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Comment la Bundesliga est-elle devenue hype?

Par Alexandre Lejeune
Comment la Bundesliga est-elle devenue hype?

Autrefois considérée comme un championnat de second plan, la Bundesliga est aujourd’hui devenue sexy. C’est au début des années 2000 que la bascule s’est effectuée, le championnat allemand ayant décidé de se tourner vers un football offensif, ouvert et surtout construit autour de la jeunesse. Ce qui permet aujourd’hui un exode massif de jeunes pépites françaises de l’autre côté du Rhin.

25 mai 2013 à Wembley. Plus de 86 000 personnes sont réunies pour assister à la finale de Ligue des champions entre le Bayern Munich de Jupp Heynckes et le Borussia Dortmund de Jürgen Klopp. Au bout d’une partie disputée, les Bavarois finissent par l’emporter 2-1 grâce notamment à un slalom devenu légendaire d’Arjen Robben. « Ce match ? C’est le fruit de ce qui a été préparé depuis deux décennies en Allemagne », assure Alexandre Gontran, ancien agent de joueur devenu consultant auprès des clubs. Pour comprendre pourquoi et comment le football allemand est revenu en force ces dernières années, il faut en effet remonter à la fin du siècle dernier.

Dans les années 1990, l’Allemagne fait aussi face à des stades qui se vident et à un phénomène de hooliganisme. Tous se mettent autour d’une table en se disant que le projet actuel va dans le mur et qu’il faut tout rebâtir.

À cette période, la Mannschaft, pourtant championne d’Europe en 1996, reste sur des échecs cuisants dans les compétitions internationales (quart-de-finaliste du Mondial 1998, puis bonne dernière de sa poule à l’Euro 2000) et toutes les instances du pays décident de prendre le taureau par les cornes pour redorer leur blason. « Dans les années 1990, l’Allemagne fait aussi face à des stades qui se vident et à un phénomène de hooliganisme. L’objectif est de se projeter sur le Mondial 2006, ce qui va amener une véritable révolution culturelle dans tout le pays. Les fédé, les télés, les clubs, les régions… Tous se mettent autour d’une table en se disant que le projet actuel va dans le mur et qu’il faut tout rebâtir », explique Patrick Guillou, ancien joueur passé par Fribourg et Bochum et devenu consultant du football allemand sur beIN Sports. Cette révolution va passer par plusieurs idées fondamentales : retaper certaines enceintes vieilles et délabrées, repenser un modèle de jeu afin de le rendre davantage attractif et élargir les moyens consacrés au recrutement à l’étranger, notamment auprès des jeunes.

La Bundesliga, cet eldorado tricolore

Ce changement de mentalité a permis à de nombreux joueurs français de franchir la frontière dans les années 2000, puis à toute une colonie actuelle venue de l’Hexagone de figurer aujourd’hui en Bundesliga (36 jouent dans le championnat allemand, soit le plus gros contingent étranger). Johan Micoud, Valérien Ismaël, Willy Sagnol, Bixente Lizarazu et évidemment Franck Ribéry ont indirectement ouvert la porte à Kingsley Coman, Dayot Upamecano, Amine Adli ou encore Dan-Axel Zagadou, pour ne citer qu’eux. Une question se pose naturellement : pourquoi les joueurs français intéressent-ils autant les clubs allemands, et ce, dès le plus jeune âge ? Premier élément de réponse donné par Alexandre Gontran : « Un jour, je regardais un Allemagne-France U19 avec Matthias Sammer(Ballon d’or 1996, devenu dirigeant à la fédération allemande ensuite, NDLR)et il me disait qu’il trouvait quelque chose de différent aux joueurs français. Cette différence, c’est que l’on possède des joueurs qui viennent de la rue, qui ont une créativité et un instinct que l’Allemand n’a pas, puisque lui joue au foot seulement dans un cadre académique. Quand les Allemands ont compris ça, ils se sont mis à faire venir des joueurs étrangers, ce qui a poussé les locaux à s’adapter et à évoluer différemment. » Autrement dit : un joueur allemand va davantage être dans la répétition de fondamentaux, se polir de manière rigoureuse et souvent être assimilé particulièrement à un système de jeu. Là encore, cela diffère avec ce qu’un Français peut apprendre en centre de formation. « La culture tactique des jeunes Français par rapport à celle des Allemands au même âge est sans doute plus complète, estime Patrick Guillou. C’est pour cela que leurs scouts se sont mis à regarder dans les compétitions comme le tournoi de Montaigu, les compétitions internationales des U15 aux U19, mais aussi en Ligue 2, dont l’un des meilleurs exemples est Ibrahima Konaté, passé de Sochaux à Leipzig. » Aujourd’hui à Liverpool, le défenseur central est l’exemple idoine pour montrer que la Bundesliga peut aussi se muer en tremplin pour les plus gros potentiels.

La première destination des joueurs américains, c’est l’Allemagne. C’est exactement l’étape dont ils ont besoin pour pouvoir s’épanouir.

