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Independiente aux portes de l’enfer

Par Léo Ruiz, en Argentine
4 minutes
Independiente aux portes de l’enfer

Monument du foot argentin et sud-américain, Independiente s'apprête à découvrir, pour la première fois de sa glorieuse histoire, la seconde division. Un nouveau coup de tonnerre en Argentine après la relégation de River Plate il y a deux ans.

Un miracle ne suffirait pas. Il en faudrait deux ou trois. Pour rester en première division, Independiente doit remporter ses deux derniers matchs, Argentinos Juniors doit perdre les deux siens, et San Martin de San Juan ne doit en gagner aucun. C’est une quasi certitude, El Rojo, un grand d’Argentine et d’Amérique du Sud, découvrira la B Nacional (la L2 locale) la saison prochaine. Un coup de tonnerre. Le deuxième en deux ans, après la relégation de River Plate. C’est d’ailleurs dans le stade de ce dernier, ce week-end, au Monumental, que les Diables rouges ont fait un grand pas vers l’enfer. Une défaite 2-1, une trentaine de supporters devenus fous, arrachant les sièges et les balançant sur les fans adverses, le reste quittant le stade en pleurs, tout comme leur joueur Hernán Fredes, formé au club et inconsolable à sa sortie du terrain. Le soir même, le Racing d’Avellaneda, l’éternel rival, faisait la grosse bringue dans son Cilindro, où il recevait et battait Boca Juniors (2-0). En tout début de seconde période, un fan déguisé en fantôme, avec un immense B sur le ventre, mettait le stade en transe en s’offrant sans trop de problèmes un tour de terrain. « Le fantôme de la relégation. »

1,143 point par match en trois ans

Pour bien comprendre ce que la descente d’Independiente représente en Argentine, il suffit de regarder son palmarès. Sept Copa Libertadores, record continental, qu’il partage avec Boca Juniors. Deux Intercontinentales. Quatorze titres de champion. Et un statut, auquel les supporters tenaient très fort car il les différenciait de tous les autres (sauf de Boca) : celui de ne jamais avoir été relégué. Dans les médias, dans la rue, dans le bus, au café ou sur les réseaux sociaux, c’est le principal sujet de conversation à Buenos Aires. Independiente se va a la B. Et ses plus de 80 000 socios avec. Cela fait un an déjà, que le club est menacé, mais personne n’y croyait vraiment. D’autant qu’en Argentine, tout est fait pour protéger les gros de la relégation. Un système de moyenne sur trois ans, qui leur permettait de foirer complètement une ou deux saisons sans trop s’inquiéter. En clair, si Independiente se retrouve aujourd’hui dans cette situation, c’est parce qu’il truste les fonds de classement depuis trois ans. Lors des cinq derniers championnats (disputés sur six mois) pris en compte pour le système de relégation, les Diables rouges ont terminé 20e, 6e, 8e, 16e et 18e. Ils sont actuellement 12es du Tournoi Final. Ce qui donne une moyenne de points pris par match de 1,143. Trop peu pour rester dans l’élite.

Gestion économique et sportive calamiteuse

Comment le club d’Agüero et de Forlán a-t-il pu en arriver là ? D’abord du fait de la crise financière qu’il traverse, produit de la gestion calamiteuse de l’ancien président d’Independiente, Julio Comparada. Avec les ventes en Espagne du Kun (28 millions d’euros) et du gardien Oscar Ustari (6 millions) en 2006 et 2007, plutôt que de construire une bonne équipe, Comparada a décidé de rénover le stade, devenu l’Estadio Libertadores de América. Sauf que les fonds n’ont pas suffi et qu’aujourd’hui encore, une tribune entière, non achevée, est fermée au public. En 2011, un nouveau président est élu. Javier Cantero mène une lutte sans relâche contre les barras bravas, les supporters violents et mafieux, qu’il réussit à éloigner du club. Mais sa gestion sportive est moins convaincante. Très limité économiquement, il ne fait venir que des joueurs de second rang, qui n’ont rien à apporter à l’équipe. Les entraîneurs se succèdent (trois depuis un an), les joueurs emblématiques (Eduardo Tuzzio, l’ancien Marseillais, Ernesto Farías, l’ancien buteur de Porto) passent sans transition de capitaine à porté disparu. Résultat, les gamins du club, limités et sans expérience, se retrouvent titulaires. Pauvreté économique, pauvreté du jeu, le monument Independiente, le « Roi des coupes » , s’effondre. Ne lui reste que ses fidèles supporters. Et l’espoir d’un, de deux ou de trois miracles.

Big Bizot !

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