Toute une âme aux Spurs
Le bazar continue de faire loi à Tottenham qui rachète à tour de bras des joueurs vendus la veille. Oui, les Spurs, c'est une certaine idée rock'n'roll du football entre gagne improbable et lose spectaculaire.
Micro-trottoir de Skysports sur High Road dans le quartier de Tottenham. Un maillot des Spurs sur les épaules, un fan exprime tout son désarroi face au nouveau mercato débile de son club favori. Avant de lâcher : « Le pire, c’est que dimanche, je serai à White Hart Lane. » Forcément, c’est Arsenal qui pointe sa truffe dimanche (14h30) et le dernier passage des Gunners, l’an passé en demie de Carling Cup, avait tourné, une fois n’est pas coutume, à la fiesta (5-1) en faveur des locaux. Pas question donc de rater le bouillant derby, un des plus chauds du royaume. De toutes façons, Arsenal ou pas, Tottenham est sûr de faire le plein à chaque fois. Un soutien indéfectible à la manière d’un Newcastle, force absolue du club, mais peut-être aussi une faiblesse. Ce matelas affectif aussi solide que douillet n’a jamais contribué à mettre la pression sur le club, bénéficiaire d’une sorte de blanc-seing. Le meilleur moyen de faire n’importe quoi.
Ça sentait le trash : biture, putes…
Et c’est acté, Tottenham a encore fait n’importe quoi cette saison. Mais alors carrément. Le club londonien avait pourtant vendu à prix d’or Dimitar Berbatov et Robbie Keane, s’était aussi débarrassé de Pascal Chimbonda, six mois après avoir dégagé Jermaine Defoe. Et là, déjà, cela aurait dû nous mettre la puce à l’oreille. Pour remplacer les trois attaquants vedettes et le latéral français (dont il faudra un jour admettre qu’il a été désigné meilleur arrière droit de Premier League en 2006, si si), il fallait forcément du très solide. Raté ! Giovani, jeune Méxiquain, technicien aussi esthétique qu’immature, deux jeunes Croates encore imberbes, Lukas Modric et Vredan Corluka (22 ans à leur arrivée), et un grand gaillard du Spartak, Roman Pavlyuchenko, avec les réserves naturelles s’attachant aux Russes en goguette à Londres, tout ça sentait le trash : biture, putes voire plus si affinités. Et le foot ?
On n’avait qu’à moitié tort. Si Corluka, qui s’était aguerri la saison précédente à Manchester City, a plutôt tiré son épingle du jeu en défense, et si Pavlyuchenko a trouvé le temps de saupoudrer quelques buts (3 en fait) juste avant d’hiberner, Modric a, lui, totalement perdu son football et Giovani chauffe le banc mais aussi l’ambiance en finissant rond comme une barrique à la fête de Noël des Spurs. Oui, en voyant l’ancien Barcelonais porté par ses coéquipiers, on ne savait pas s’il fallait être consterné par l’épave soi-disant futur crack, ou admiratif de cette capacité de Tottenham à ne jamais sombrer dans la déprime. Il faut dire que depuis fin octobre, c’est Harry Redknapp qui drive l’affaire. De quoi espérer des jours meilleurs.
Entre déchéance et rédemption
C’est quand même un drôle de cadeau dont a hérité « Dirty Harry » . Sabordé par Juande Ramos au premier trimestre, Tottenham ressemble à un paquebot à la dérive. Sauf qu’à la barre désormais officie un cador. Du genre à aller chercher dès la première sortie du nouveau coach un très improbable nul à Arsenal (4-4 avec deux buts dans les dernières minutes), à tenir la dragée haute au double champion Manchester United (0-0) et même à être le seul tombeur de Liverpool en Championnat (2-1). Un incontestable effet Redknapp donc, l’ancien manager de Portsmouth ayant bien intégré que dans ce club symbole de l’inconstance, la déchéance n’est jamais bien loin de la rédemption. Et hélas aussi, l’inverse.
Conscient des limites de son effectif en termes de vécu, Rdeknapp a mis les bouchées doubles pour trouver des gars fiables et opérationnels tout de suite. Et quoi de plus rapidement opérationnels que des anciens tout bons du club. Et vas-y que je débauche Chimbonda et Defoe directement dans mon ancienne paroisse à Pompey, et vas-y que je rappelle Robbie Keane proche de la dépression à Liverpool. Du neuf avec du vieux, il fallait y penser. Et pour bien marquer le coup, Redknapp chope Keane sur le tarmac pour lui coller aussitôt le brassard de capitaine sur le mode : « Welcome home, boy ! » Fin psychologue, Redknapp sait que Keane est un grand affectif sevré de tendresse et de confiance par Rafael Benitez. Hélas, le plan connaît aussi un gros raté puisque Defoe est out jusqu’à fin avril.
Et puis, le daron de Jamie n’est pas dupe : la Premier League, c’est bel et bien mort cette saison (14e). Mais, au-delà d’un maintien à assurer, il s’agit de créer une dynamique, d’activer la pompe pour que la machine arrive lancée la saison prochaine. Quoi de mieux qu’une bonne série de succès et, pourquoi pas un doublé en Carling Cup (finale le dimanche 1er mars face à Manchester), pour rebondir et arriver lancé la saison prochaine. Et si Tottenham en avait fini avec le burlesque ?
{Dave Appadoo }
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