Rapport minoritaire (6)
Remarques complémentaires sur l’affaire Fabien Barthez
12 avril 2005 : jour du crachat.
Fabien Barthez perd ses nerfs à l’occasion d’un match qui n’aurait eu d’amical que le nom. Le gardien international français s’emporte et crache sur l’arbitre de la rencontre.
Ni la F.I.F.A ni l’U.E.F.A ne relèvent cet incident qui se produit à l’occasion d’un match non homologué… Pourtant.
Le 22 avril suivant, la Fédération dont dépend Fabien Barthez le sanctionne par le biais de la très sérieuse commission centrale de discipline à six mois de suspension dont trois avec sursis.
Le jour du prononcé de la sanction disciplinaire, Jean-Pierre Escalettes, Président de la F.F.F, saisit, en toute indépendance, le bureau de la Fédération Française de Football qui décide de relever appel de la sanction. La commission supérieure d’appel a désormais la charge du dossier.
Fabien Barthez reste muet dans un premier temps puis décide de saisir à son tour, à titre incident, la commission supérieur d’appel. Nous sommes le 28 avril 2005.
Alors que le soufflet médiatique retombe, Fabien Barthez utilise le recours devant le Comité National Olympique et Sportif Français et introduit une demande de conciliation aux fins d’obtenir la suspension de la sanction dont il est l’objet. C’est le dernier évènement en date du 29 avril 2005.
Pourquoi en est-on arrivé à un tel déchaînement ? A l’entame de la dernière ligne droite de sa carrière, le gardien international français, dont la valeur marchande a diminué, alors que son niveau de jeu est resté constant, aurait-il perdu ses valeurs ?
En décidant d’engager une procédure disciplinaire à l’issue incertaine au regard du contexte (match amical, circonstances de l’agression présentées par certains comme obscures, services rendus à la nation française par le coupable, et cætera), la Fédération Française de Football imaginait-elle faire à ce point les gros titres ?
Sans le savoir, ou en feignant de l’ignorer, la Fédération Française de Football a déclenché une tempête médiatique en sanctionnant un joueur pour un comportement répréhensible lors d’un match, répétons-le amical, dont le résultat n’est pas homologué, et dont l’élément majeur qui le distingue d’un match du dimanche est le montant des salaires de certains participants.
La F.F.F s’est-elle servie de Fabien Barthez pour renforcer son fragile et nouveau Président ? La F.F.F a-t-elle initié, bien malgré elle, un procès en sorcellerie destiné à purger par l’exemple les dérives hautement mercantiles et toxiques du football mondialisé ?
Pour comprendre la portée du phénomène, il faut garder à l’esprit que Fabien Barthez représente désormais le mal. Et dans cet absolu désir de justice, Fabien Barthez n’est ni plus ni moins qu’un bouc émissaire.
Il ne s’agit plus désormais de dire que dans ce dossier le droit et sport ont autant de points communs que Maïté et la gastronomie. Il est question dorénavant d’un scandale. Pas nécessairement celui de l’indignité d’un homme, mais peut être tout simplement du foot business.
« Il n’y a pas de plus grand crime contre l’esprit que de donner mauvaise conscience à celui qui dit la vérité » Jean Rostand
Et si le match entre l’Olympique de Marseille et le WAC n’avait pas été filmé le 12 février 2005 ? Et si le match entre ces deux clubs n’avait fait l’objet d’aucune couverture médiatique ? L’affaire du crachat aurait-elle fait l’objet d’une telle couverture médiatique en l’absence de journalistes qui se sont révélés pour les instances françaises des témoins gênants ?
Malheureusement les témoins du geste de Fabien Barthez étaient présents. On sait où mènent les coups de folie. Souvenons-nous de l’année 1996. « Eric the king » se fait justice à l’occasion d’un match de première league en se jetant dans une tribune, une jambe en avant, pour répliquer à une insulte.
En son temps cette histoire fit désordre, et pas uniquement parce que l’auteur de ce mauvais geste était un français exilé au Royaume-Uni.
Quel sportif peut aujourd’hui se permettre de commettre une incartade, aussi malheureuse soit-elle. Les commentaires des joueurs recueillis à la sortie des vestiaires nous rappellent chaque semaine qu’il n’est pas question d’offrir une quelconque rugosité mais d’être le plus lisse possible.
Il ne s’agit pas d’excuser ou de justifier le joueur qui viole la règle. Surtout pas. Mais il est important de comprendre le malaise qui tourne autour de la sanction infligée à Fabien Barthez.
La Fédération Française de Football a-t-elle démontré qu’elle a poursuivi un intérêt légitime au succès de son action et qu’elle peut revendiquer un droit d’agir ?
En réalité, on peut en douter.
Poursuivre Fabien Barthez relevait de la nécessité. Un joueur ne peut tout se permettre. Néanmoins, ne rien faire n’aurait pas été si choquant compte tenu de la valeur du match.
C’est bien là tout le problème…Et si la motivation de la FFF n’était pas de servir les intérêts des clubs, et d’adresser aux dirigeants des clubs le message suivant : ne vous inquiétez pas. Vous investissez des sommes colossales, nous ferons tout pour que vos investissements ne soient pas ternis par des comportements irresponsables de vos salariés qui donnent une mauvaise image. Pourquoi pas ?
Sauf que l’autorité de poursuite n’est pas ici la Ligue de Football Professionnel mais la Fédération Française de Football.
On peut dès lors se demander si l’agitation autour du cas de Fabien Barthez n’est pas aussi un message envoyé à l’attention de la Ligue de Football Professionnel pour dire que la « Fédé » entend elle aussi marquer son territoire.
« Je suis comme une boule de flipper qui roule, qui roule »
Corinne CharbyBoule de flipper
C’est désormais certain. Soit Fabien Barthez bénéficiera une annulation des poursuites disciplinaires dont il a été l’objet, soit il sera lourdement sanctionné pour l’exemple.
Dans tous les cas l’intérêt supérieur du football français sera invoqué. Dans l’hypothèse d’un effacement procédural des poursuites, il sera toujours possible de dire que tout a été tenté mais que la voie choisie n’était pas adéquate pour sanctionner un tel comportement. On se souvient encore d’un champion du Monde (Christophe D), positif à la Nandrolone en 1999 mais dont le dossier n’aboutit jamais en raison d’un vice de procédure.
Soit, parce que l’équipe de France représente la vitrine du football français, et qu’il n’est pas question de ternir par ricochet l’équipe qui a été championne du Monde et championne d’Europe, Fabien Barthez sera sanctionné, et quittera le football comme Eric Cantona a quitté Manchester.
Mais encore convient-il dans l’esprit des dirigeants de rappeler aux joueurs, fussent-ils internationaux, qu’ils doivent être dociles, et que même pour une rencontre amicale, ils doivent se présenter dans les mêmes dispositions que pour un match officiel car ils sont payés par un employeur.
En définitive, l’affaire Barthez qui n’est pas une affaire d’Etat, aura brouillé un plus encore l’image que nous offre le football moderne.
Le football est-il encore cette « chose qui est là, tout simplement, et qui offre le répit » (Vladimir Dimitrijevic, La vie est un ballon rond). On peut sérieusement en douter. Fabien Barthez le premier…
Jean-François Borne
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