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Carnet de voyage : sept jours en Inde avec Vikash Dhorasoo (partie 2/2)

Textes et photos par Vincent Bernière
Carnet de voyage : sept jours en Inde avec Vikash Dhorasoo (partie 2/2)

Relire la première partie du récit du voyage de Vikash Dhorasoo, raconté par Vincent Bernière, en cliquant ici.

Jour 4

Il était dit que le retour de Vikash Dhorasoo sur la terre de ses ancêtres serait un jour spécial. Selon un document officiel établi par le Mahatma Gandhi Institute, son arrière-arrière-grand-père, M. Kathry Sanashee, est arrivé sur l’île Maurice en provenance de Madras le 14 mai 1890. Âge : 24 ans. Profession : travailleur manuel. Langue maternelle : télougou. Taille : 1,60 m. Pas de signature manuscrite. L’aïeul était sans doute analphabète. Pas de retour prévu. Un aller simple, donc. Qui aurait pu prévoir que cette décision d’émigrer allait mener, un jour, à la présence d’un joueur d’origine indienne lors de la Coupe du monde de football 2006, en Allemagne ? Vikash : « Mon ancêtre a d’abord émigré seul et a travaillé dur dans les champs de canne à sucre. Et puis les autorités se sont aperçues que, sans leur femme, de nombreux problèmes survenaient parmi les hommes, alors elles aussi ont été autorisées à émigrer. Mon grand-père est né à Maurice. Ensuite, mon père a émigré au Havre pour travailler comme ouvrier dans le port, en 1970. Je suis né en 1973. Dans la famille, je suis le premier de ma génération à être né en France. Normalement, j’étais destiné à me marier avec une promise, comme c’est l’usage. Chez nous, les Télougous, on se marie entre cousins lointains, c’est pourquoi on est restés bloqués à 1,70 m ! Pareil que Messi… » En ce jour d’avril 2023, nous voici donc accueillis à l’aéroport de Visakhapatnam, à l’est d’Hyderabad, la région des aïeux de Vikash Dhorasoo, avec tambours et trompettes. À l’atterrissage, un porteur de valise lui a parlé en télougou. Lui, ancien membre de l’équipe de France, ayant joué à Bordeaux, Lyon, Paris et Milan, que l’on arrête parfois dans les rues de la capitale et qui se retrouve souvent devant un fan qui lui rappelle le but de la victoire en finale de la Coupe de France face à Marseille, en 2006, évolue parmi les siens. Indien, anonyme, heureux. Deux heures plus tard, un parterre d’officiels plus ou moins officiels lui saute dessus à son arrivée au stade de Visakhapatnam. Des fleurs sont lancées, coupes distribuées, poignées de mains échangées, selfies rapidement exécutés. Le plus touchant a lieu sur le chemin du retour. Patientant depuis au moins une demi-heure sous le cagnard à l’entrée de leur académie, à Vizianagaram, une foule d’enfants applaudissent Vikash Dhorasoo, tel un dieu vivant. En face, un temple hindou exhibe fièrement des statues de Vishnu, Shiva et Ganesh. Vikash : « Quand j’étais petit, au Havre, on m’appelait Shiva. Et on me disait souvent qu’il fallait que j’aille dans les buts, parce que j’avais plusieurs bras, comme Shiva. » À demain.

Jour 5

C’est la Vikashmania en Inde ! Depuis notre arrivée sur la terre de ses ancêtres, pas moins de trente articles ont été publiés sur Vikash Dhorasoo dans les plus grands quotidiens du sous-continent : Times of India, The Herald, The Navhind Times, The Goan et le plus prestigieux d’entre eux, The Hindu. On ne s’attendait pas à ça. Vikash est certes « le premier footballeur d’origine indienne à avoir joué une Coupe du monde ». Et, du reste, le seul jusqu’à ce jour. Mais quelle notoriété avait-il en Inde ? Big question. Depuis qu’il a cessé d’être professionnel, en 2007, année de sortie du film qu’il avait réalisé avec Fred Poulet dans les coulisses de l’équipe de France durant la Coupe du monde 2006, Vikash Dhorasoo a été tour à tour joueur de poker, président d’association, homme politique, consultant et j’en passe. « C’est sûr, je suis moins connu que dans les années qui ont immédiatement suivi l’arrêt de ma carrière. Mais je suis aussi plus serein, moins agité. Peut-être un peu moins arrogant. Mon ambition en Inde est de faire quelque chose d’utile pour les enfants, filles et garçons. Selon moi, l’Inde jouera un jour la Coupe du monde et même l’accueillera. Pendant longtemps, j’étais le seul Indien à jouer au football de haut niveau. Mais, bientôt, il y en aura plein d’autres. Je veux redonner ce qui m’a été donné. » Et c’est d’ailleurs cela qui a touché les médias indiens. Entre 2007 et aujourd’hui, le football mondial a explosé. On ne compte plus les milliardaires indiens qui expriment leur envie, parfois teintée de nationalisme, de développer dans leur pays le sport globalisé numéro un. Tout le monde ici veut son club de foot. En témoignent les propriétaires actuels du club de Blackburn. Ce matin, lors d’une interview donnée à une télévision locale, M. Jovito Lopes, membre du conseil gouvernemental du développement du football à Goa, a carrément proposé à Vikash de devenir le directeur sportif du principal club de l’État. J’ai objecté que les salaires en Inde n’étaient pas les mêmes qu’en Europe. Mais M.Lopes a répondu que Goa pouvait offrir quelque chose de « comparable ». Vikash Dhorasoo, futur sélectionneur de l’équipe nationale indienne ? À demain.

