La Serie A entre deux eaux
A l'indice de performance des championnats européens, la Seria A glisse dangereusement vers la catégorie des seconds couteaux. Confirmation du déclin, ou année du rebond, le casting de la saison laisse la porte ouverte aux deux scénarii.
Si on vendait le championnat italien, comme d’autres la Ligue 1, que dirait-on ? Que cette saison sera celle du renouveau. C’est certain. Car après le séisme et les répliques du Moggiopoli, les compteurs sont enfin remis à zéro. Requinquée, renflouée, la Juve, première coupable et victime du scandale, redevient désormais apte à lutter pour la seule place qui vaille à ses yeux : la première. Avec Diego en nouveau prince de Turin, les bianconeri ressusciteront le temps où les grands 10 régnaient en Italie (Platoch’, Maradona, Baggio …). Le Milan AC ? Klaas-Jan Huntelaar rime avec revanchard. Dans les pas de Marco Van Basten, l’avant-centre refera vivre les temps glorieux de l’union batavo-lombarde, quand l’élite de la planète se couvrait de rouge et de noir. D’ailleurs, le Milan AC abrite toujours le « meilleur joueur du monde » , Ronaldinho. C’est Berlusconi qui le dit, et en matière de foot, Il Cavaliere maîtrise le sujet : cinq Ligue des champions, comme autant de doigts de la main droite à baiser de Su Eminenza. Le casting promet : la Juve de retour, le Milan ressuscité -deux institutions coachées par des néo-entraîneurs qui deviendront grands (Leonardo et Ferrara)- et l’Inter de Mourinho, plus puissant que jamais. Une lutte à trois qui restaurera le prestige du championnat dominant des nineties. Sans oublier la classe de la Roma, le raffinement florentin, un port génois qui se rêve à nouveau en place forte, et la fièvre sudiste : Naples, Bari, Cagliari …
Si on donnait un bon coup de botte au championnat italien, comme d’autres à la Ligue 1, que dirait-on, cette fois ? Que Diego est surcoté, que la Juve, ex-terreur continentale, n’évolue désormais plus qu’en seconde division européenne, et qu’elle n’est plus qu’une Vieille Dame décrépite, réduite à offrir une saison d’adieu au plus mauvais défenseur de la plus mauvaise défense d’Europe (Cannavaro, évidemment). On dirait aussi, que le MilanLab s’est peu à peu transformé en unité de soins palliatif pour produits périmés (Inzaghi, Favalli), et soldats perdus pour le foot, Nesta le blessé éternel, et Ronnie, l’otarie mazoutée. Car Berlusconi, dirigeant sénile qui a entamé ce long retour vers l’enfance qu’est la vieillesse, dit évidemment n’importe quoi. Au vu de l’âge de son ex petite amie, Il Cavaliere en est désormais au stade années lycée, alors la lucidité sur le niveau de ses idoles … De plus, comment penser qu’un club qui recrute Flavio Roma aspire aux sommets ? Et l’Inter, alors ? Triste. Dès le départ. Quand un quadruple champion en titre peine à séduire un gnome hollandais (Sneijder), ça pose la perte d’attractivité de la Serie A. Malgré tout, les nerrazzuri seront champions, faute de combattants dignes de ce nom … A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire.
Alors, où va l’Italie ? Entre ces deux scénarii extrêmes, la vérité se situe sans doute dans une zone intermédiaire. Ce n’est pas un secret, la Serie A ne constitue plus la crème des championnats, mais son histoire, le prestige de ses pensionnaires, et des moyens encore supérieurs à ses voisins allemands et français, placent encore la Botte dans le trio de tête européen. Celui où il faut être pour disposer d’une aura mondiale. Surtout, la Serie A reste affaire de tradition. Rome est toujours dans Rome, giallorossi et biancocelesti ont conservé une identité forte, Florence continue de séduire, Milan lafashion d’attirer, alors que Naples fascine. Malgré des stades à moitié vide, des tribunes transformés en banc d’essai pour bombes agricoles, et des pistes d’athlétisme derrière les buts, la Serie A reste ce théâtre charmant et excessif, au socle esthétique commun, mais dont la confrontation des particularismes locaux fait la richesse. Assez pour rempiler, et passer ses dimanche après-midi devant sa télé.
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