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Juanito, le gladiateur merengue

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Juanito, le gladiateur merengue

Après l'humiliation (6-1) subie à Saragosse, le Real Madrid ne sait plus à quel saint se vouer. Jamais les ‘Merengue’ n’ont remonté pareil obstacle dans leur histoire pourtant riche en rebondissements. Pour ne pas laisser filer une place en finale de la Coupe du Roi Lopez Caro a demandé à ses joueurs « de mourir sur le terrain ».

Souvent avare de paroles, Casillas est cette fois-ci monté au créneau pour demander à ses compagnons de faire preuve du même esprit que le mystérieux Juanito. Méconnu, pour ne pas dire ignoré du grand public et des stars madrilènes actuelles, il fut pourtant l’un des piliers du club dans les années 70, aux cotés des Santillana, Camacho et Jensen.

Juan Gómez González est né en 1954 à Fuengirola, aux alentours de Malaga, dans une famille modeste. Le garçon est espiègle, bagarreur et toujours dans les mauvais larcins. Alors qu’il est à peine âgé de deux ans, « El Nino » avale un flacon de somnifères et frise la mort. C’est la première épreuve de sa vie.

Caractériel et révolutionnaire, le bambin choisit de supporter le Real Saragosse en lieu et place du Real Madrid. Il avouera plus tard que cette sensibilité n’avait cependant rien à voir avec le football : « Lorsque j’étais petit le Real Madrid était pour moi associé à l’image de Franco. Un homme qui avait fait beaucoup de mal à ma famille et à l’Espagne entière » . Comme tous les jeunes de son âge, Juanito commence à jouer au football dans les rues poussiéreuses de la ville andalouse. C’est là qu’il acquiert son tempérament vindicatif et accrocheur. Le garçon n’a alors rien de chétif et fait preuve d’un aplomb et d’une grande gueule précoces et surprenants : « J’étais toujours en train de me battre. Tout le temps fourré dans les sales histoires. Une fois, on m’a cassé une chaise dans le dos. Dans une autre bagarre, quelqu’un m’a jeté un pavé sur la tête et m’a ouvert le crâne. Vu la grosse tête que j’ai ce n’était quand même pas difficile de rater sa cible » . Quelques hématomes plus tard, des recruteurs de l’Atletico Madrid proposent à sa famille de prendre en charge son éducation. Une aubaine dans un contexte qui fleure bon l’impasse sociale. Juanito a 13 ans. Pourtant ce n’est qu’à 15 ans qu’il débute dans les rangs de l’Atletico C. Ses entraîneurs ne lui font pas confiance et lui reprochent d’avoir la langue trop pendue. Il retourne dans le bagne de Fuengirola pour finalement revenir un an plus tard dans la capitale. Il joue un match amical contre Benfica, à la mémoire des disparus de Managua. Il se fracture le péroné et le tibia. Ses chances de rejouer au football sont infimes. Le FC Séville, alors intéressé par le joueur, affirmera même dans un communiqué officiel « qu’il est fini » .
C’est dans cette période trouble de sa carrière que le joueur prend paradoxalement toute son ampleur. Il veut prouver à l’Espagne du football qu’il peut revenir. A force d’abnégation, de souffrances et de courage, Juanito réussit son pari et signe son retour dans la modeste équipe de Burgos. Il enchaîne les matchs et les bonnes prestations avec son numéro fétiche : le 7. Pratiquant un football alternatif mêlant puissance, technique et roublardise, Juanito fut l’un des joueurs les plus aimés et les plus destestés du championnat. Ne laissant personne indifférent, il pouvait alterner actions majestueuses et coups de sang incompréhensibles. Forgé dans la douleur, son jeu était à l’image du parcours de l’homme. Ouvrier infatigable du terrain, il savait placer des coups de patte magiques qui intéressèrent rapidement le Real Madrid.

Seuls les idiots ne changent pas d’avis. Et Juanito ne l’était pas. Dans les années 70, le Real Madrid est le couronnement d’une carrière et la porte ouverte à la sélection. Il oublie sa rancœur passée envers la Maison Blanche et signe pour 50 millions de pesetas (300.000 euros). Une somme astronomique à l’époque. Ce transfert lui permet d’être convoqué par Kubala, alors sélectionneur espagnol, pour disputer à Belgrade un match capital dans l’optique d’une qualification pour le mondial argentin (1978). En pleine rencontre, il reçoit une bouteille en verre sur la ganache mais finit quand même le match avec pour consolation le billet pour la phase finale en Argentine.

