On était en Boulogne pour PSG-Kiev
On s'est dit ça fait douze ans, c'est la Coupe d'Europe, c'est spécial. On s'est dit bah, soyons fous, allons en Boulogne, pour voir si ce que tous les médias disent, c'est vrai. Alors, on était en Boulogne pour PSG-Kiev.
Au départ, il y a quand même 25 € à débourser. Le tout pour une place en tribune dite “populaire”. On s’est dit, ça fait quand même un peu, c’est une somme. Et puis il y a l’apéritif, on avait lu dans les médias que les gens dans cette tribune étaient parfois imbibés de haine mais presque toujours imbibés d’alcool. Du coup, il y a aussi le budget bières. Rien de prétentieux, hein, le supermarché du coin, un pack, des chips. En tout, la soirée foot, la vraie, revient à une trentaine d’euros. Mais voir le premier quart de finale du Paris-SG depuis douze ans en tribune Boulogne, ça n’a pas de prix qu’on a pensé.
La première mi-temps s’annonce plutôt bien. Bon, il n’y a pas d’animation particulière à l’entrée des joueurs, mais la tribune gueule bien, à l’anglaise, à l’arrache. Ça résonne fort, on se dit, ça doit être ça le parfum de l’Europe, un truc qui fait qu’on s’époumone plus que contre une vulgaire équipe de L1, une atmosphère qui fait qu’on est un peu plus excité qu’à l’ordinaire. Bref, le coup d’envoi du match est salué par une “Marseillaise”, immédiatement suivie d’un « Koooop of Boulooogne » , en quelque sorte la signature vocale de la tribune. Croyez-le ou pas, mais on se sentirait presque l’âme d’un voyou, entouré de tous ces robustes gaillards.
Bon, inutile de parler football, mais force est de constater que l’ambiance dépend tout de même sacrément du terrain. Et quand la tribune pousse ensemble, c’est impressionnant. Autrement, le Kop est loin d’être une tribune ultra au sens classique du terme. Le KOB est en effet divisé en plusieurs zones et tous ne chantent pas constamment, loin de là. Il y a d’ailleurs ceux qui regardent tranquillement la partie, assis, en papotant à l’occasion. C’est bien simple, il y en a pour tous les goûts.
Allez, une petite “Marseillaise” pour la route et voilà la mi-temps. Deux chants patriotiques lancés en 45 minutes, rien à dire, on dépasse le minimum syndical. Mais attention, rien de raciste. “La Marseillaise” en Coupe d’Europe, après tout, rien de bien scandaleux. La mi-temps, donc. Le moment où l’on se retrouve dans les coursives pour parler de tout et de rien. Du prochain déplacement à Lille, de la performance en tribune et des visiteurs.
Il y a là de beaux bébés. Le poil est près du crâne, la moyenne d’âge dépasse de bien loin la vingtaine, la taille minimale paraît être le mètre quatre-vingt et les marques Lonsdale et Fred Perry figurent au top du hit-parade. En fait, ce qui frappe surtout, c’est que tout le monde est blanc. Ce qui, si on y réfléchit l’espace d’un court instant, n’arrive presque jamais dans une ville aussi cosmopolite que Paris. Ce qui, croyez-le ou pas, fait quand même quelque chose de bizarre.
Et là, c’est le drame : merde, faut y retourner, on était bien, on discutait, on était un peu bourrés, juste ce qu’il fallait. Putain de deuxième mi-temps, putain de match. Le retour en tribune est poussif, l’ambiance à la traîne, rien de bien folichon à se mettre sous la dent : un match de foot comme un autre, plus d’excitation particulière.
On aurait presque dit de la L1 Orange. On pensait que ce qui était rare était précieux, le public du Parc n’était pas gâté ces derniers temps, mince, c’est vrai, ça devait être une bouffée d’air, un truc de dingue, l’UEFA quoi. Même pas. À 25 € minimum la soirée, le public du Parc se montre exigeant et ne gueule plus comme avant. Après tout, s’ils essaient de transformer les spectateurs en clients, on a bien le droit d’être grincheux quand le spectacle est mauvais. Alors tant pis. On s’est quand même dit qu’on repasserait dans douze ans. Pour voir.
Massimo Dalla Bona
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