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Gascoigne, Rome accueille son fou préféré

Par Eric Maggiori
5 minutes
Gascoigne, Rome accueille son fou préféré

La nouvelle a ému de nombreux tifosi. Ce soir, Paul Gascoigne sera au Stadio Olimpico pour assister au match entre la Lazio et Tottenham, ses deux anciennes équipes. Son premier retour à Rome depuis 17 ans.

Paul Gascoigne n’a pas été le capitaine de la Lazio. Il n’y a pas non plus disputé 18 saisons, à la manière d’un Del Piero ou d’un Zanetti. Il a même été blessé assez régulièrement. Pourtant, le simple fait de prononcer le nom de « Gazza » met des étoiles dans les yeux des supporters romains. Parce que Paul Gascoigne a représenté tout ce qu’ils ont toujours aimé : un joueur hors du commun, pas le meilleur joueur du monde, non, mais un mec qui met ses tripes sur le terrain, attachant. Et tant pis s’il est alcoolo et mal élevé. Tant pis si, lors d’une interview avec un journaliste italien, il répond avec un énorme rot à une question qu’il ne trouvait pas à son goût. C’était ça, Gascoigne. C’est pour cela que, quand Claudio Lotito, le président de la Lazio, a annoncé lundi que l’ancien milieu de terrain serait présent au stade pour le match entre la Lazio et Tottenham, les souvenirs ont resurgi. En plus d’avoir été le chouchou du Stadio Olimpico, Gascoigne a également été le héros de White Hart Lane pendant trois saisons. Destins croisés. Tout ce petit monde sera réuni ce soir pour célébrer le joueur. Et après l’enfer qu’il a vécu lors des dernières années, autant dire que c’est une juste récompense.

Disneyland, derby et chewing-gum

Reste à comprendre pourquoi Gascoigne a laissé un tel souvenir aux tifosi laziali. Un amour qui a commencé alors que le joueur ne portait pas encore les couleurs romaines. En mai 1991, Gazza est sur le point de signer à la Lazio. Il dispute une finale de FA Cup avec Tottenham et se blesse gravement au genou. Quelques jours plus tard, les supporters de la Lazio exposent une banderole « Happy Birthday Gazza » alors que le joueur n’a pas officiellement signé. Finalement, le club romain lui accorde sa confiance en le faisant parapher un contrat malgré une blessure qui va le tenir éloigné des terrains pendant près de 16 mois. Il arrive finalement en Italie lors de l’été 1992, avec un énorme point d’interrogation sur sa condition physique. Et les premières semaines confirment les doutes. Gascoigne offre des prestations médiocres, mais le public est derrière lui. C’est en novembre 1992 que son histoire va connaître le virage tant attendu. Après un match amical contre l’Argentine où il inscrit un magnifique but (alors qu’à la base, il ne voulait pas participer au match pour pouvoir passer une journée à Disneyland Paris), il dispute son premier derby romain.

La Roma mène 1-0 mais, à quelques secondes du terme (but de l’idole Giannini), Gazza égalise d’un coup de tête sur un coup franc de Signori. Le joueur court les bras levés sous le virage des supporters de la Lazio et revient vers le rond central en larmes. S’il voulait définitivement entrer dans le cœur des fans, il pouvait difficilement faire mieux. S’ensuivent des épisodes destinés à faire entrer Gazza dans la légende du club. Il y a ce but contre Pescara, inscrit au terme d’un slalom fou, ou encore ce moment culte, où Gazza s’énerve après M. Bettin, arbitre de la rencontre Lazio-Sampdoria. L’homme en noir, au lieu de sortir un carton jaune, sort de sa poche… un chewing-gum, et l’offre à Gascoigne qui, sans se vexer, le met dans sa bouche et se met à le mastiquer. Quelques semaines plus tard, Gascoigne est obligé de porter un masque après une fracture de la pommette. Il dispute un superbe match face à Ancône, offre une passe décisive à Karl-Heinze Riedle et déclare à la fin de la rencontre : « Ce masque, je ne l’enlèverai plus jamais. » Une idylle qui va néanmoins connaître un sacré coup d’arrêt la saison suivante.

Symbole du renouveau

Avril 1994. Gascoigne s’est calmé. Il a diminué sa consommation de bière, et on l’aperçoit de moins en moins dans les bars le soir. Mais à l’entraînement, son corps va lâcher. Lors d’un petit match à Formello, il tente de contrer la frappe d’un joueur de 18 ans, inconnu au bataillon. Un certain Alessandro Nesta. Le choc est très dur. Gascoigne se pète la jambe, sous le regard médusé de ses coéquipiers et de sa famille, venue assister à l’entraînement ce jour-là. S’ensuit une longue absence d’un an. Gazza ne reviendra sur les pelouses que le 9 avril 1995. Il offre quelques dernières apparitions aux tifosi, puis se tire aux Glasgow Rangers. La fin d’une relation, mais certainement pas de l’histoire d’amour. Après la fin de sa carrière, Gascoigne va connaître tous les malheurs du monde, avec des problèmes d’alcoolisme, de dépendance au Red Bull (si si) et les soucis de santé qui en découlent. Il est hospitalisé plusieurs fois, arrêté en état d’ivresse. Bref, la décadence. Mais les supporters romains continuent de lui envoyer des messages d’affection, avec des banderoles exposées à chaque fois que le joueur connaît des déboires. Pourquoi ? Parce que Gazza, quelque part, a symbolisé le renouveau du club.

Pendant les années 80, l’équipe romaine a passé la majeure partie de son temps en Serie B (pendant que la Roma de Falcao et Pruzzo était au sommet de son art) et est même passée à deux doigts de la Serie C. Gascoigne a été le premier joueur de niveau international à rejoindre le club, ouvrant ainsi la voix à l’arrivée de grands champions à la fin des années 90. Ainsi, plusieurs fois depuis sa retraite, Gazza a souhaité organiser un voyage à Rome. Mais ses envies ont toujours été contrariées par des contretemps. Finalement, ce soir, il sera bien là. « C’est vrai, Paul sera à Rome pour assister au match, a confirmé son agent, Tony Baker. Il est vraiment heureux et trépigne d’impatience. Il est surtout content de retrouver les supporters de la Lazio. Ils sont dans son cœur et il a beaucoup d’affection pour eux. » Ceux de Tottenham ne seront pas en reste. Au match aller, déjà, à White Hart Lane, les supporters des deux camps avaient partagé un moment d’union, en entonnant chacun leur tour un chant dédié au joueur. Ce soir, ceux qui feront le déplacement depuis Londres pour soutenir leur équipe auront, eux aussi, la chance d’enlacer à nouveau celui qui les a fait vibrer de 1988 à 1991. Welcome back, Gazza.

Les notes de Sainté-Marseille

Par Eric Maggiori

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