Coincé entre la génération de la ‘furia’ et celle du ‘toque’, les opinions sur Juanito divergeaient considérablement, et ce même au sein même du Real, club dans lequel il resta plus de dix ans. Accrocheur et capable de tacles odieux, chacun lui reconnaissait en outre des qualités de technicien extraordinaires. Un Hristo Stoichkov en blanc.
Racé, spontané et éliminateur infatigable de défenseurs, Juanito divisait les puristes. Les plus conservateurs lui reprochaient de trop mouiller le maillot, oubliant parfois d’y mettre la forme. Le Real devait donner une image pure qui contrastait sérieusement avec le visage marqué par l’effort d’après-match du numéro 7. La légende de Juanito réside néanmoins dans son esprit de lutte infatigable. Une conviction sans limites qui forçat le respect de ses partenaires comme de ses adversaires. Leader emblématique et indiscutable sur et en dehors du terrain, Juanito fut le principal artificier des grandes remontées madrilènes en Coupe d’Europe. Le Celtic, le Borussia, l’Inter et Anderlecht furent ainsi les victimes consécutives de la ‘grinta merengue’. Une époque désormais bien révolue…

Cette rage de vaincre et de convaincre lui joua pourtant des mauvais tours. En 1978, l’ailier est expulsé après avoir frappé le juge de touche au cours d’un match contre le Grasshoppers Zurich. Un coup de sang qui lui vaut d’être exclu de toute compétition européenne pour une durée de deux ans. La même année, pendant un match contre la Yougoslavie, il fait un doigt d’honneur au public local qui le remerciera en explosant de nouveau une bouteille sur sa grosse tête de mule. « Par mon geste j’ai exprimé toute la rage que j’avais en moi. J’ai mal agi mais heureusement c’est sur moi que la bouteille est tombée. Je suis heureux qu’il n’y ait pas eu d’autres victimes » . Dix ans plus tard, toujours en coupe d’Europe, il écrase la tete du munichois Lothar Matthaus. Ce fut son adieu à l’Europe. Révolté sur le terrain, il avouera plus tard avoir amèrement regretté ce geste : « Ce que j’ai fait les enfants, il ne faut jamais le refaire. C’est indigne d’un joueur de football » .
En se calmant le joueur perdit sa hargne, l’élément fondamental de son jeu. Il finit dans plusieurs clubs de seconde zone espagnole pour retourner enfin dans sa ville natale où il passa les concours pour devenir, un jour, entraîneur du Real Madrid. Pourtant cette fois-ci, la volonté n’y put rien, un accident de la route emporta à jamais le joueur-tempête, balayant avec lui une époque où la sueur et le sang étaient aussi importants que le bagage technique. Qu’il gagne ou qu’il perde le Real aura rendu hommage à l’un de ses plus fidèles soldats. Effacé par les innombrables joueurs de talent passés par les rangs madrilènes, Juanito reste tout de même l’un des garants de l’identité merengue, malheureusement défigurée par les hordes de mercenaires qui l’ont succédé. Un chant à sa gloire parcourt toujours les travées de l’antre madrilène à la septième minute des matchs : « Illa, illa, illa, Juanito Maravilla (émerveille) » . Un honneur que ni l’immense Di Stefano ni aucun des joueurs actuels de l’équipe ne peuvent se vanter d’avoir obtenu. « Apprenti de tous et maître de personne » comme il se définissait lui même, le match contre Saragosse est une piqûre de rappel pour des stars souvent frileuses et rarement humbles.

Les règles de Juanito pour les grandes remontées. Ecrites par le joueur en personne.

1.-Dans l’autocar du retour il faut déjà parler d’écraser l’adversaire au retour.

2.- Pendant la semaine écrire que l’exploit est possible.

3.- Intimider l’adversaire dans le tunnel à travers des regards pénétrants et des gestes provocateurs.

4.- Dans le toss avec l’arbitre il faut toujours demander le ballon. L’adversaire ne doit pas toucher la balle même au départ.

5.- La première action du match doit toujours se finir dans la ligne de but ou arracher des encouragements au public.

6.- Il faut toujours faire la première faute du match. Si elle est dure et qu’elle intimide l’adversaire c’est beaucoup mieux.

7.- Il faut tirer aux buts en premier. Peu importe que la frappe aille dehors si elle fait du bruit contre les panneaux publicitaires.

8.- Ecourter la mi-temps et revenir sur le terrain avant que l’arbitre ne nous le demande est essentiel. Même à la pause il faut presser l’adversaire.

9.- Il faut tracer une ligne imaginaire et essayer que le rival ne la franchisse pas.

10.- Courir comme si nos vies en dépendaient et contagier le public de notre effort.

JPS

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