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On était avec les tarés d’Independiente

par Léo Ruiz
On était avec les tarés d’Independiente

Independiente-Boca, c’est l’un des grands Clásicos de Buenos Aires. Deux poids lourds du football sud-américain, actuellement pas dans leur meilleure période. C’est le moins que l’on puisse dire pour El Rojo, dont la présence en première division est sérieusement menacée. L’occasion d’aller se glisser dans la Popular Norte, et de constater la folie des types. Entre grosse chaleur, malaises, bisous, prières et peur. La vraie peur.

Ce soleil qui tape. Et cette file d’attente, interminable. Heureusement, on a reçu le dernier So Foot, et les types de la queue sont sympas et font tourner le maté. « C’est le début de l’ère moderne pour Independiente ! » L’ère moderne, c’est la possibilité pour les socios du club de s’enregistrer en ligne et d’aller chercher le sésame au siège du club. « Au lieu de faire six heures de queue au stade, on en fait une ou deux ici. » On est jeudi et les petits veinards qui ont réussi à s’enregistrer la veille sur le site du club viennent récupérer leur entrée pour le Clásico du week-end, face à Boca Juniors. À Independiente, comme dans plusieurs autres grands clubs argentins, les abonnés ne sont pas sûrs de pouvoir se rendre aux matchs, puisqu’ils sont beaucoup plus que le nombre de places disponibles dans le stade. Avec une tribune entière de fermée, le Libertadores de América peut actuellement recevoir 32 000 fidèles, pour 80 000 socios. D’où l’attente.

Vague rouge

Jour de match. La chaleur, toujours. Le rendez-vous des fans a lieu au croisement des rues Belgrano et Alsina, en plein cœur d’Avellaneda, où zone une dizaine de flics à cheval, béret bordeaux sur le crâne et matraque à la main. Ce Clásico, c’est celui des deux plus grands d’Amérique latine, vainqueurs de 13 Copa Libertadores à eux deux. Deux clubs séparés par un fleuve, le Riachuelo. Côté capitale, Boca Juniors, équipe la plus populaire d’Argentine. Côté banlieue, Independiente, club phare de la ville d’Avellaneda, que « le Roi des Coupes » partage avec le Racing, son rival historique. En traversant le pont Pueyrredon, on croise un bus plein à craquer de supporters de Boca, qui se dirige du mauvais côté. Juste des mecs sans place venus faire monter la température. Ceux qui comptaient profiter de ce week-end à rallonge pour se reposer sont mal tombés, à deux heures du coup d’envoi, une immense et bruyante vague rouge déferle sur Alsina. Direction le kop nord, celui de la barra brava.

Depuis un an, le quotidien d’Independiente est la lutte pour le maintien. El Rojo a jusqu’à juin pour prendre le maximum de points, afin de s’extirper de la zone rouge et d’éviter la première relégation de l’histoire du club. Très peu apprécié des fans des autres clubs argentins, Independiente est le club que tout le monde veut voir tomber, surtout du côté de Boca, seul autre club du pays à n’avoir jamais connu la deuxième division. Après trois contrôles policiers, nous voici dans la tribune basse du kop nord, Popular norte en VO, déjà pleine plus d’une heure avant le coup d’envoi. Et chaude comme la braise. Plus dense que Singapour, elle est néanmoins désertée en son cœur, tout comme le parcage de Boca en face, en haut de la Popular Sur. Cet espace est en fait réservé aux barras bravas, en train de s’imbiber sous la tribune, et qui entrent traditionnellement avec drapeaux et tambours une quinzaine de minutes avant le début du match.

