- Rétro – Coupe du Monde 1934
La première étoile
Mussolini n'avait jamais posé le pied dans un stade de football avant 1934. C'est pourtant en partie grâce à son influence néfaste que l'Italie décroche sa première étoile de championne du monde. La deuxième édition de la Coupe du Monde se voulait plus professionnelle que celle disputée en 1930. Au final, la compétition aura été salie par le spectre fasciste et les scandales arbitraux. Flashback en noir et blanc et sans vidéo.
Au départ, le Mondial devait se disputer en France…
Jules Rimet, l’inventeur de la Coupe du Monde, tenait à ce que le premier Mondial organisé en Europe revienne à la France. En 1932, la FFF reçoit même la confirmation que l’évènement aura bien lieu dans l’Hexagone… Seulement voilà, quelques mois plus tard, Mussolini fait officiellement entrer la politique dans le football et ordonne que l’Italie soit le pays-hôte pour la première participation des Azzurri dans la compétition. Du coup, Jules Rimet et la France sont obligés de plier devant les pressions fascistes. Pour eux, c’est la “Duce” écossaise.
Le tenant du titre ne se présente pas…
Vainqueurs en 1930, les Uruguayens décident pourtant de boycotter le Mondial italien en guise de représailles contres les nations européennes qui n’avaient pas daigné se déplacer en 1930. C’est la première et dernière fois de l’Histoire du Mondial que le tenant du titre ne défend pas son titre. Les “Charruas” ne réapparaîtront qu’en 1950, au Brésil. Avec le succès qu’on connaît…
Des phases de qualification en un match…
En 1930, les équipes qualifiées étaient celles qui avaient eu le courage de se déplacer. Histoire de professionnaliser la compétition, Jules Rimet décide d’instaurer des matchs de qualification en 1934. En réalité, un match suffit pour se retrouver directement en huitième de finale de la Coupe du Monde. L’Italie, malgré son statut de pays-hôte, n’en est pas exemptée et doit affronter la Grèce. Les Azzurri gagnent leur premier match à Milan (4-0) et remporteront le match retour sur tapis vert après que les Héllènes eurent décidé de retourner précipitamment chez eux, sans prendre la peine de défendre leurs maigres chances de qualif’. En vérité, les dirigeants de la fédération italienne avaient promis à leurs homologue grecs de leur financer entièrement un bâtiment de deux étages -le siège de l’institution- s’ils se retiraient de la compétition…
Des “Oriundis” pour l’Italie…
Après une série de matches amicaux peu concluants, Vittorio Pozzo, le sélectionneur italien, demande à l’administration fasciste de naturaliser les descendants d’immigrés italiens -les Oriundis. Pétition accordée illico presto par ladite administration. Du coup, les Transalpins “recrutent” les Argentins Monti, Demaria et le Brésilien Guarisi. Orsi, le défenseur vedette, finaliste de la Coupe du Monde 30 avec l’Albiceleste quatre ans plus tôt, fait également partie du groupe. Il aura d’ailleurs une importance fondamentale dans la victoire finale. Orsi : « Pour nous convaincre de jouer pour eux, nous avions eu la promesse de Mussolini d’avoir de l’argent, des femmes, des voitures et des maisons… C’était une proposition presque indécente… mais aussi très dangereuse » . Comprendre : vendre son âme au diable.
Des buteurs inédits…
Aucun joueur présent dans l’édition 1930 n’aura réussi à scorer en Italie. Conen (Allemagne), Nejedly (Tchécoslovaquie) et Schiavio (Italie) finissent meilleurs buteurs du Mondial 1934 avec quatre buts chacun.
Chiffres clés
Dans le désordre : 21.235 spectateurs en moyenne par match, 46 buteurs différents, 208 participants, 4,1 buts de moyenne par match, 70 buts inscrits au total, 34 arbitres européens, un arbitre égyptien et 1.400.000 euros de recettes pour le pays organisateur.
