Viva El CHAN
Comme d'habitude, la Confédération Africaine de Football aura fait parler d'elle à l'occasion de cette Coupe d'Afrique 2008. Une fois encore, elle aura dû batailler avec ces abrutis d'Européens au sujet des dates de la CAN ou trouver quelque arrangement lors de la remise du trophée du meilleur joueur du continent 2007. Le taulier camerounais a ensuite confirmé la naissance de son dernier bambin, le CHAN.
CHAN parce que CAN c’était déjà pris parait-il, CHAN parce que CHampionnat d’Afrique des Nations, et donc CHAN parce que c’était pas trop compliqué à trouver finalement…
Annoncée pour la première fois en juin dernier lors d’une conférence tenue par l’instance africaine à Jo’Burg, cette nouvelle épreuve tient à se différencier radicalement de son illustre grande sœur. Elle est, en effet, exclusivement réservée aux joueurs évoluant en Afrique, dans leur championnat national.
Pas de joueurs professionnels opérant en Europe ou dans toute autre partie du monde, et pas de joueurs évoluant sur le continent mais dans un autre pays que le leur. Prévu tous les deux ans (les années impaires pour le CHAN et paires pour la CAN), le CHAN regroupera huit équipes, réparties en deux poules de quatre dont les deux premiers disputeront les demi-finales. Ses qualifications se dérouleront selon un découpage régional scindant le continent en six zones (Zone Nord, Ouest A, Ouest B, Centre, Centre Est, et Sud). La première édition, dont la phase finale est prévue pour mars 2009, compte déjà trois candidats à son organisation : l’Egypte, la Côte d’Ivoire et le Soudan.
« Nous nous efforçons de donner aux joueurs locaux africains les possibilités d’exprimer leur talent et de rehausser le niveau des championnats autochtones en améliorant leurs qualités personnelles. Nous ne cherchons pas à ce que cette compétition rivalise avec la CAN. Ce CHAN s’inscrit dans le cadre du développement du football au plan local. L’essentiel est qu’il existe » assure pourtant le président Hayatou, mais il est vrai que l’on a du mal à saisir l’intérêt d’un tel événement.
Selon son communiqué officiel, la CAF explique que « l’objectif visé à travers la mise sur pied de cette nouvelle compétition, c’est de valoriser davantage le football pratiqué sur le sol africain, et de donner l’opportunité aux joueurs locaux de montrer leur talent au cours d’une grande compétition internationale, ce qui n’était plus le cas avec la Coupe d’Afrique des nations où la plupart des équipes alignent essentiellement des joueurs professionnels évoluant en Europe » .
Pour Sulley Muntari, joueur majeur des Black Stars ghanéens, les perspectives que peut apporter ce CHAN sont de très bon augure pour le football africain. Selon lui, cela permettra de faire exister aux yeux des fédérations un réservoir de joueurs non négligeable sur lesquels elles pourront aussi compter. « Un bon moyen d’exposition pour les jeunes Ghanéens » en somme, puisque Sulley raisonne principalement à l’échelle nationale…
Le toujours judicieux Patrick M’Boma tient pourtant à nuancer cet aspect « nouvelle vitrine du football africain » : « Si c’est une sorte de super marché, ça ne sert strictement à rien. Aujourd’hui, les clubs européens connaissent la valeur des jeunes Africains » . Le recrutement de Manucho par Manchester United tend cependant à prouver le contraire… Pourtant l’Indomptable reconnaît quelques côtés positifs à celui qu’il voit comme une « sous CAN » . « Par contre, le CHAN permettrait à des joueurs locaux d’acquérir une certaine expérience internationale. La coupe d’Afrique des clubs étant à l’heure actuelle le seul moyen pour eux de s’approcher de ce niveau » .
Toujours est-il que le spectre d’une compétition dévaluée flotte sur ce CHAN. La crainte d’une sous exposition médiatique, d’un manque d’engouement du public, et surtout d’une absence d’impact réel sur le football continental, a déjà fait de nombreux sceptiques. Walid Regragui, ancien international marocain, finaliste de la CAN 2004, est l’un de ceux là. Le joueur de Grenoble ne mâche pas ses mots. « Ce sera une Coupe d’Afrique des A’. Il y aura des vieux pour qui la sélection sera une forme de récompense, et des jeunes pour qui ce sera plus un test » . Selon lui, il existe trois types d’équipes en Afrique. Celles comme le Cameroun ou la Côte d’ivoire, dont la grande majorité de la sélection évolue en Europe, qui présenteront une équipe Espoirs (expérience oblige…). Celles comme l’Egypte, dont la quasi-totalité de l’effectif évolue dans le championnat national, et qui enverront les A’ afin de mobiliser un plus large éventail de talents (politique sportive oblige…). Enfin les formations du deuxième étage du continent comme la Zambie ou le Soudan iront batailler avec le même collectif (galère oblige…).
Cerise sur le gâteau, le CHAN risque de foutre sérieusement le Bronx dans le calendrier de la CAF. Puisqu’il tomberait juste avant les éliminatoires de la Coupe du Monde, et à quelque chose près aux mêmes dates que les CAN cadets et juniors. Quelles dates seraient donc disponibles pour qu’un junior qui se balade tous les week-ends dans son championnat puisse flamber à la CAN des minus et au CHAN ? La tenue de ce Championnat d’Afrique des Nations offrira ainsi quelques nuits blanches et de sérieux maux de têtes à un Issa Hayatou qui assurait pourtant que « cette compétition, elle, au moins, n’embêtera personne… » .
Paul Bemer
NB : Rappel des pays, zone par zone
Zone Nord : Algérie, Egypte, Libye, Maroc, Tunisie
Zone Ouest A : Cap-Vert, Gambie, Guinée, Guinée-Bissau, Liberia, Mali, Mauritanie, Sénégal,
Sierra Leone
Zone Ouest B : Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Ghana, Niger, Nigeria, Togo
Zone Centre : Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée Equatoriale, République démocratique du Congo, Sao Tomé, Tchad
Zone Centre-Est : Burundi, Djibouti, Ethiopie, Erythrée, Kenya, Ouganda, Rwanda, Somalie, Soudan, Tanzanie
Zone Sud : Afrique du Sud, Angola, Botswana, Comores, Lesotho, Malawi, Madagascar, Maurice, Mozambique, Namibie, Seychelles, Swaziland, Zambie, Zimbabwe
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