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Le match que vous n’avez pas regardé : Kirghizistan-Russie

Par Yan Matusevich, à Bichkek
Le match que vous n’avez pas regardé : Kirghizistan-Russie

Privée de football depuis le début de la guerre et son expulsion des compétitions internationales, la sélection russe a signé son retour ce samedi avec une victoire contre le Kirghizistan à Bichkek. Un grand moment, et même un moment d'histoire.

Ce samedi 24 septembre n’était pas un jour comme un autre, pour une partie de la planète. C’est en effet à cette date que la rencontre historique opposant le Kirghizistan à la Russie a eu lieu, au stade Dolon Omurzakov de Bishkek. Une première, en 31 ans d’existence de leurs équipes respectives. Dans les gradins, pleins à craquer pour l’occasion ? Des femmes enveloppées dans le drapeau national et des hommes portant le kalpak, chapeau traditionnel en feutre. En bas des tribunes, de longues files se forment devant les vendeuses de Maksym (boisson pétillante, à base d’orge fermenté).

Pourquoi attendre trois décennies ?

Côté kirghize, la sélection nationale est – parmi toutes celles de l’ex-URSS – celle qui peine le plus à garder la tête hors de l’eau depuis son indépendance. Ce petit pays montagneux, avec peu de ressources naturelles, demeure un des plus pauvres d’Asie centrale. Faute de financement et de soutien de l’État, le parcours de l’équipe nationale en compétitions internationales est peu glorieux. Pour la Russie, c’est le premier match officiel depuis les sanctions de l’UEFA en février 2022. Exclue de toute compétition internationale, la Sbornaya doit se contenter de jouer contre le Kirghizstan (un des rares pays à avoir accepté de l’accueillir). Dans un pays où ce sont les sports de combat qui font l’objet de la fierté nationale, le football n’a jamais été prioritaire. « Il y a eu un moment, nous ne participions même plus aux qualifications pour la Coupe d’Asie des nations, nous avons passé des années entières sans match officiel et nous étions parmi les plus faibles du continent », se rappelle Azamat Assylbachev, commentateur télé de football kirghize, en évoquant les années 2000.

Mais depuis son passage improbable en huitièmes de finale de la Coupe d’Asie des nations en 2019 et sa qualification pour la même compétition en 2022, le Kirghizstan enchaîne des performances plus encourageantes. Surnommé « kolkhoznik » par le public kirghize pour son manque de formation professionnelle, l’entraîneur russe Aleksandr Krestinine mise sur des jeunes joueurs kirghizes ainsi que sur les descendants de la communauté historique des Allemands du Kirghizstan (dont beaucoup sont rentrés en Allemagne après la chute de l’URSS, tout en restant éligibles au passeport kirghize). Ainsi, une nouvelle génération de jeunes joueurs très prometteurs émerge depuis quelques années. Il y a par exemple Erbol Atabaïev, qui évolue en deuxième division russe au Dinamo Makhatchkala. Ou encore Gulzhigit Alykulov, meneur de jeu au Kairat Almaty et par ailleurs fils d’un des plus célèbres humoristes kirghizes.

Foot en état de guerre

Une semaine avant la rencontre, le pays est secoué par une incursion des militaires tadjiks sur son territoire. Entre le 14 et le 20 septembre, les violences frontalières ont fait une grosse cinquantaine de morts kirghizes et ont déplacé plus de 130 000 habitants dans la région de Batken. Le Kirghizstan fait appel à son supposé allié militaire russe, afin d’intervenir et empêcher une véritable guerre avec le Tadjikistan. Mais, enlisée dans sa guerre meurtrière en Ukraine, la Russie refuse de se mêler dans ce conflit. « L’ambiance est pesante dans le pays, impossible de penser au foot en ce moment », explique Beksoultan Ousenalïev, l’autre commentateur de foot de la télé kirghize et ultra du Dordoï Bichkek (le club phare de la capitale).

