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Lothar et Diego

Par Charles Alf Lafon
Lothar et Diego

Matthäus et Maradona, deux visions du numéro 10, des duels sur les plus grands théâtres du monde, des trajectoires finalement miroirs, et une admiration mutuelle. Battu par l’Argentin en 1986, l’Allemand est allé le défier chez lui pour grandir. Sans jamais réussir à l’atteindre totalement.

Trop fier, Matthäus explique aujourd’hui qu’il n’avait pas d’idole dans sa jeunesse, qu’il était simplement fan du Borussia Mönchengladbach. Pourtant, difficile de croire qu’un joueur n’attirait pas son regard plus que les autres : le numéro 10, Günter Netzer, ses longs cheveux blonds soyeux et ses pieds qui l’étaient tout autant, l’élégance même, la lumière. Lui n’est rien de tout ça, c’est une force de la nature malgré son mètre 74. Son corps est fait de matière noire. Son cœur bat aussi lentement que celui de Fausto Coppi, ses fibres blanches sont celles d’un sprinteur, sa capacité pulmonaire est extraordinaire. Et il n’a peur de personne. Lorsqu’il débarque dans le football allemand du haut de ses 18 ans, il prend déjà toute la place, multipliant les courses, les tacles, les efforts, les frappes. « Tout-terrain » , « dynamo » , « moteur » , tels sont les qualificatifs employés pour le décrire. Attention, si Matthäus n’a pas la grâce de Netzer, il n’en demeure pas moins un meneur de jeu efficace, aux pieds propres et puissants, toujours attiré par l’avant. Usine à gaz, il fait tout parce qu’il ne peut pas faire autrement. Évidemment, le Bayern se réorganise autour de lui. Puis vient la finale de la Coupe du monde 1986.

L’erreur de Beckenbauer

L’Estadio Azteca a toujours été cruel avec les Allemands (Rivera 1970) alors qu’il vient d’accueillir deux monuments de Maradona (La main de Dieu et le but du siècle). Comme un symbole, le Kaiser lui-même a peur de ses souvenirs et de Diego. Alors il convoque Matthäus pour lui demander l’impossible : « Lothar, tu dois attaquer Maradona. Toi seul peut l’arrêter » . La tâche se révèle difficile, une faute sifflée contre lui entrainant l’ouverture du score de Jose Luis Brown. Qu’importe, Matthäus parvient à accomplir sa mission, mais l’Allemagne ne peut rien sans son apport offensif. Lorsque Beckenbauer change enfin son fusil d’épaule, Valdano corse l’addition en contre. Malgré tout, l’Allemagne revient. Les attaquants remplaçants Völler et Hoeneß ont changé la donne. Rummenigge réduit l’écart sur une déviation du premier. Matthaus abandonne l’idée de suivre Maradona comme son ombre. Et il donne ce rôle ingrat à Förster, avant de redevenir lui-même. Rudi égalise à la suite d’un corner. Las, Diego, invisible pendant tout le match, s’avance, lance Burruchaga, et sort gagnant de la première rencontre entre les deux titans sur le toit du monde. Il aura suffi d’une fois pour que l’attaque prenne le pas sur la défense.

Italie, gratin mondial

Défait par Maradona, défait par Porto, défait par Van Basten, Lothar décide d’aller là où on l’attend, en Italie. Si l’argent joue un rôle important, il y va surtout pour gagner : « La décision d’aller en Italie était bonne à 100%. J’ai amélioré mon jeu parce que la Serie A est le meilleur championnat du monde, et avec Maradona, Gullit et Van Basten, les meilleurs joueurs sont là » . Matthäus devient le meilleur joueur de l’Inter, celui qu’on attendait depuis trop longtemps, son numéro 10. Tout le monde avait le sien. Milieu box-to-box en Allemagne, Lothar l’Italien se réinvente, plus haut, plus sage, plus fin tactiquement, plus fort. Il transforme Serena en Capocannoniere, emporte l’Inter vers le titre, scelle le sort du Napoli lui-même. Comme Maradona avant lui, il est venu du meilleur club de son pays pour assouvir l’Italie, numéro 10 dans le dos, contre Maradona lui-même.

