LOSC – A message to you, Rudi
Il est 20h30, ce vendredi soir, veille de Lille-Sochaux, tu sors d’une séance vidéo et d’un petit brief, c’est un moment important de la vie intérieure du LOSC ? (Pas convaincu) Ouais, muhmmm, on fait un point vidéo, on regarde la façon de jouer de l’adversaire mais bon le match rapporte trois points. Comme les autres. Avec Fred Bompard, mon adjoint, (Ndlr : son aide de camp ‘historique’ présent à Corbeil en CFA et à Dijon en L2 mais qui n’était pas au Mans), on concocte un montage parcimonieux de nos matchs. Il importe de faire court afin qu’ils soient attentifs à 100%. On part d’éléments visuels, on leur donne des infos concises, des éléments visuels. On a aussi une rubrique qui s’appelle ‘Comment faire mal et punir l’adversaire’. Si vous faites ci, voir ça, vous leur poserez des problèmes, ce genre de trucs (sourires)…
Ton équipe traverse une période faste… C’est pour ça qu’il importe de rester au contact avec les équipes qui nous précèdent au classement, de rester dans la dynamique qui est la nôtre. Sochaux de son côté, et en dépit de son classement, ne perd pas beaucoup depuis deux mois. C’est tout le piège de ce genre de rencontre. Contre eux, ce sera plus difficile que contre Bordeaux ou Rennes où on n’a pas besoin de motiver les joueurs. Là, j’espère que mon groupe fera preuve de professionnalisme car les Sochaliens produisent du football et leur jeu en contres peut s’avérer fatal.
Les dirigeants avaient-ils fixé une limite en début de saison ? Il était question de finir dans les dix premiers. C’était l’objectif qui nous était assigné mais comme au Mans, je vise le meilleur truc possible. Se situer le plus haut possible en championnat et réussir un truc en coupe. Rien de bien original, tu vois. Maintenant, si on peut décrocher l’Europe en bout de course, on approuve illico.
Les joueurs, eux, ils y croient ? Ils ont mis un peu de temps à prendre conscience de leurs possibilités. Maintenant qu’ils ont bien intégré leur potentiel, il n’y a pas de limites. On n’en veut pas. C’est le mot d’ordre. A cet instant de la saison, on a joué tout le monde et personne ne nous a baladés. On va de l’avant, on a la troisième attaque et nos joueurs doivent se faire à l’idée que…
Avec les Mavuba, Cabaye, Bastos et autre Obraniak, on peut produire du jeu, on doit imposer notre façon de faire aux autres équipes. On a une bonne liaison milieu/attaque et notre défense est solide, elle joue juste. Notre maîtrise collective ne cesse de s’affirmer. On bosse sans cesse notre fluidité, le jeu de lignes, la conservation du ballon à travers des jeux avec infériorité numérique….
Vous êtes une des équipes qui frappent le plus au but… J’essaie de leur inculquer le risque et l’audace au quotidien encore et toujours afin que ça pénètre leur inconscient. Je leur demande de se lâcher, de prendre des risques, de tenter l’impossible quand c’est nécessaire. La débauche des attaquants comme Ludo et Michel font que leur repli défensif n’est pas toujours parfait mais la solidarité qui règne dans l’équipe incite les autres à compenser. Les gars sont autant motivés par l’aspect offensif et les nombreux buts qu’on inscrit que par notre imperméabilité défensive.
On sent que ton équipe est confiante en ses moyens… On espérait produire du jeu mais tu ne sais jamais vraiment avant comment les choses vont basculer. Il n’y a pas eu à proprement parler de déclic. Nos longues séries de résultats positifs nous ont insufflé la quiétude nécessaire. A contrario, notre propension à laisser échapper des points chez les gros nous agace tous. A Rennes, à Lyon, à Marseille, à Bordeaux, on aurait pu repartir avec les trois points mais peut-être que cette frustration s’est transformée en rage dans les matchs qui ont suivi et nous a permis d’en récupérer d’autres ; je pense notamment à une grosse victoire contre Saint-É chez nous qui venait après la défaite du Parc où on aurait dû s’incliner…
Pour vous déstabiliser, il faut durcir le débat et sortir la boîte à quiches comme l’a fait Bordeaux (2/2) récemment… Pour nous déstabiliser, il faut avoir du répondant, des capacités athlétiques. On défend en avançant, on presse mais nous avons aussi d’autres qualités. En Gironde, on a répondu par le jeu et notre salut passera par là. Quelle que soit l’équipe en face, on se doit imposer notre jeu et on a les joueurs pour le faire. Après, que les équipes nous rentrent dedans, je prends ça pour une marque de respect.
On a parfois l’impression –erronée- qu’une défaite honorable te satisfait. Je pense notamment à tes déclaration suite au nul du LOSC cette année au Vélodrome ou à une défaite à Gerland l’an dernier avec Le Mans (2/3 après avoir mené 2/0). Serais-tu le perdant idéal ? (Courtois mais ferme) Sûrement pas !! Je fais juste en sorte que le résultat n’affecte pas mon analyse. A chaud, je ne suis jamais euphorique, ni alarmiste. Ce n’est pas dans ma nature profonde d’accepter la défaite sinon je n’aurais rien à faire à ce niveau et à ce poste. Un championnat, c’est un marathon et il faut se garder des jugements définitifs et conserver une certaine forme de recul salutaire. Je crois que l’essentiel, c’est de développer son jeu avec un maximum d’allant et de rigueur pour ne pas avoir de regrets en fin de partie. Toutes mes équipes jouent pour gagner. Toujours et partout.