Comme beaucoup d’autres supporters, Beksoultan est parti vers la région de Batken – située à treize heures de route de la capitale – pour distribuer de l’aide humanitaire aux victimes des violences et n’assiste pas au match. D’ailleurs, en raison du deuil national décrété en réponse aux événements, la partie a bien failli ne pas avoir lieu. « La Russie ne devrait pas compter sur un accueil très chaleureux chez nous, après tout ce qu’il s’est passé. Même si on aime bien la Russie de manière générale ici, les derniers événements ont bien gâché la réputation de notre « grand frère », comme les Russes aiment bien s’appeler », affirme encore Beksoultan.

Un match historique

Les billets ont beau avoir été mis en vente à peine 48 heures avant le début du match, les abords du stade sont bondés. À l’opposé des stades ostentatoires construits par les régimes autoritaires du coin, la sélection kirghize évolue dans une enceinte soviétique délabrée en plein centre-ville. Le président actuel Sadyr Japarov a annoncé avoir enfin les moyens pour construire un stade moderne, mais les supporters restent dubitatifs. Après trois révolutions populaires en quinze ans, les Kirghizes ne font plus trop confiance aux promesses électorales de leurs présidents.

Pendant le match, les Faucons blancs s’accrochent en tout cas à chaque ballon avec une intensité effrénée et enchaînent des belles séquences face à une équipe russe qui semble complètement désœuvrée. Résultat : le Kirghizstan ouvre le score à la 24e minute, avec une frappe sublime de quinze mètres du jeune Alimardon Shukurov qui évolue au Neman Grodno biélorusse. Extase absolue, dans les tribunes : un but contre la Russie, c’est déjà une victoire en soi. Mais six minutes plus tard, la Russie égalise après un tacle maladroit du défenseur kirghize. Ce penalty décevant ne décourage toutefois pas le public, les chants de Alga Kirghizstan (« En avant, Kirzghizstan ! ») ne faisant que monter en volume. Le bilan est même catastrophique pour la Russie, qui ne compte qu’un seul tir cadré à la pause (contre quatre pour le Kirghizstan).

Poutine chambré, la Russie réveillée

Quelques familles de militaires venues de la base aérienne russe de Kant, située à vingt kilomètres de la capitale, constituent un petit bloc de supporters enveloppés dans le tricolore russe. Leur interprétation de Katioucha, une chanson soviétique associée au lance-roquettes éponyme de la Seconde Guerre mondiale, est à peine audible parmi les hurlements des supporters kirghizes. Dans le camp kirghize, justement, c’est le fameux Ali Salih İflazoğlu qui anime le public en agitant un énorme drapeau mi-turc mi-kirghize. Restaurateur turc installé à Bichkek depuis quinze piges, Ali est le capo autoproclamé des supporters de son pays turcique adoptif. Trempé de sueur et casquette du Fenerbahçe sur la tête, il parcourt tous les secteurs de la tribune Ouest pour rajouter un peu de feu stambouliote à cette ambiance plutôt familiale.

En seconde mi-temps, les Kirghizes perdent de l’élan… mais la prestation russe n’est guère plus dangereuse. À l’approche du coup de sifflet final, quelques jeunes kirghizes lancent des cris (comme « Gloire à l’Ukraine », ou « Une Russie sans Poutine ») sous le regard critique de vieux hommes qui ne semblent pas trouver la démarche très drôle. Soudain, l’espoir de pouvoir décrocher un match nul face à l’ancien colonisateur s’évanouit lorsque Daniil Utkin profite d’un manque de pressing pour inscrire la réalisation décisive sur le fil (89e). La défaite kirghize, honorable, est presque célébrée comme une victoire : le public reste sur place, les supporters applaudissent et scandent « Batken ! Batken ! » en hommage aux victimes des violences frontalières de la semaine précédente. Quand la Sbornaya quitte le terrain, les supporters kirghizes rigolent à l’idée que les joueurs russes pourraient bien décider de rester au Kirghizistan afin d’échapper à la mobilisation déclarée par Poutine la veille du match. Comme l’ont désormais fait bon nombre de leurs compatriotes, semble-t-il.

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Par Yan Matusevich, à Bichkek

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