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Pourquoi le foot est plus fort que l’État-providence

Par Nicolas Kssis-Martov
Pourquoi le foot est plus fort que l’État-providence

Le football français aime se plaindre : de l'immixtion de l'État dans ses affaires, des impôts qui l'étouffent, des ministres interventionnistes qui bafouent l'autorité de la fédé... Pourtant, dans cette grande bataille symbolique et juridique du rapport de force, c'est bien lui qui l'emporte haut la main sur l'État-providence. Et ce n'est certainement pas François Hollande qui redressera la barre.

Hier soir mercredi, grâce à l’émission Cash Investigation, sur France 2, la nation de Jaurès et Nasri a découvert avec stupéfaction et consternation (si l’on en croit les commentaires sur Twitter) que le foot évoluait et fonctionnait dans un environnement capitaliste. Et que, de ce fait, les droits et les devoirs que le citoyen lambda se devait de respecter ne s’y appliquaient que de manière très homéopathique. Plus frappant encore, durant toute cette enquête, l’État et les instances européennes n’interviennent pas dans ce grand cirque, même quand il s’agit d’instruire le dossier à charge. Comme s’il s’avérait simplement inutile de perdre son temps à les interroger sur le sujet. Les bouts de règlements un tantinet législatifs balancés à la figure de Noël Le Graët sont balayés de la discussion par un banal « c’est pas grave » .

La bombe de Moscovici

Difficile de l’ignorer, face au monde politique et surtout à la République, les caciques du ballon rond perdent rarement la partie. Ainsi, alors que les maigres troupes syndicales manifestaient contre une énième réforme des retraites, le ministre de l’Économie Pierre Moscovici a lâché benoîtement une petite bombe sur RMC à propos de la fameuse taxe à 75% sur les revenus supérieurs à 1 million d’euros : « Sur ce sujet, nous attendons les avis, mais c’est vrai que nous avons des clubs de football dont l’équilibre est fragile. Ce sera forcément une mesure plus générale. Ce n’est pas possible de faire une mesure pour les clubs de football. » Pourtant, cela y ressemble vraiment. Surtout après des mois de cacophonie. Quand Valérie Fourneyron continue de défendre une ligne intransigeante – « Il n’y a rien de choquant en période de crise à considérer que ceux, qu’ils soient footballeurs ou non, qui gagnent plus d’un million d’euros net par an puissent être fiscalisés sur cette tranche supérieure à hauteur de 75%. Que je sache, le foot n’est pas hors du champ du droit fiscal » – le rapporteur général du Budget à l’Assemblée nationale, Christian Eckert, procédait aujourd’hui encore à un vague rétropédalage, laissant la porte ouverte à des « solutions » accommodantes : « Il y a l’égalité devant l’impôt, c’est un principe constitutionnel. Toutes les entreprises auront un plafonnement de cette taxe en fonction de leur chiffre d’affaires. Certains clubs seront concernés par ce plafond, ils ne pourront pas payer plus de 5% de leur chiffre d’affaires. Certains pourraient donc se voir plafonner, mais ils participeront à l’effort. » On imagine la jubilation intérieure de Fredo Thiriez, toujours en croisade contre l’ogre…

Le footballeur, cet imposable idéal

De la part d’un gouvernement socialiste, on aurait pourtant pu s’attendre à l’extrême inverse. Alors que s’annonce un budget d’anorexie pour le prochain exercice, le foot avait le profil du bon bouc émissaire, dessiné avec un petit pinceau démagogique et une jolie couleur populiste. Si quelqu’un pouvait servir, à peu de frais électoral et beaucoup de bruit médiatique, à démontrer la volonté de reconquête du pouvoir politique face à la sphère économique, c’était bien le richard à crampons. Et les clubs, entre les extravagants transferts et la dilapidation des fonds publics dans les stades de l’Euro 2016, paraissaient trimbaler un bon casier d’imposteur social. Seulement, loin des complaintes et des pleurs, le foot passe, une fois de plus, largement au travers des gouttes. Il arrive apparemment tranquillement à imposer son discours sur les contraintes incontournables de l’ultra-compétitivité qui outrepasseraient les impératifs du bien commun et de la solidarité nationale. Si on pouvait déjà nourrir quelques doutes quand on évoquait le système bancaire tricolore et encore plus l’industrie automobile, comment arriver à croire qu’il soit de l’intérêt supérieur du pays d’épargner une mesure générale – que l’on partage ou non sa forme et ses limites – simplement pour entretenir l’illusion d’une finale de Champions League.

Par Nicolas Kssis-Martov

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