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- Israel Galván
«Niveau tactique, Luis, c’est pas terrible»
Israel Galván est un génie. La preuve, il ne s'en rend même pas compte. Malgré un triomphe au Festival d'Avignon, plusieurs tournées mondiales et un prix national de danse, il est et restera avant tout betico. Interview d'un danseur de flamenco qui est en train de ringardiser tous ses contemporains (à son palmarès des chorégraphies inspirées de Kafka, la Corrida ou l'Apocalypse de Saint Jean) mais dont la seule vraie passion est le Betis, l'autre club de Séville. Interview flamenco.
Israël, c’est difficile de parler foot dans le milieu de la danse…
C’est vrai que dans ce milieu, on dénigre un peu le foot et son public. Mais dans le flamenco, c’est différent. Celui qui est bizarre, c’est celui qui n’aime pas le foot. Chez nous, à Séville, on appelle ça le triangle FFT : Football, Flamenco et Taureaux. C’est mon père (José Galván, maître du flamenco sévillan, Ndlr) qui a voulu que je sois danseur, moi je voulais être footballeur.
Si ta danse, c’était du foot, ce serait quoi ?
Je serais un joueur qui ne respecterait jamais les consignes de l’entraîneur, qui ne serait fort que dans l’adversité. J’ai besoin de me sentir entouré de défenseurs pour bien jouer.
Tu serais Ronaldo en fait…
Non moi je serais un crack (rires). Je dirais plutôt Joaquín, il est betico, comme moi.
Ça veut dire quoi être Betico ?
Je suis socio du Betis Séville depuis l’âge de 9 ans. J’y ai même joué dans les catégories inférieures. Le foot est une chose. Le Betis en est une autre. C’est facile d’être pour le Real Madrid ou le Barça, des clubs qui ne font que gagner. Aller au Betis, c’est comme aller chez un pote, ou dans ta famille. Le Betis, il est comme toi, il est humain. Il est capable du pire comme du meilleur. Tu sais, être Betico, c’est apprendre à être humble. Le foot au final, on s’en fout un peu, ce qui compte, c’est d’être ensemble.
En 2005, on te remet le Prix National de Danse (sorte de Ballon d’Or espagnol de la danse) et le Betis gagne la Coupe du Roi…
Tu vois, je n’ai jamais pleuré dans ma vie. Quand on m’a remis le Prix National, j’ai été très surpris et puis ensuite évidemment très content. Mais je te jure que quand le Betis a gagné la Coupe du Roi, c’était le plus beau jour de ma vie. J’ai pleuré comme un gosse.
Et puis en 2009, le Betis descend en D2…
Ce jour-là, je suis tombé en dépression pendant quatre jours. L’un des pires souvenirs de ma vie.
Quel souvenir a laissé Luis Fernandez chez les Beticos ?
On l’aimait bien Luis. Quand il est arrivé, on se souvenait de lui surtout pour ce qu’il avait fait à l’Athletic Bilbao (quatre ans au club dont une 6ème place en 1997 et une 2ème place en 1998). Mais à Bilbao, ils nous avaient prévenus : niveau tactique, Luis c’est pas terrible. Il n’a pas laissé un grand souvenir chez nous (il arrive à mi-saison en 2009 pour sauver le club de la descente et est débarqué juste avant le dernier match).
Qu’ont en commun le flamenco et le football ?
La relation au public. Dans le flamenco, comme dans le foot, tu joues ou tu danses pour les gens qui viennent te voir. Ils t’encouragent et chez nous, au Betis, quand un joueur fait un beau dribble, tout le monde crie “Olé” ! Comme dans le flamenco. A Séville, le football c’est aussi du flamenco.
Mais à Séville, il y a aussi le Sevilla FC…
Quand tu nais Betico, tu es par définition antisevillista. C’est quelque chose que même un psychanalyste ne pourra jamais expliquer. Franchement, le Sevilla marche bien et joue la Champions mais moi je m’en fous.
Dans une chorégraphie que tu as montée pour ta sœur, Pastora, elle apparaît sur scène avec un maillot de Zidane. Pourquoi ?
Pour moi, Zidane c’est la Carmen du football. Élégant, fin mais fier et parfois violent. Le coup de boule, c’était magnifique, c’était Bizet. Quand je vois du foot, je vois de la danse. Pour moi un match, c’est comme un ballet. Un jour, il faudra que je fasse un spectacle sur le football. Onze danseurs ou danseuses sur scène. Le plus dur ce sera de trouver onze bailaores beticos…
Propos recueillis par Thibaud Leplat
À voir
Israel Galván dans sa cuisine (ce type est fou)
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