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On était à la première des U20 chinois en D4 allemande

Par Julien Duez et Ali Farhat, à Mayence.
On était à la première des U20 chinois en D4 allemande

Non, ce n’était définitivement pas une blague. En échange de 15 000 euros et sur une base volontaire, les équipes de la Regionalliga Südwest peuvent affronter l’équipe nationale U20 chinoise en match amical, afin de les aider à acquérir la maturité nécessaire en vue d’une qualification pour les JO de Tokyo en 2020. Premier à s’y coller : le TSV Schott Mainz. Et évidemment, rien ne s’est passé comme prévu.

Samedi dernier, il y avait deux raisons de se rendre à Mayence. La première, pour voir Mainz 05 infliger une nouvelle défaite litigieuse au FC Cologne et l’enfoncer un peu plus vers le tunnel de la relégation. La seconde, pour assister au premier match amical de l’équipe nationale U20 chinoise qui affrontera jusqu’à la fin de la saison les seize équipes de groupe Sud-Ouest de la quatrième division allemande qui n’ont pas décliné l’invitation lancée par la Fédération allemande (DFB). « Pour nous, la question ne s’est même pas posée. Notre club compte vingt-huit sections et l’équipe de football compte parmi les plus petits budgets du championnat. En plus, comme nous avons été promus en début de saison, nos dépenses, entre autres celles de la rénovation du stade, ont explosé. Tout coup de pouce financier est donc le bienvenu » , explique Till Pleuger, manager général, avant d’ajouter : « Sportivement, on est dans un championnat de dix-neufs équipes, donc on est exempt deux fois par saison. Chaque fois, on joue un match amical. Alors pourquoi pas contre la Chine ? »

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La TSV Schott Mainz vit depuis toujours dans l’ombre de sa grande sœur de Bundesliga. Passée du district à la D4 en seulement dix ans, ses débuts en Regionalliga sont difficiles et les pensionnaires du quartier de Mombach pointent actuellement à l’avant-dernière place du classement. Pourtant, sur le terrain synthétique qui sert également à l’équipe de football américain, ce sont les Allemands qui dominent leurs invités chinois d’entrée de jeu. Quelques gestes brouillons, parfois une certaine élégance technique, seuls les buts font défaut. Pas de quoi agacer les 400 spectateurs de la rencontre, venus davantage par curiosité que pour le spectacle proposé. Même si, « d’ordinaire, il y a plus de monde que ça, au moins 600 ou 700 personnes » , assure un stadier.

Werner, lui, n’aurait manqué le rendez-vous pour rien au monde. « Cela fait vingt-six ans que je viens ici » , déclare ce grand gaillard de cinquante-cinq ans, parka du club sur le dos pour se protéger du froid. « Tant mieux s’ils jouent contre nous pour progresser. Nous aussi, ça peut nous aider de faire un match amical contre ce genre d’équipe, ça change de l’ordinaire. » Devant lui, dans la seule tribune assise, nombre de membres de la communauté chinoise locale. Venus en famille ou entre amis, ils sont une cinquantaine à encourager les espoirs de leur pays et, à grand renfort de drapeau chinois, scandent l’un ou l’autre chant en mandarin pour rompre le silence qui entoure la pelouse. « Vous savez, nous sommes un club plutôt familial, sourit Kevin Schwarz, attaché de presse du TSV Schott. Des ultras, vous ne trouverez pas ça ici. Tout ce que nous avons, c’est un fan-club de supporters exilés à Cologne. »

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Après vingt minutes de jeu, le score est toujours nul et vierge. Soudain, les visiteurs quittent la pelouse et retournent en direction du banc enfiler leur long manteau noir avant de se rassembler autour de l’entraîneur Sun Jihai, bien connu du côté de Manchester City. La raison de cette désertion est confuse. S’agit-il d’une pause-boisson ? Ce serait étrange, car le thermomètre indique tout au plus dix degrés. Peut-être une pause tactique décidée au préalable afin de remplacer une partie de l’effectif ? Mais les joueurs comme le staff ne semblent pas décidés à retourner au jeu.