Tu fais partie de ces entraîneurs qui considèrent que PARFOIS le contenu d’un match est plus important que son résultat… Il y a de temps à autre des victoires inquiétantes et des défaites qui peuvent te satisfaire. Tout dépend du contenu du match. A Rennes, lors de la troisième journée, nous nous étions inclinés (2/1) après avoir mené jusqu’à la 89ème minute. A la fin du match, nous n’avions qu’un point sur neuf possibles mais je n’étais pas aux abois. Nous avions livré un excellent match où deux coups d’éclat des Rennais avaient décidé du sort du match. Il fallait en revanche enrayer la spirale du doute qui menaçait. On l’a fait la semaine suivante en battant Bordeaux à domicile. A l’inverse, depuis Paris, on reste sur une série de huit matchs sans défaite (Ndlr : 4 victoires, 4 nuls) et cela nous confère une toute nouvelle sérénité.
Dans So Foot, tu disais, il y a un an et demi, que tu adaptais tes systèmes et ta façon de fonctionner aux hommes dont tu disposes. J’imagine que tu as fait de même au LOSC mais comment as-tu transformé une équipe réputée pour son bloc défensif en escouade flambloyante avec une ligne médiane qui brille de mille feux ? Je me suis adapté aux hommes comme d’hab’. J’ai appris que « Flo » Balmont était sur le marché, je l’ai fait signer, c’est un régulateur essentiel pour une équipe et une blanchisseuse qui nettoie et bonifie les ballons. Le milieu de terrain suintait le talent à plein nez, j’ai juste essayé de les faire jouer ensemble. Cela m’a permis d’aligner souvent trois attaquants mais le système n’est pas bloqué. A Marseille ou à Bordeaux, j’ai aligné un ‘dix’ à l’ancienne derrière un attaquant unique. D’autres fois, j’opte pour le 4-2-3-1 avec Obraniak et Azard. La géométrie est variable et ne dépend pas toujours de l’adversaire, l’élément de surprise compte aussi. A d’autres moments, je tente un 4-4-2 avec De Melo et Fauvergue pour forcer la décision. Tout dépend des problèmes que je veux poser à l’adversaire.
Quand tu es arrivé au Mans, tu regrettais que le nouveau stade ne soit pas opérationnel. Finalement, tu débarques à Lille au bout d’un an et tu te retrouves au Stadium de Villeneuve d’Ascq, l’archétype de l’anti-stade de foot… Pour les supporters, il n’est vraiment pas confortable. Il est ouvert aux quatre vents, il fait froid, la piste d’athlétisme éloigne nos fans de la pelouse et pour mettre la pression sur l’adversaire, tu repasseras. Finalement, il n’a qu’un gros avantage : la pelouse est probablement la meilleure du pays grâce à notre jardinier, en été comme en hiver. Cela aide notre projet de jeu, tu peux me croire (sourires).
A Corbeil ou à Dijon, tu étais resté de longues saisons. Comme tu es un coach de missions de moyen ou long terme, on a pu croire que tu resterais plus longtemps au Mans… Bien sûr. Ma première saison en L1 en tant qu’entraîneur s’était très bien passée mais c’est un choix que j’assume. Mon club formateur, celui avec qui j’ai débuté ma carrière de joueur professionnel, est venu me chercher. Ses ambitions à moyen terme sont très importantes et ce fut un choix du cœur. Je connais beaucoup de monde ici mais à la base je n’étais pas allé au Mans pour ne rester qu’un an mais… Je garde beaucoup d’amitié pour les dirigeants manceaux et notamment Henri Legarda, dont j’ai été ravi d’apprendre qu’il avait été désigné meilleur dirigeant de France par France-Football. Ceci dit, j’assume mes choix et mes décisions. Comme je te le disais il y a plus d’un an, je suis ambitieux, j’ai besoin de faire mes preuves afin d’obtenir les meilleurs résultats possibles
Tu sens que le regard sur toi a changé ? Quand tu entraînes en L1, la médiatisation est sans commune mesure avec les étages inférieurs. Alors si tu obtiens quelques résultats… Je serais malhonnête si je refusais de voir qu’on me sollicite de plus en plus mais j’ai quelques bons amis coachs qui ont tôt fait de me rappeler que la condition d’entraîneur est un sacerdoce qui peut basculer dans le mauvais sens extrêmement vite. Après, qu’on parle un peu plus de moi en ce moment mais je n’ai pas l’impression d’agacer…
Recueilli par Yevgueny Maverick
A MESSAGE TO YOU, RUDI (THE SPECIALS)
Stop your messing around/ Better think of your future. Time you straighten right out/ Creating problems in town.
Rudy, a message to you Rudy/ A message to you.Stop your fooling around/Time you straighten right out/ Better think of your future
As you wind up in jailRudy, a message to you Rudy/ A message to you.
Stop your messing around/Better think of your future/Time you straighten right
Par