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Lettre d’adieu à Lisandro López

Par Matthieu Darbas
Lettre d’adieu à Lisandro López

À 38 balais, Lisandro López a disputé le dernier match de sa carrière ce week-end. L'attaquant argentin laisse derrière lui une empreinte indélébile dans le cœur de tous les joueurs, clubs ou supporters qui ont croisé son chemin. Une bonne raison de lui rendre hommage. Foutue poussière...

« Le poète a toujours le dernier mot. » Voilà ce que disait Jean Vilar, fondateur du célèbre festival d’Avignon. De la province de Buenos Aires, là où tu es, il y a pas moins de 10 815 kilomètres qui te séparent de la ville du sud de la France, et rien ne semble pouvoir te lier à cet évènement de près ou de loin. Et pourtant, quelques jours après t’avoir vu frôler le rectangle vert pour la dernière fois, impossible de ne pas penser à la maxime de ce célèbre auteur français. D’accord, ta poésie, elle, tu la déclames avec tes pieds, mais les ressemblances avec l’homme aux vers sont troublantes.

Par ton visage et ta pilosité déjà. Si Victor Hugo a fait parler de lui par ses œuvres, sa première marque de fabrique reste tout de même sa grosse barbe blanche, pas vraiment taillée, ni même coiffée, qui permettait de le reconnaître parmi tous ses homologues de l’époque. Pour Jacques Prévert, lui aussi tu en as forcément déjà entendu parler, c’était rasé de près, ce qui mettait en avant ses grosses joues délimitées par de belles rides plus les années s’écoulaient. Tout ça pour te dire que personne n’a aussi bien porté la barbe cadenas que toi. Aucun autre joueur n’a eu cette parfaite moustache et cette barbe délimitant les contours de la bouche jusqu’à la moitié de la mâchoire, parfaitement complétées de cette barbichette au-dessus du menton. Ça t’a toujours donné ce côté chef de meute que tu faisais ressentir sur le terrain. Et même si Helton et Lucho González t’ont empêché de porter le brassard au FC Porto (2005-2009), que tu ne l’avais pas non plus à ton bras pour tes courts passages en Péninsule arabique à Al-Gharafa (2013-2015) et au Brésil sous la tunique du SC Internacional (2015-2016), tu as toujours eu ce rôle de leader hargneux, combatif. Un patron charismatique né. Toujours le premier à aller au front, prêt à foncer tête baissée. Ce surnom de « Taureau », comme t’appelaient les supporters de l’Olympique lyonnais, t’allait si bien.

Au-delà du Racing Club (2003-2005 et 2016-2021), c’est d’ailleurs dans le club rhodanien (2009-2013) que tu t’es le plus imposé. Tu l’as dit toi-même lors de tes adieux à Gerland devant les 35 000 Lyonnais : « Vous m’avez donné les plus belles années de ma carrière. » Et pourtant, au Portugal, avec les Dragons, tu as craché d’innombrables flammes. Reste le souvenir de ton doublé contre le grand rival Benfica un soir d’avril 2008. Bien que le prestigieux club bleu et blanc roulait sur l’élite portugaise, tous les Clássico ont une saveur bien particulière pour les supporters. Et ce jour-là, tu as fait chanter tout l’Estádio do Dragão. En première période, Raul Meireles déboule côté droit, te glisse le ballon et sans réfléchir, tu rentres plein axe, pousses le cuir pour éviter le tacle de Luisão, et envoies un boulet de canon petit filet opposé.

Pourquoi est-ce si marquant ? Parce que la célébration est mythique. Quand tu enlèves ton maillot, en dévoilant ton débardeur trempé, tu te diriges vers le poteau de corner, places ta tunique dessus, et soulèves l’ensemble vers les supporters en l’agitant comme un drapeau. La Liberté guidant le peuple. Une nouvelle planète que tu venais de conquérir. Bien que l’on n’ait pas vu ton torse, l’arbitre te colle un jaune. Sûrement pour ça que tu ne l’enlèves pas sur ta seconde réalisation quelques minutes plus tard. De quoi affirmer que tu as toujours été un véritable artiste sur le terrain. À la manière des morales façonnées par Jean de la Fontaine à la fin de ses fables, tes célébrations sont restées iconiques. La meilleure étant celle où tu désignes tes cojones après l’égalisation face à Lille en septembre 2012. Pas pour rien que samedi dernier à Londres, encore bien loin de chez toi, Alexandre Lacazette, ton ancien coéquipier chez les Gones, te rendait hommage en pointant son doigt sur la tempe. Ta plus grande empreinte.

Samedi dernier, après ton 539e match au plus haut niveau, ton 154e avec le Racing, le chrono s’arrête à la 15e minute de jeu. 15, comme ton numéro. Le Cilindro se lève et salue une dernière fois l’enfant du club. Celui qui s’est envolé pour l’Europe à 22 ans, qui a remporté à trois reprises le championnat portugais, pour ensuite conquérir les cœurs rhodaniens – du moins une partie – en ajoutant à son palmarès une Coupe de France et un Trophée des champions (2012), avant d’atterrir au Qatar, au Brésil et enfin aux États-Unis sous les couleurs d’Atlanta (2021), boucle la boucle à la maison. Comme un symbole. C’est ainsi que le plus courageux des soldats s’effondre sous l’émotion. On peut voir des larmes sur tes joues, sans aucun doute destinées à ta mère, souffrante et actuellement hospitalisée – si on en croit les précisions des médias du pays – pour qui tu as décidé d’arrêter ta carrière dans l’unique but de partager des secondes précieuses à ses côtés. Ton nom est alors scandé dans les tribunes, ou plutôt ton surnom : « LICHA ! LICHA ! LICHA ! » La légende pleure avec tous ceux qui l’ont adulée et qui continueront à le faire.

Finalement, en plus d’avoir marqué ton époque, on parlera encore de toi dans dix, vingt, trente ans. Comme on l’a fait de Rimbaud, Verlaine, Apollinaire ou encore Éluard avant toi. Oui, tu as décidé de t’éloigner du rectangle vert une fois pour toutes, mettant un point final à ton œuvre. Mais on lira encore les pages de ton histoire dans les livres, bien après ton passage sur la planète foot.

Merci Lisandro.

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Par Matthieu Darbas

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