Jour 6

« Vous connaissiez Vikash Dhorasoo avant de le rencontrer ? », me risqué-je à demander à M. Aniruddha Sen Gupta, le modérateur d’une rencontre organisée par l’Alliance française de Goa en compagnie d’une légende du foot indien, le gardien de but Brahmanand Sankhwalkar. « Heu, non, me répond-il le souffle court. Enfin si : il y a une question sur lui dans le Pictionary. Et je connais la réponse. » Et pourtant, Goa est une terre de foot, eu égard à la présence des Portugais jusqu’en 1961. Il y a deux autres territoires de football importants en Inde : la région de Calcutta et le Nord-Est du continent, vers le Bengale, et le Kérala, dans le Sud. Chaque année, le derby entre les clubs de Mohun Bagan et de l’East Bengal attire près de 80 000 spectateurs dans le stade de Calcutta. Le premier en a gagné 40 et le second 38. « Si le stade était plus grand, il y aurait autant de spectateurs en plus. Chaque année dans la ville, c’est l’émeute », précise Samuel Berthet, le directeur de l’Alliance française d’Hyderabad, qui a organisé notre visite et le partenariat avec Décathlon, tandis que nous nous abreuvons d’un thé au lait brûlant dans une gargote de Fontainhas, le quartier historique de Panjim, la capitale de Goa. Samuel Berthet est un drôle de loustic qui parle hindi, ce qui est tout de même rare, pour un Français. Après 22 années passées dans le sous-continent, il dodeline même de la tête. À ses côtés se tient Manik Oberoi, qui voyage avec un passeport indien, mais qui est plus français que vous et moi. Manik a travaillé pour les Girondins de Bordeaux et le FC Metz, avant de retourner à Bengalore, dans la région de ses parents, et de signer un gros contrat de détection de talents avec le gouvernement indien. Entre deux gorgées de tchaï, Manik surenchérit : « Au Kérala, chaque année, un tournoi géant est organisé au cours duquel près de 30 000 gamins jouent sur des terrains en latérite. Là-bas, il y a des posters géants de Messi dans les lagunes. » À la fin de la conférence, Vikash joue au foot avec une équipe de jeunes filles du FC Goa sur le terrain d’une école, en face de l’Alliance française. L’ancien joueur de l’équipe de France (18 sélections, un but) remarque une habile manieuse de ballon vêtue d’un blue-jean. Il me lance dans un sourire : « Si ça se trouve, c’est l’équipe nationale féminine indienne qui jouera la Coupe du monde avant les garçons. » À demain.

Jour 7

Voyager en Inde est souvent l’occasion de rencontrer des personnages au destin extraordinaire. C’est ce qui nous est arrivé en cette dernière étape de notre périple indien, à Goa. Grand fan de football, Mitchell Baba Rao a grandi dans la banlieue sud de Paris dans les années 1970. Mais, plutôt que d’embrasser une carrière de délinquant, ce qu’il s’apprêtait à devenir, Mitchell entreprend, au sortir d’une peine de prison, de retourner lui aussi sur la terre de ses ancêtres. Il atterrit en Inde du Sud à l’âge de 24 ans. Là, il fait fortune dans différentes industries, puis se retire à Goa, dans une magnifique maison indo-portugaise, avec une partie de sa famille et ses trois chiens. Désormais, Michell accompagne son fils de onze ans trois fois par semaine au club de foot local. C’est lui qui a organisé une partie de la tournée de Vikash à Goa, avec M. Gregory E. D’Souza. La fin de notre voyage se termine en apothéose. Un festival a été organisé sur le terrain du FC Siolim, une commune du nord de l’État, et une centaine d’enfants répartis sur six terrains exécutent des exercices et jouent des matchs à sept. En haut de la tribune de pierre, des officiels sont assis sur des chaises en plastique recouvertes d’un drap blanc devant une sorte de banquet. Il fait une chaleur écrasante. Des boissons sucrées et des noix de cajou sont distribuées. L’après-midi promet d’être longue à force de regarder tous ces gosses s’agiter. Et, soudain, alors que rien n’avait été prévu dans ce sens, voilà que l’ancien numéro 24 de l’Olympique lyonnais enjambe le banquet, dévale les escaliers de la tribune et file jouer au foot avec les enfants. Les filles, les garçons, les coachs et le public : tout le monde est en ébullition. Vikash a gagné le respect des Goanais. Et chacun de vouloir taquiner le ballon avec lui. Décathlon a offert au club des dizaines de ballons qu’il signe à tour de bras. Des notables cherchent à barber en douce quelques cuirs signés. Vikash hausse le ton et les en empêche : « Les ballons sont pour les enfants ! » En face du terrain, sur la façade blanchie à la chaux de l’église de Siolim, le soleil darde ses derniers rayons. Notre voyage touche à sa fin. Michel Baba Rao me glisse dans la poche une dizaine de Chikki, ces friandises à la cacahuète très prisées des Indiens. « C’est pour tes enfants, me glisse-t-il. J’ai appris que ton fils Joseph était gardien de but des U11B de Fontenay-sous-bois. Dis-lui de bien travailler ses réflexes et peut-être qu’un jour, il jouera contre l’un de ces garçons en Ligue des champions. » À bientôt.

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