour l’Espagne.Oui, j’ai décidé d’aller voir en Espagne pour voir si ça me convenait mieux. Et dès mon arrivée à Puertollano, ça s’est super bien passé. J’étais super bien intégré, j’ai appris rapidement la langue, c’était vraiment bien. Ensuite, j’étais censé signer à Oviedo, mais finalement, j’ai signé à Almería et je dirais que mon erreur a été là… Ce choix-là m’a été préjudiciable, mais c’est un choix que j’assume aujourd’hui, encore une fois.

Qu’est-ce qui a mal tourné à Almería ?Déjà, l’équipe ne tournait pas bien. On était dans le bas du classement, ça ne jouait pas très bien. Personnellement, je ne me sentais pas très bien non plus parce que je n’étais pas là où j’avais envie d’être même, si c’est un bon club. Pourtant, mes relations avec le coach et les joueurs n’étaient pas mal du tout, mais l’équipe n’était pas vraiment performante. Finalement, le directeur sportif m’a demandé de quitter le club, j’ai donc accepté, puisque je ne me sentais pas à ma place.

Après Almería, où tu t’entraînais aussi avec les pros, tu ne pouvais pas directement signer dans un autre club ?C’est ce que je pensais. Vu qu’Almería est un club assez connu, je pensais que ça allait être « facile » de trouver un autre club, c’est pour cela que je ne voulais pas redescendre d’un niveau parce que je croyais que je pourrais revenir en France pour signer en Ligue 2 ou aller en Angleterre pour signer en Championship, mais ça ne s’est absolument pas passé comme ça. Malheureusement, j’étais jeune et stupide. Les personnes avec qui je travaillais n’étaient pas sincères non plus, ça ne m’a pas aidé.

On peut clairement dire que c’est ce club qui a mis un frein à ta carrière ?En grande partie, oui. Mais ce n’est pas du tout le seul fautif. Le premier fautif dans cette histoire, c’est moi. Ils ne m’ont jamais forcé à aller dans leur club. Mais après Almería, il y a eu beaucoup de négatif en effet.

Qu’est-ce que tu ambitionnes pour la suite de ta carrière ?Déjà, souhaitez-moi bonne chance ! Concernant mes ambitions, je vais les garder pour moi. Ça ne m’a pas servi dans le passé de déclarer ce que je voulais. Après, je souhaite clairement continuer à progresser et prendre du plaisir sur un terrain de football.

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