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William McCrum, inventeur et solitaire malgré lui

Par Maxime Nadjarian
William McCrum, inventeur et solitaire malgré lui

Si certaines personnes célèbres pour ce qu'elles ont apporté au sport ont eu l'hommage qu'elles méritaient lors de leur mort, d'autres, en revanche, sont tombées dans l'oubli au moment de passer l'arme à gauche. Comme William McCrum par exemple. Un Irlandais, inventeur du tir au but, et décédé dans la tristesse, l'oubli et la solitude. Portrait d'un type à qui Antonín Panenka doit beaucoup.

28 février 2015. Dans la petite ville d’Armagh, en Irlande du Nord, l’ambiance est plus intense qu’à l’accoutumée. Pour quelle raison ? Parce qu’un petit événement – mais un événement quand même – vient perturber le quotidien des 53 000 habitants du comté. Près du cimetière de la St. Patrick’s Church of Ireland Cathedral, certains d’entre eux assistent à la rénovation d’une pierre tombale vieille de 82 ans et complètement défraîchie, financée par la FIFA. Surprenant. Mais de quelle sépulture l’instance mondiale du football pourrait-elle bien payer la réparation ? De celle de William McCrum. Si ce nom ne dit rien de spécial à une majorité de fans de football, c’est probablement parce que ce Nord-Irlandais est tombé dans l’oubli. Et ce, malgré ce qu’il a apporté au monde du ballon rond : le penalty. La quatorzième loi – sur dix-sept – du sport roi. Rien que ça.

Master Willie

Si la FIFA a mis la main à la poche pour honorer le bonhomme mort en 1932, c’est pourtant bien avant l’existence de l’organisation que la vie de William McCrum a débuté. En 1872 précisément. À Armagh, le petit William naît à l’abri des soucis. Son père, Robert McCrum Garmany, est plein aux as. Millionnaire grâce à l’industrie du coton, il peut largement subvenir aux besoins et envies de sa famille, et de son fils. Un petit garçon en qui il voit son reflet, une relève, un futur patron du business qu’il a construit. Un mioche qu’il veut à tout prix modeler à son image, en somme. Et pour ça, le père McCrum a déjà prévu la carrière et l’avenir de son petit. Très jeune, celui que famille et amis surnommeront plus tard « Master Willie » est intégré par son paternel au sein de l’entreprise familiale pour travailler, faire tourner la boutique et apprendre la vie. Mais très vite, William McCrum se rend compte que produire du coton n’est pas ce qu’il a envie de faire à long terme. Non, la tête dans les étoiles, il pense, en secret, à la passion qui l’anime chaque jour : le football. Mais il tombe de haut lorsque, plein d’espoir, son père lui annonce qu’il s’oppose à ce que le jeune Will veuille faire du foot. Rebelle et caractériel, le garçon décide de ne pas se laisser faire, quitte à aller au clash. C’est d’ailleurs ce qui finira par se passer. Robert McCrum invite son fils à vivre comme il l’entend, mais l’exclut de ses usines. Un coup dur qui l’oblige à persévérer dans la voie de son choix, celle du ballon rond.

Ni technique, ni rapide avec ou sans balle au pied, le maître Willie réussit tout de même à percer dans le club de sa ville, le Milford Everton FC, renommé aujourd’hui Armagh City FC, au poste de gardien. Un rôle qui semble plaire au jeune Irlandais, loin d’être faible sur sa ligne de but. Comme ses coéquipiers sur le terrain d’ailleurs, avec qui il joue même le premier championnat de la Ligue de football irlandaise, en 1890-1891. C’est cette même année que William McCrum va avoir l’idée du siècle. Après plusieurs matchs de championnat, il est le témoin de nombreuses agressions dans sa surface de réparation. Des coups donnés sans aucune retenue. Interpellé, Will cherche une solution pour enrayer toute cette violence dans un sport qu’il voit comme pacifique. Et en 1890, il imagine donc une sanction sous la forme d’un coup de pied arrêté lorsqu’une faute est commise dans la zone des seize mètres cinquante. Une idée qu’il soumettra sans attendre à la Fédération irlandaise de football, dans le but de convaincre la Football Association Board (IFAB), qui débat et tranche au sujet des propositions de modification des Lois du Jeu lors de son assemblée générale annuelle.

Descente aux enfers

« Si un joueur fait intentionnellement trébucher ou retient un joueur adverse ou manipule le ballon avec les mains dans les onze mètres de sa propre ligne de but, l’arbitre attribuera un coup de pied de pénalité à la partie adverse, à tirer d’un point quelconque à 5,50 mètres de la ligne de but. » Voilà mot pour mot l’énoncé proposé par McCrum aux boss du football. Une idée qui ne plaît pas beaucoup – c’est le moins que l’on puisse dire – aux joueurs et à la presse anglaise de l’époque. Ces derniers ne voyaient en effet jusque-là aucune violence sur la pelouse, mais plutôt des « échanges virils entre gentlemen » . Willie est conspué et tourné en ridicule, tandis que sa règle est décrite comme retirant toute forme de liberté d’expression aux vingt-deux acteurs d’un match. Dans la presse anglaise, on peut lire « La requête de l’Irlandais » quand il s’agit de donner un nom à cette affaire, qui a un retentissement énorme. Trop énorme pour que l’IFAB lâche une décision rapidement. C’est donc une année plus tard, au moment où le conflit semble apaisé, que l’instance valide officiellement la demande du goal, aux dépens de ses détracteurs, aussi nombreux soient-ils.

À partir de ce moment-là, « Master Willie » croit s’être mis en lumière pour un bon bout de temps. Il n’en sera rien, malheureusement pour lui. C’est justement l’inverse qui se produira. Trompé et abandonné par son épouse, déshérité par sa famille, fauché à cause de son addiction aux casinos et rongé par la maladie, William McCrum décédera seul, tel un planqué. Seul son petit fils, Robert (nommé ainsi en hommage au père de William), journaliste de profession, rendra hommage des années et des années plus tard à l’invention de son grand-père. « Le coup de pied de pénalité, bien sûr, est le genre de peine que seul un gardien aurait pu inventer, affirmera-t-il dans une interview au Guardian.Un moment suprême de drame et de sacrifice de soi qui met le gardien, généralement spectateur, au centre de la scène. » En revanche, l’histoire ne dit pas si William McCrum a déjà réussi à arrêter un penalty.

Par Maxime Nadjarian

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