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Les leçons tactiques du terrible match de futsal

Par Douglas de Graaf
Les leçons tactiques du terrible match de futsal

Publiée jeudi soir, une vidéo montrant des footballeurs amateurs s'adonner à une partie de futsal fait jaser : elle consacre la beauté d'un football champagne et sans calcul par opposition aux confrontations minées par les stratégies tactiques mises en place. Mais occulter la puissance des enjeux tactiques à l'œuvre dans ce match serait une grave erreur. C'est notamment grâce à une identité de jeu claire, une philosophie offensive et des préceptes ambitieux que l'équipe des blancs parvient à asseoir sa supériorité sur les rouges. Et ce, malgré une fin en eau de boudin.

Au premier abord simpliste, la tactique de l’équipe blanche est beaucoup plus sophistiquée qu’il n’y paraît. Bien sûr, l’observateur peu attentif aura tôt fait de remarquer la pierre angulaire du dispositif tactique de l’armada blanche : son avant-centre, excellent point de fixation. N’hésitant jamais à redescendre très bas pour soulager ses défenseurs et imposer sa densité physique au cœur du jeu, cette tour de contrôle offre un merveilleux usage de son physique de frigo américain. Dos au but, à la Romelu Lukaku, l’attaquant arrive à faire jouer ses muscles et son jeu de corps à la suite du corner pour optimiser sa protection de balle. L’objectif : gagner de précieuses secondes pour faire respirer son équipe et permettre au bloc de remonter.

Chez les blancs, la volonté de s’appuyer sur ce point d’ancrage au rôle ingrat est claire : permettre aux autres joueurs de porter rapidement le danger vers l’avant. L’avidité offensive, le désir brûlant de pratiquer un football proche des cages adverses, est ici un modèle avec les appels tranchants du milieu défensif et de la latérale gauche. On parle bien d’un mixe entre le football total de l’Ajax de Rinus Michels, où on attaque et défend à 11, et le « chaos organisé » d’inspiration guardiolienne, où les postes évoluent constamment en fonction de la situation de jeu et du placement de l’adversaire.

L’art pour l’art et la manière

Un tourbillon d’allant offensif qui atteint son paroxysme lorsqu’il est conjugué à la notion d’esthétisme. Et chez l’équipe blanche, elle est à la base de tout. « Si vous voulez voir du spectacle, allez au cirque » , raillait Pablo Correa il y a quelques années. À la vue du show offert ici, l’entraîneur uruguayen en aurait avalé son bonnet. Car proposer du spectacle, du beau jeu, faire plaisir au public, se faire plaisir à soi-même, à tout prix et quelles que soient les circonstances : tel est le feu ardent qui brûle dans les têtes des soldats blancs.

Les rouges remettent le danger dans la surface blanche après la perte de balle de l’attaquant ? Son milieu défensif s’offre le luxe de tenter une aile de pigeon en déséquilibre. La gardienne doit négocier la patate chaude à mi-hauteur ? Elle gratifie le public d’une magnifique reprise de volée sans contrôle pour non seulement écarter le danger, mais aussi offrir un duel aérien abordable à négocier pour ses partenaires. Gagner le duel aérien, justement : pourquoi le faire de manière conventionnelle quand on peut allier le résultat et la manière et continuer de faire vivre la dynamique esthétique ? Là encore, le contrôle du dos ne relève pas simplement de « l’art pour l’art » cher à Théophile Gautier, il sert les desseins d’un souci réel et pratique : faire remonter le ballon dans le camp adverse pour permettre au bloc-équipe de se réorganiser et d’enclencher le pressing.

Gegenpressing incoordonné

Le pressing, justement. Il en existe différents types : haut ou bas, coordonné ou pas, immédiat à la perte du ballon ou au contraire déclenché dans un second temps une fois le repli défensif effectué. L’équipe blanche – largement remodelée à la mi-saison – ne disposant pas encore de grands repères collectifs, l’entraîneur a décidé de réserver à plus tard le peaufinage de ce pilier tactique. Ici, l’efficacité est clairement privilégiée et la stratégie minimaliste : se ruer comme des morts de faim et sans aucun calcul sur le porteur de balle sitôt ce dernier en possession du cuir. Un gegenpressing incoordonné qui, certes, laisse beaucoup d’espaces et consume des forces si l’équipe adverse arrive à ressortir proprement le ballon en passant par l’arrière, mais qui porte ici ses fruits : étouffé dans le temps (l’ailier rouge n’a pas encore le pied sur le ballon qu’il se fait déjà harceler) et l’espace (pris à deux, acculé dans un coin, il ne dispose d’aucune échappatoire ni d’aucun angle de passe), le malheureux adversaire est contraint de rendre les armes et l’équipe blanche peut reprendre implacablement sa marche en avant.

Ligne Maginot et blitzkrieg

Heureusement pour l’équipe rouge, c’est ici que le « chaos organisé » des blancs montre ses limites. Concentré sur l’épicentre du combat (le ballon), l’avant-centre s’est mu sur le côté gauche pour récupérer la sphère jaune. Gagné. Sauf que dans son équipe, personne n’a pris sa place. Une façon ici pour les joueurs de mettre le holà à la tactique de leur entraîneur : fondre vers l’avant, oui, mais trop s’exposer en cas de perte du ballon, hors de question. Plutôt que de combler le trou laissé par son avant-centre, le milieu défensif a préféré ainsi rester en couverture pour assurer l’équilibre. Une incarnation de la ligne Maginot qui promeut l’éloge de la patience et de la stabilité pour mieux riposter par la suite. Jaugeant donc la situation, la sentinelle au QI foot élevé a estimé que le contexte n’était pas favorable pour une contre-attaque et a donc préféré donner le temps à son équipe de récupérer la gonfle et choisir un moment plus opportun pour se jeter à l’attaque. La suite lui donne raison : le cuir est rapidement abandonné par les rouges et c’est au défenseur central blanc de jauger de nouveau la situation. Cette fois, elle semble idéale : place au blitzkrieg.

Pas de volonté de maîtriser le tempo, de repasser par l’arrière ou de faire tourner le ballon dans d’interminables phases de possession stérile, il s’agit ici de surprendre l’opposant tant qu’il n’est pas encore replacé. Et quand ce football direct, basé sur une transition ultra-rapide, se conjugue à un jeu en une touche, la suite peut frôler le sublime. Le défenseur central, ainsi, assurément moderne et très à l’aise balle au pied, fonce plein fer et propose un une-deux d’école avec son ailier droit. L’appel est bon, la volonté de prolonger l’action encore plus, mais l’ailier un peu moins : la passe est manquée et l’offensive tuée dans l’œuf. Qu’à cela ne tienne ! Le gegenpressing solidement ancré en tête, l’homme à la grinta revient immédiatement et farouchement défendre. Encore une fois, l’initiative est couronnée de succès, et tant pis si le défenseur central vient gâcher les efforts de son partenaire par un dégagement non maîtrisé : les erreurs individuelles ne feront jamais oublier la beauté et la force d’une philosophie de jeu collective.

Par Douglas de Graaf

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