Si la saison 1989-1990 n’est pas du même acabit pour l’Inter malgré l’arrivée de Klinsmann, elle l’est pour le Bavarois. Il s’avance donc vers la Coupe du monde avec un double sentiment de revanche, Maradona étant remonté sur le trône de la Serie A. La NM est maintenant organisée autour de lui, capitaine. Il ne sera pas seul, avec les locaux (Brehme et Klinsi de l’Inter, ainsi que Völler et Berthold de la Roma). Alors que l’Allemagne de l’Ouest dispute cinq de ses sept matchs à « domicile » , à San Siro, Matthäus marque deux fois contre la Yougoslavie, contre les Émirats, la Tchécoslovaquie en quart d’un penalty pour la victoire 1-0. Il transforme encore lors de la séance face aux Anglais et console Chris Waddle, parce que, entre grands, on se respecte. Brassard au bras, Lothar tient son moment au Stadio Olimpico, il tient cette Albiceleste honnie. Contre toute attente, il recule pour répéter la partition de 1986. Encore une fois, il nullifie Maradona. Mieux, lui aussi lance son neuf vers le but, quasiment au même moment. Petite différence, le Renard s’effondre. Pénalty. Tireur attitré, Lothar a rendez-vous avec l’histoire. Il ne tirera pas, laissant un autre Interiste transformer la sentence, du droit. Brehme le sentait, Matthäus non. Il invoquera un problème de nouvelles chaussures dans lesquelles il ne sentait pas à l’aise. Une excuse pour certains. Toujours est-il que là, il a suffi d’une fois pour que la défense l’emporte sur l’attaque. Maradona est en pleurs. Matthäus soulève la Coupe du monde à son tour. Et il sera Ballon d’or.

Ma et Ma

Matthäus a souvent donné son avis sur Maradona, bien plus souvent que l’inverse. Florilège : « Nous étions amis. Pendant les matchs, on ne se parlait jamais mais je pense qu’il me respectait » , « Maradona était un joueur fantastique. Très rapide, fort en dribble, personalité, fort en coups francs et une grande vitesse sur les 25 premiers mètres avec le ballon, pas juste sans » , « il était le meilleur joueur contre lequel j’ai jamais joué. J’ai joué contre lui maintes fois et j’ai souvent dû l’attaquer en un contre un. Je n’ai jamais voulu le blesser. Il me respectait » , « J’aimais jouer contre lui parce que j’étais alors plus concentré – un moment d’inattention et vous pouviez perdre le match » . Il s’est aussi comparé à lui : « J’étais plus rapide que lui. Grâce à cela, je pouvais le rattraper à de multiples reprises. Quand mon Inter rencontrait son Napoli, il n’a jamais marqué contre nous » ou encore « Je n’étais certainement pas Maradona. J’étais un joueur très rapide. Quand je voyais l’espace, je l’utilisais. Quand je passais quelqu’un, il ne me rattrapait pas. Ce que Maradona pouvait voir dans les petits espaces, je le voyais dans les longues distances » . Dans son autobiographie Yo soy el Diego, El Pibe lui a rendu la pareille : « Il est le meilleur rival que j’ai jamais eu. Je pense que c’est assez pour le décrire » .

Finalement, le parallèle se trace assez facilement. Un talent trop grand, le numéro 10, une éclosion précoce dans un petit club, le transfert vers le plus gros du pays (pardon River), l’Italie, une Coupe du monde gagnée, une perdue, une troisième terminée en eau de boudin, un Ballon d’or (honorifique pour Diego), des problèmes avec l’autorité, les instances dirigeantes, à cause d’une grande gueule, de grands moments de lose, un retour dans le club du pays, une incapacité à décrocher la Ligue des champions, une carrière d’entraîneur complètement ratée, une incapacité à s’entendre et à accepter un successeur. Forcément, Diego et Lothar sont amis. Le premier, malade, a ainsi fait beaucoup d’efforts pour participer au jubilé du second, et leurs sorties à Séville résonnent encore. Malgré son palmarès bien plus fourni, l’Allemand n’aura jamais l’aura de l’Argentin. Si seulement il avait tiré ce penalty…

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