Soudain, des éclats de voix se font entendre. En tribune, une poignée de spectateurs a sorti des drapeaux tibétains et les brandit silencieusement dans la tribune. Ni une ni deux, le convoi de journalistes présent pour l’occasion file à leur rencontre afin d’obtenir une déclaration. Parmi la demi-douzaine d’activistes présents, Tenzin Thabye Nanglo, trente ans et résidant dans la région de Stuttgart, où il est arrivé en 2013 avec le statut de réfugié politique. « Je prends régulièrement part à des actions pour la cause tibétaine, explique-t-il en allemand. Aujourd’hui, nous voulions montrer à la Chine que nous n’abandonnerons jamais le combat pour la cause de notre pays. » La situation est tendue : la direction du club ne pouvant les forcer à remballer leurs drapeaux au nom de la sacro-sainte liberté d’expression. Mais un gentlemen agreement est finalement trouvé afin de permettre à la partie de reprendre. « Nous ne sommes pas venus avec l’intention d’annuler le match, poursuit Tenzin Thabye Nanglo. Mais soyez en sûr, à la prochaine rencontre des Chinois, nous serons de nouveau là. »

Comment dit-on vin chaud en chinois ?

Après trente minutes d’interruption, le match peut reprendre et Mayence inscrit coup sur coup deux buts, qui lui permettent de retourner au vestiaire gonflés d’orgueil. À la mi-temps, autour de la buvette, on disserte sur les incidents qui viennent de se produire. « Je n’ai pas très bien compris, hésite un employé du club. Je crois qu’il y a des tensions politiques en Chine, c’est pour ça qu’ils ont quitté le terrain. » Hang, lui, est particulièrement remonté. Cet étudiant de vingt-huit ans a quitté sa Chine natale pour Darmstadt il y a trois ans. « Vous vous rendez compte ? J’ai dû prendre le train et le bus pour venir jusqu’ici [Mayence et Darmstadt ne sont distantes que de quarante kilomètres, ndlr] et payer sept euros pour ma place. Je suis là pour voir du football, pas pour assister à une manifestation politique ! La politique n’a rien à faire au stade » , assène-t-il, en reprenant un slogan bien connu des tribunes allemandes. À la question de savoir ce qu’il pense des revendications indépendantistes du Tibet, Hang coupe sèchement : « One China ! Vous pouvez écrire ça, il n’y a qu’une seule et unique Chine. Tout le monde est du même avis ici » , conclut-il en désignant ses partenaires en tribune qui viennent d’entonner l’hymne national chinois.

La deuxième mi-temps se passe sans aucun incident. Si ce n’est un troisième but encaissé par les visiteurs et une défaite amère pour la première de leur tournée germanophone. Dans l’espace VIP qui accueille la conférence de presse, un buffet a été dressé. Tous les produits proposés sont superposés d’une étiquette mentionnant une traduction en chinois. « Comment dit-on vin chaud en chinois ? Je ne sais pas lire les idéogrammes » , demande un journaliste. La conférence de presse commence, mais sans Shao Jiayi, le manager de l’équipe, dont la carrière de joueur l’a mené dix ans en Allemagne, où il jouait pour l’Energie Cottbus, Munich 1860 et le MSV Duisburg. « M. Shao a finalement décidé de ne pas participer, sans donner davantage d’explications » , explique Till Pleuger. Pour effacer la déception apparente, on se console avec des biscuits chinois, dont les petits messages prêtent toujours à réfléchir. L’un d’entre eux est particulièrement équivoque : « Il ne faut pas craindre ceux qui se battent, mais ceux qui évitent le conflit. »

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Par Julien Duez et Ali Farhat, à Mayence.

Tous propos recueillis par JD et AF.
Photos : JD.

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