Place aux jeunes

Du potentiel ? Georginio Rutter n’en manque pas. Parti du Stade rennais il y a plus d’un an maintenant, le jeune attaquant (19 ans) rayonne aujourd’hui au TSG Hoffenheim, bien parti pour accrocher une place européenne en fin de saison. Pourtant, au moment de réaliser un choix crucial pour son avenir, le Français avait sur la table des offres provenant de clubs plus huppés et aurait pu céder à d’autres sirènes. « C’est surtout le discours des dirigeants qui m’a plu. Ils m’ont expliqué que je passerais du temps avec les U23, mais aussi avec les pros, sans rien me promettre. Dans un autre club, j’aurais sûrement été à 100% avec les U23, et ce n’était pas ce que je cherchais à l’instant T », avoue celui qui a prolongé son bail avec les Bleu et Blanc jusqu’en 2026 et qui « ne pensait pas être si décisif pour sa première saison ». Et ce n’est sans doute pas un hasard si le natif de Plescop est déjà très important dans le système concocté par Sebastian Hoeness, tant Hoffenheim s’est imposé de l’autre côté du Rhin comme une référence dans la mise en valeur de ses jeunes joueurs. En témoigne cette anecdote d’Alexandre Gontran, à l’époque agent de Demba Ba : « Après un passage en Belgique, on est contactés par l’Espagne, la France et un seul club allemand : Hoffenheim, qui venait de monter en D2 à ce moment-là. Évidemment, sur le papier, l’offre espagnole, qui était un club de première division, semblait la plus intéressante. Mais on est quand même allés en Allemagne, et c’est là qu’on a rencontré Ralf Rangnick. Honnêtement, ça a totalement changé nos plans, on est complètement tombés amoureux. Il avait un plan très précis de comment il voulait le faire jouer, il avait tout prévu pour sa post-formation, c’était exactement ce qui lui manquait. » Et la suite de l’histoire est fabuleuse : le Sénégalais explose véritablement aux yeux du grand public lors de son passage au TSG entre 2007 et 2011, en inscrivant 40 réalisations en 106 matchs, ce qui va lui permettre d’ailleurs de réaliser ses débuts avec son équipe nationale à cette période.

Autre terre d’accueil de nombreux jeunes joueurs : le Bayer Leverkusen. La formation de Gerardo Seoane est elle aussi bien lancée pour aller en Coupe d’Europe et les performances de ses deux joueurs français (Moussa Diaby et Amine Adli) ne sont pas étrangères à la belle saison du Bayer. Le premier a connu son baptême en équipe de France en septembre 2021, tandis que le second fait peu à peu son trou dans un championnat qui semble taillé pour ses capacités. « On cherchait la bonne étape, l’Allemagne intéressait beaucoup Amine, car c’est un championnat qui est ouvert, tourné vers l’attaque. Pour un joueur offensif, c’est très intéressant. Le bilan de ses premiers mois à Leverkusen est positif, il a du temps de jeu, c’est le plus important », pense Jérémy Hazan, l’un des représentants de l’ancien Toulousain, rejoint en Allemagne par d’autres talents issus du Téfécé. « Alexis Tibidi, à Toulouse, ils ont longtemps hésité à lui proposer un premier contrat pro. Il va en Allemagne(à Stuttgart, NDLR), il signe pro et il joue. Kouadio Koné ne jouait pas beaucoup en Ligue 2 la saison passée. Aujourd’hui, il est l’un des meilleurs joueurs de Gladbach », estime Hazan. Cette mentalité tournée vers la jeunesse plaît également outre-Atlantique, d’où proviennent de plus en plus de talents. « Pour avoir longtemps été aux États-Unis, la première destination des joueurs américains, c’est l’Allemagne. On peut prendre l’exemple de Giovanni Reyna qui est arrivé très tôt à Dortmund(16 ans, NDLR). C’est exactement l’étape dont ils ont besoin pour pouvoir s’épanouir, et je pense que les clubs allemands se sont spécialisés là-dedans », confirme Gontran. Selon une étude menée en janvier dernier par le CIES, la Bundesliga est le deuxième championnat avec l’âge moyen le plus bas (26,5 ans), juste derrière la Ligue 1 (26,3 ans), sur un panel comprenant une quinzaine de grands championnats internationaux.

Au Bayern, même quand tu mènes 3-0, tu ne t’arrêtes pas de jouer. On veut marquer le plus de buts possible et on ne prend personne à la légère.

Ruée vers l’attaque

Là où la différence se crée entre la Bundesliga et les autres championnats à propos de la politique menée autour des jeunes, c’est sur le suivi du joueur. « En Allemagne, un joueur arrive le matin au centre d’entraînement et il repart le soir. Il ne va pas s’entraîner le matin et faire un golf l’après-midi », affirme Gontran. Cette culture du travail et de la rigueur s’illustre parfaitement le week-end, en match, où les équipes allemandes se montrent très joueuses et insatiables offensivement. « Les gens disent que ce n’est pas relevé ou pas disputé, mais c’est faux, assure Benjamin Pavard, au Bayern depuis 2019. C’est juste une histoire de mentalité : au Bayern, même quand tu mènes 3-0, tu ne t’arrêtes pas de jouer. On veut marquer le plus de buts possible et on ne prend personne à la légère. » C’est donc tout sauf une surprise si la Bundesliga s’est hissée trois fois sur les quatre derniers exercices en tête du classement de la moyenne du nombre de buts inscrits par match avec 3,03 réalisations par rencontre. « Avec un modèle de jeu devenu très offensif, les stades qui sont toujours pleins et qui chantent, forcément, la Bundesliga attire de plus en plus de téléspectateurs. C’est un cercle vertueux », pense Patrick Guillou, partenaire privilégié depuis 2017 de Jean-Charles Sabattier sur la chaîne qatarie. Que les fans de scores fleuves se rassurent : le championnat allemand va continuer de faire son bout de chemin sur nos télévisions, puisque beIN Sports a déjà acquis les droits jusqu’en 2025.

Article issu du n°79 de So Foot Club Le Bayer Leverkusen à l'heure anglaise

Par Alexandre Lejeune

Tous propos recueillis par AL, sauf ceux de Benjamin Pavard, issus d’une interview à SoFoot.

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