Pénalty raté, expulsion, malaise et bisou sur le crâne

Les voilà qui arrivent. La Doce (12, barra de Boca) sort son message traditionnel, « nous n’avons jamais fait d’amitié » , pendant que les locaux distribuent par milliers les ballons gonflables. Rouges, évidemment. L’ambiance est électrique. C’est l’heure de la sortie des équipes. Chants, ou plutôt hurlements, papelitos, feux d’artifice. La fête, la vraie. Les fans sont en transe, possédés. Ils profitent de la minute de silence pour entonner l’hymne argentin, rappelant à leur adversaire du jour que ce sont eux les mieux dotés en Libertadores (7 contre 6). Les succès de la sélection, ils s’en fichent royalement. La seule représentation du pays à l’étranger qui vaille, c’est celle de leur équipe. La partie n’a pas encore commencé que déjà un gamin victime d’un malaise se fait évacuer de la tribune. Putain de chaleur. !

Cette fois, c’est parti. Bianchi a laissé quelques-uns de ses cadres au repos, dont Riquelme, en vue du match de Copa Libertadores qui les attend dans la semaine. Les locaux dominent et obtiennent un pénalty dès les premières minutes. Explosion dans la tribune. Les fans s’embrassent, sans même se connaître. Celui de derrière, maillot d’Agüero sur les épaules, nous baise même le crâne. Comme ça, par pur bonheur. À gauche, un autre, la vingtaine, enchaîne cinq ou six prières les yeux tournés vers le ciel. Dieu devait être concentré sur autre chose, puisque Montenegro, l’éphémère Marseillais, le manque. Rapatrié cet été du Mexique, le nouveau capitaine d’Independiente reste le meilleur homme sur le terrain. C’est lui qui organise le jeu et qui lance Leguizamón, accroché par Cellay, expulsé sur le coup. Tout tourne à l’avantage des locaux, nettement supérieurs, mais Caicedo, lui aussi acquis au mercato, foire toutes ses occasions de but.

« J’en peux plus de souffrir »

Résultat, sur sa seule opportunité, Boca ouvre le score par Santiago Silva. Silence dans la tribune, et peur sur les visages. Pendant que le jeu continue, un supporter s’assoit, pose ses coudes sur ses genoux et regarde le sol pendant de longues minutes. Comme vous le jour où votre meuf vous a annoncé que c’était fini. Un autre socio retire soudainement ses chaussures, les enfile dans ses mains et applaudit avec. Pourquoi pas. Quelques immanquables plus tard, c’est la mi-temps, et une deuxième personne est évacuée d’urgence. C’est le mec de derrière qui parle : « On y est déjà, en deuxième division, arrêtez tout de suite d’y croire. Même quand on joue bien, on ne marque pas. C’est comme ça, on est condamnés. Notre seule chance de nous en sortir, c’est Grondona (le vieux président de la Fédération, supporter d’Independiente, ndlr). S’il achète quelques matchs aux équipes qui ne jouent rien, peut-être qu’on va se maintenir. Sinon, c’est mort. »

La pause toilette abandonnée pour cause d’inondation, le jeu reprend, et la tension monte au fur et à mesure des minutes. En observant attentivement la tribune, on se rend compte qu’il y a un bon pourcentage de femmes, et que tous se sont tatoués quelque part le logo du club : CAI (Club Atlético Independiente). Tous, sans exception. Bianchi verrouille derrière et le match se transforme en une insupportable partie de hand. Caicedo, « El Negro » , est toujours dans sa période de vendange, et Montenegro disparaît progressivement. Mais sur une énième opportunité, Morel Rodríguez trouve l’ouverture et égalise. Cris, mouvements de foule, écrasements, puis nouvelle réception de bisous. La délivrance. La tribune repart de plus belle et tremble littéralement. Dix minutes de folie, puis la peur fait son retour. Dans la situation actuelle, même un nul est un mauvais résultat. Rien n’y fera, les Bosteros tiennent leur petit point. Le match se termine, les fans s’assoient, sans dire un mot. Silence total, visages fermés. « Ça va être dur de se réveiller demain. Il va falloir que je trouve une occupation, sinon je vais tomber malade. Je veux descendre tout de suite, maintenant, demain. J’en peux plus de souffrir comme ça. »

Après la trêve internationale, place au festin !

par Léo Ruiz

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