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Ouédec : « Mes trois ans en Chine, je m’en rappellerai toute ma vie »

Propos recueillis par Nicolas Jucha
6 minutes
Ouédec : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Mes trois ans en Chine, je m&rsquo;en rappellerai toute ma vie »

Au début des années 2000, afin de relancer une carrière qui s'enlisait en Belgique, Nicolas Ouédec décidait de partir à l'autre bout du monde, en Chine. Où l'ancien buteur du FC Nantes allait vivre une seconde jeunesse à Dalian Shide, puis au Shandong Luneng.

Salut Nicolas. Hulk, bientôt Oscar et Tévez… La Chine est le nouvel eldorado du foot. On peut donc dire que tu as été un précurseur.En quelque sorte, oui. (Rires) L’offre est arrivée alors que je jouais en Belgique à la Louvière. Le championnat chinois est en décalage avec les championnats européens, cela commençait donc en mars 2002. Un agent français m’a contacté en me disant que le triple champion de Chine en titre, Dalian, était intéressé par ma venue. J’ai réfléchi, et dans un premier temps, j’ai dit que la Chine, cela ne m’intéressait pas a priori. J’étais loin d’imaginer ce que j’allais trouver en répondant favorablement à sa demande trois jours plus tard. J’en ai parlé à mon club de La Louvière, qui était favorable à l’idée de me lâcher. J’ai fait mon sac, on est parti à Pékin, puis à Dalian avec une 1h30 de vol en plus. Et j’y suis resté trois ans…

C’est quoi ta première impression à la sortie de l’avion ?J’étais loin d’imaginer l’engouement autour du foot en Chine déjà à cette époque. L’année 2002 et la Coupe du monde en Corée du Sud et au Japon favorisaient cela, la Chine venait de se qualifier pour la première fois de son histoire.

Quand je suis arrivé à Dalian, j’ai compris très vite où je mettais les pieds : tout l’état major du club était présent à mon arrivée, j’ai découvert une ville magnifique.

Il y avait une grosse effervescence. À Pékin, c’étaient mes premiers pas en Chine, dans un monde grandiose, une grosse découverte pour moi. Quand je suis arrivé à Dalian, j’ai compris très vite où je mettais les pieds : tout l’état major du club était présent à mon arrivée, j’ai découvert une ville magnifique. Pas excessivement grande à l’échelle chinoise, cinq millions d’habitants. C’est une ville portuaire, ils considèrent Dalian comme une station balnéaire, une ville où il fait bon vivre et les grosses fortunes aiment habiter. C’est un climat tempéré, il ne fait jamais trop chaud l’été ni trop froid l’hiver grâce à la mer. Il y a une douceur de vivre, c’est la ville des designers de fringues chinois, là où ils aiment s’installer. Le stade faisait 60 000 places, rien que pour mon premier match comme spectateur mi-février 2002, c’était un amical, il devait y avoir 25 000 personnes. Il y avait un gros engouement autour de l’équipe, c’était le club phare à l’époque, même s’ils ont reculé désormais.

Un club qui avait disputé une finale de la Ligue des champions asiatique…Ils en ont fait une… (Il réfléchit) Je suis resté une seule saison à Dalian, mais on a terminé champion, et ensuite je suis parti deux ans à Jinan (dans le club de Shandong Luneng, ndlr). Ils ont peut-être gagné une finale après, ou au moins fait une demie (Dalian a atteint la finale 1998, puis les demi-finales en 1999 et 2003, ndlr). C’était l’équipe phare de l’époque, avec l’ossature de l’équipe nationale chinoise, dont le monstre sacré Hao Haidong, un attaquant. Pour l’anecdote, quand je suis arrivé, on m’a demandé le numéro que je souhaitais. Il y avait l’entraîneur, le staff technique et plusieurs joueurs. J’ai dit : « Ben, je vais prendre le 9. » Tout le monde s’est marré, je me suis demandé ce qu’il se passait. « Désolé, mais le 9, c’est le numéro de Hao Haidong (107 sélections, 41 buts, ndlr), c’est impossible de l’avoir. » Au moins, comme ça, j’ai découvert mon partenaire d’attaque et j’ai pris le numéro 21.

