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Les mauvais côtés de la Super Ligue Européenne

Pierre Rondeau
Les mauvais côtés de la Super Ligue Européenne

Mardi 20 octobre, à quelques heures de la reprise de la Ligue des champions, la presse britannique dévoilait le projet concret d’une « Premier League européenne ». Concrètement, dès 2022, on se dirigerait ainsi vers un championnat européen des clubs fermé. Et visiblement, l'annonce en a satisfait plus d’un. Alors, tous derrière cette compétition ? On préfère vous prévenir : il y aurait de la casse...

Un simple tweet a suffi à faire chauffer les réseaux sociaux. Mardi après-midi, Sky News dévoilait le projet concret d’une « Premier League européenne » , avec la FIFA à la barre et Liverpool, Manchester United et le Real Madrid côte à côte niveau organisation. Selon Mark Kleinman, journaliste à Sky News, qui a révélé l’information, cette compétition réunirait, dès 2022, 18 équipes au sein d’une ligue fermée, dont le Paris Saint-Germain pour la France, et pourrait rapporter jusqu’à 5 milliards d’euros par an, bien au-dessus des 2,04 milliards récoltés par l’UEFA avec sa Ligue des champions.

Certes, très vite, l’information a été nuancée par d’autres médias, dont le Times, jugeant le projet loin d’être fait. Mais en attendant, beaucoup de fans de foot, sur Twitter notamment, ont applaudi l’annonce. Petite confidence, ici-même, chez So Foot, on s’était étonnés du nombre important de commentaires qui accueillaient positivement la création possible d’une Superligue lorsque Gianni Infantino, président de la FIFA, ou Aleksander Čeferin, à l’UEFA, prédisaient une modification des compétitions internationales, avec plus d’intensité et moins d’aléas. Beaucoup de gens validaient l’idée, s’imaginant assister à des Bayern–Chelsea ou des PSG–Real régulièrement, semaine après semaine, tout au long de l’année. Comme d’habitude, le principal argument était de rejeter la froideur et l’ennui de notre bonne vieille Ligue 1, méprisant les rencontres fades et sans saveur, des Dijon–Nîmes ou Metz–Brest, et ne rêvant qu’à des matchs dignes d’un dernier carré de Ligue des champions, mais tout au long de l’année.

Argent provocateur

Autre argument des défenseurs d’une telle compétition : l’impact des droits TV. Forcément, un championnat européen fermé, calqué sur le modèle économique des Ligues sportives américaines, comme la NBA ou la richissime NFL, devrait apporter un gain financier incommensurable. Et effectivement, lorsque la Sky parle de 5 milliards d’euros de bénéfices pour 18 clubs, c’est largement plus que notre bonne vieille Ligue 1, déjà dans la panade avec Mediapro et sa valorisation à 1,153 milliard d’euros, et c’est supérieur à la Premier League anglaise.

Il faut imaginer qu’une Superligue de ce genre déboucherait certainement sur un déploiement international, sur une captation d’un public aux quatre coins du globe, sur une visibilité mondiale, et susciterait un suivi et un intérêt certains des Chinois, des Américains ou des Indiens. Rajoutez à cela la possibilité de jouer les matchs sur trois fuseaux horaires, en début d’après-midi, pour le marché asiatique, en soirée pour l’Europe et tard dans la nuit pour l’Amérique, et vous touchez le pactole. Et autant d’argent en plus, c’est une meilleure redistribution vers tous les clubs participants. En période de crise économique et sanitaire, le football de haut niveau serait sauvé. Paris, voire Lyon et Marseille s’ils venaient à intégrer cette Premier League, le Barça, le Real, etc. : tout le monde est préservé. Merveilleux, n’est-ce pas ? Cette nouvelle compétition aurait tout pour plaire, sur le papier…

Plus d’argent, mais moins de redistribution ?

Mais est-ce vraiment ce qu’on veut ? Au-delà de l’intérêt sportif, où les rencontres rares et terriblement excitantes deviendraient régulières donc banales, l’encloisonnement du football autour d’une petite élite sonnerait le glas de tout le sport, à tous les niveaux. En France notamment, il faut bien comprendre que le sport professionnel finance le sport amateur, tels des vases communicants. Depuis 2001 et la taxe Buffet, un prélèvement de 5% est réalisé sur les droits TV des compétitions sportives. Initialement plafonnée à 40 millions d’euros, cette taxe permet aujourd’hui de rapporter jusqu’à 73 millions d’euros par an afin d’approvisionner l’Agence nationale du sport, chargée des politiques sportives en France et du financement des sportives et sportifs de haut niveau, celles et ceux qui représentent la France lors des grands évènements sportifs internationaux, comme les Jeux olympiques.

Si une Premier League européenne venait à voir le jour, il y a fort à parier que son siège, comme l’UEFA ou la FIFA, serait basé en Suisse (voire ailleurs) et ne serait donc pas redevable à la taxe Buffet. À côté, en admettant le maintien d’une Ligue 1 nationale, totalement dévoyée par la concurrence de la Superligue, ses droits TV ne rapporteront sans doute pas plus de 200 millions d’euros, peu ou prou, soit un gain minime pour l’Agence nationale du sport. Alors oui, les fans de football se satisferont de pouvoir regarder toutes les semaines des grandes affiches européennes (et encore, jusqu’à quel point ?) pendant que nos principaux champions, en judo ou en VTT pour prendre des exemples parmi d’autres, n’auront plus aucun moyen pour se consacrer pleinement à la performance et à la quête de victoire.

Un coup dur pour le foot amateur

Certains pourraient rétorquer que le football professionnel n’a pas à financer les autres disciplines, que le principe de solidarité ne doit pas exister dans ce sens. Le football ne serait redevable de rien si ce n’est de lui-même. En allant dans ce sens, il serait logique de considérer que le football professionnel doive seulement soutenir le football amateur. Après tout, les joueurs de haut niveau sont passés par des clubs amateurs, il est donc normal de renvoyer l’ascenseur.

Et ce principe existe déjà, avec la taxe de solidarité de la FFF de 2,5% sur les droits TV de la LFP. Au total, ce prélèvement permet de financer une partie du fonds d’aide pour le football amateur, le FAFA. Mais avec une Premier League européenne, reléguant la Ligue 1 et la Ligue 2 à des niveaux proches des championnats polonais ou biélorusse, comment soutenir justement le FAFA ? Comment aider et subventionner durablement les 15 000 clubs amateurs en France, gravement touchés par l’épisode pandémique du coronavirus, si les moyens baissent et s’amenuisent ? Celles et ceux qui militent pour une Ligue fermée européenne pratiquent-ils le football en club ou ne s’intéressent-ils qu’aux matchs à la télévision, affalés sur leur canapé ? Concrètement, une telle compétition risquerait de renforcer les inégalités du sport et une forme de scission entre le football professionnel de haut niveau et toutes les autres disciplines. « Après moi le déluge », pourraient affirmer les partisans de cette compétition, s’ils ne se préoccupaient absolument pas de ses conséquences. Et disons simplement qu’il y a fort à parier que ce soit le cas…

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