L’Espagne, victime d’un vol à l’italienne…
Après l’épisode contre la Grèce, l’Italie affronte l’Espagne du mythique gardien Zamora en quarts de finale. Menés rapidement 0-1 par les Ibères, les Transalpins parviennent cependant à égaliser en fin de match sur un but polémique après que Schiavio a attrapé les mains du gardien de la Roja pour permettre à son coéquipier Ferrari de marquer tranquillement dans des buts vides. Le match est aussi marqué par la violence des Italiens sous le regard permissif de l’arbitre belge Louis Baert. Résultat, sept titulaires espagnols finissent leur Coupe du Monde à l’infirmerie… Et déclarent forfait pour le match retour. Putain de boucherie.
Lors du deuxième match, l’arbitre suisse René Mercet bouscule tous les clichés sur la neutralité des Helvètes en refusant deux buts parfaitement valables aux Espagnols. Finalement, le grand Giuseppe Meazza marque le but d’une qualification obtenue dans des circonstances plus que tout troublantes. Du coup, la FIFA décide de suspendre à vie les deux arbitres (le Belge Louis Baert, donc, et Mercet)… Franco, lui, annonce que l’équipe d’Espagne ne participera plus jamais à des tournois internationaux. Pour narguer tout le monde, Mussolini décide de donner une récompense de 10.000 lires à ses valeureux héros…
La victoire ou la mort…
Après avoir fait tomber scandaleusement (oui, encore !) la Wunderteam autrichienne en demi-finale, les Italiens affrontent les grands favoris tchécoslovaques au stade du Parti Nationaliste fasciste à Rome. Mussolini est présent dans les tribunes pour mettre la pression aux joueurs. Ils le savent. S’ils perdent, ils sont quasiment morts. Peu avant la rencontre, le sélectionneur de la Squadra reçoit un télégramme du Duce : « Monsieur Pozzo, vous êtes le principal responsable du succès en cas de victoire en finale, mais que Dieu vous vienne en aide si vous perdez » . De son côté, le joueur de la Juventus, Monti, revit la même situation critique qu’en 1930. « Si j’avais gagné en Uruguay avec l’Argentine, on m’aurait tué et si l’Italie perdait, on me fusillait. Pour moi, la Coupe du monde a été une grande source d’angoisse » avouera-t-il quelques années plus tard.
La peur au bide, les Italiens l’emportent finalement à l’arraché et à la loyale lors de la prolongation (2-1). Schiavio avouera un jour avoir marqué « à la force du désespoir et de l’envie de vivre » . Le comble, c’est que certains champions du monde finiront par être torturés par les milices du Duce quelques années plus tard, et ce, pour des motifs “anti-patriotiques”… Sale époque.
L’élégance de Giuseppe Meazza
L’Intériste Giuseppe Meazza aura été le seul à faire de l’ombre à la classe du génial Autrichien Matthias Sindelaar. Le milieu de terrain italien est l’un des premiers joueurs du monde à avoir utilisé les feintes pour se débarrasser de ses adversaires. Vittorio Pozzo ne tarissait pas d’éloges sur la finesse de son stratège : « Avoir Meazza dans son équipe, c’est comme débuter un match avec un but d’avance. Il faudra du temps avant de remplacer un joueur de son talent » . L’entraîneur ne croyait pas si bien dire. Meazza détient toujours le record du plus grand nombre de buts marqués en un seul match de Serie A (6, contre Venise en 1929). Il a également fallu attendre les années 70 pour que Riva lui souffle le titre de meilleur buteur historique de la Squadra Azzurra.
Équipe Type 1934 :
Zamora (Espagne) – Ciriaco (Espagne) – Quincoces (Espagne) – Kostalek (Tchécoslovaquie) – Monti (Italie) – Urbanek (Autriche) – Guaita (Italie) – Meazza (Italie) – Ferrari (Italie) – Orsi (Italie) – Sindelaar (Autriche).
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