Le numéro est important pour les Chinois ?Le 9 est un numéro porte-bonheur, c’est très important pour eux. Je me suis entraîné trois ou quatre jours, j’ai discuté avec le coach, le Serbe Milorad Kosanović. C’était un entraîneur réputé qui avait entraîné l’Étoile rouge de Belgrade, qui avait un gros caractère, et qui avait tout un staff yougoslave autour de lui. Il connaissait mon parcours. J’ai eu la chance de faire partie de cette équipe bien huilée et qui jouait au ballon. Je ne suis pas Tony Cascarino, j’ai besoin d’une équipe autour de moi pour m’exprimer.

Quel était le niveau du championnat ?

Il y avait de très grosses ambiances, notamment à Pékin avec 80 000 personnes dans le stade. Cela donne de très bons matchs de niveau Ligue 2.

Il y avait Dalian, le club de Pékin (Beijing Guo’an, ndlr), les deux clubs de Shanghai (Shanghai Shenhua et Shanghai Zhongyuan, ndlr), et un club près de Hong Kong, à Shenzhen (Shenzhen Ping’an, ndlr). Cela faisait cinq, six équipes qui se tenaient. Mon second club, Shandong Luneng, à Jinan, en faisait partie aussi. C’était du niveau haut de tableau de Ligue 2, bas de tableau Ligue 1. Il y avait de très grosses ambiances, notamment à Pékin avec 80 000 personnes dans le stade, donc avec plus de pression, d’intensité. Cela donne de très bons matchs de niveau Ligue 2.

C’est vrai que les stars étrangères comme toi recevaient leurs salaires sous forme de valises pleines de billets ?On m’a posé la question, j’ai dit : « Non non, hors de question, je n’ai pas l’habitude de fonctionner comme ça. » Ce n’était pas dans mes habitudes, alors on s’est arrangé pour que je sois payé sur un compte bancaire. (Rires)

Après Dalian, vous avez donc signé à Jinan (côte est, entre Pékin et Shanghai, ndlr), au Shandong Luneng qui était un autre club ambitieux…

Avec le président de Shandong Luneng, on s’est vu dans un restaurant de Dalian, dans une salle privatisée. Il m’a dit : « Tu me donnes le chiffre que tu veux et tu viens à Jinan l’année prochaine. Je veux t’avoir chez nous. »

Ils avaient terminé seconds du championnat. Je souhaitais rester à Dalian, j’avais signé un an, j’étais bien acclimaté. J’y ai d’ailleurs rencontré mon épouse avec qui je suis toujours (une ressortissante philippine, ndlr). À l’avant-dernier match de la saison, on reçoit Jinan dans un stade en feu, avec 60 000 personnes. Une ambiance de malade, l’arbitre a retardé le coup d’envoi pour que tous les supporters puissent entrer. On a gagné 3-2, j’ai marqué deux buts et provoqué le penalty du troisième. Le président de Shandong Luneng a contacté le soir même l’un de mes agents, un Chinois francophone qui faisait le relais avec mon agent français. J’ai assisté à une réunion surréaliste à 3 heures du matin, car il voulait absolument me rencontrer. On s’est vu dans un restaurant de Dalian, dans une salle privatisée. Il m’a dit : « Tu me donnes le chiffre que tu veux et tu viens à Jinan l’année prochaine. Je veux t’avoir chez nous. »

Une offre que l’on ne peut pas refuser ?J’étais rentré à mon hôtel, mais mon agent m’avait prévenu qu’il dînait avec le président du Shandong Luneng et qu’il allait probablement faire une offre. C’était à l’époque le club le plus puissant financièrement, financé par une grande entreprise d’électricité. Donc il m’a bien fait comprendre : « Peu importe ton chiffre, l’année prochaine tu es chez nous. » Voilà un peu l’esprit chinois. Quand je suis arrivé, il y avait déjà de l’alcool, ils négociaient autour d’une bonne table et l’on a fait des « gan bei » (cul sec, une coutume pour témoigner du respect à son interlocuteur, ndlr). Vraiment, ces trois années en Chine, je m’en rappellerai toute ma vie…

–> Le dossier Le Made in France s’exporte bien est à retrouver dans le SO FOOT CLUB #28, actuellement en kiosque

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Propos recueillis par Nicolas Jucha

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