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Juan Branco : « Le PSG n’était pas soumis aux exigences du fair-play financier »

Par Adel Bentaha
7 minutes
Juan Branco : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Le PSG n’était pas soumis aux exigences du fair-play financier<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

En déposant plainte contre le Paris Saint-Germain et Manchester City, LaLiga et son leader Javier Tebas se sont engagés à « nettoyer » un système financier déloyal. Une affaire longue et fastidieuse, que Juan Branco, avocat des plaignants, se charge d'expliquer.

Quand vous êtes-vous décidé à plaider dans des affaires de l’ordre de l’économie et du sport ?J’avais été sollicité l’an dernier par les socios du FC Barcelone, dans le cadre du transfert de Lionel Messi au Paris Saint-Germain. Nous avons continué à échanger et avons continué à défendre l’intérêt des socios. Ce sont des procédures encore en cours, qui ne sont pas achevées. Et en attendant, nous avons préparé des recours, prêts à être déposés, afin de demander une harmonisation des règlements, à échelle européenne, notamment pour ce qui concerne le fair-play financier.

Les clubs espagnols sont soumis à des contrôles financiers très réglementés et très sévères. En France, il y a une volonté de ne pas mettre ces contrôles en place, une sorte d’attentisme politiquement motivé.

L’arrivée de Lionel Messi à Paris relevait donc d’une concurrence déloyale ?L’idée était de démontrer la distorsion règlementaire existante entre la France et l’Espagne. Les clubs espagnols sont soumis à des contrôles financiers très réglementés et très sévères. En France, il y a une volonté de ne pas mettre ces contrôles en place, une sorte d’attentisme politiquement motivé. L’objectif, c’est de permettre au Paris Saint-Germain de bâtir une grosse équipe, au niveau européen, et donc, par ricochet, de participer à l’essor du Qatar. Notamment dans la perspective de la Coupe du monde. Tout cela crée donc des inégalités au sein de l’Union européenne, et une forme de discrimination du fait de la nationalité des clubs, puisque nous sommes, normalement, censés être dans un marché unique. Le fait que le FC Barcelone n’ait pas pu prolonger Lionel Messi n’est donc pas simplement dû à son réservoir économique, mais en grande partie à ces problématiques règlementaires.

Et qu’en est-il du bilan économique du PSG ? En particulier au niveau du fair-play financier ?Le PSG n’était pas soumis à de grosses exigences au niveau du fair-play financier, alors qu’il présentait des ratios encore moins bons que ceux du Barça (en 2020, le ratio entre les salaires et les revenus du PSG s’élevait à 99 %, quand celui du FC Barcelone atteignait 54%, avec une différence ayant augmenté entre-temps, précisait l’avocat dans un communiqué publié en août dernier, NDLR). En toute logique, dans le droit de l’Union européenne, cela n’est pas possible. La concurrence entre entreprises doit être égale, nous nous sommes donc lancés là-dedans, notamment car le FC Barcelone est un club associatif. Évidemment, il ne faut pas être « naïf » pour comprendre qu’il s’agit également d’une grosse entreprise, mais le fait de voir ce système de socios être menacé par l’émergence de clubs étatiques nous a motivés à nous engager dans ce processus.

Vous pensez ainsi avoir suffisamment de poids ou d’éléments pour avoir gain de cause ?Nous avons beaucoup d’expérience dans le domaine des affaires internationales. À commencer par l’affaire « Wikileaks » ou sur la politique migratoire européenne, que l’on avait qualifiée de « crime contre l’humanité » , en déposant un dossier à la Cour pénale internationale. Nous avons donc une expérience concernant ces affaires complexes, impliquant le droit de plusieurs pays, tout aussi bien que l’écosystème footballistique. À la différence de beaucoup, nous sommes entrés dans ce monde afin de défendre des gens qui n’ont pas d’argent, qui sont simplement socios. Des gens qui avaient peur de voir leurs peñas disparaître, inquiets pour leur clubs. Au départ, nous étions donc loin des systèmes institutionnels, malgré les échanges que l’on a pu avoir avec Joan Laporta ou Javier Tebas. Le but désormais, c’est de continuer sur cette ligne. C’est-à-dire de ne pas trahir les gens que nous représentions au début, de ne pas oublier d’où l’on vient. Il faut garder à l’esprit que tout cela affecte avant tout les supporters. Que ce soit en matière d’inflation parce que les droits TV explosent, en matière de marketing parce qu’acheter un maillot de football est devenu quasi impossible.

L’argent du Qatar, c’est celui du gaz, donc par distance, c’est l’argent de nos factures d’électricité.

Ces affaires, complexes en apparence, partent finalement de tout en bas.Tout cela est le fruit de cet interventionnisme, que l’on finit tous par payer. L’argent du Qatar, c’est celui du gaz, donc par distance, c’est l’argent de nos factures d’électricité. Pour l’affaire actuelle, il y aura donc plusieurs points avec du civil, du pénal, du droit de l’Union européenne. On souhaite donc vraiment sortir l’ « arme lourde » , parce que ça fait plusieurs années qu’ils violent le droit. Quand vous avez des règles qui sont établies et que certains s’assoient dessus, parce qu’ils ont des méthodes qui leur permettent de le faire ou des soutiens politiques les y autorisant, cela crée des iniquités qui sont insupportables. Et ce n’est pas lié au PSG en tant que tel, car Paris n’est pas le seul. C’est lié à tout ce système laxiste.

Votre dossier sera suffisamment solide ?On a compris que pour réussir ce genre d’affaire, il fallait préparer des dossiers similaires et parallèles dans plusieurs autres domaines. C’est donc pour cela que ce processus ne concernera pas seulement le fair-play financier. Pour ce qui est de cette thématique, LaLiga a effectivement déposé une plainte, l’UEFA a également déclaré vouloir vérifier les comptes des clubs concernés (comme l’annonceL’Équipe, l’Instance de contrôle financier des clubs (ICFC) a effectivement sondé le PSG quelques semaines auparavant. L’organisme souhaitait ainsi vérifier le bilan économique présenté par le club, qui avait perdu 224 millions d’euros lors de la saison 2020-2021 selon la DNCG, NDLR), et nous, nous appuierons dessus. À vrai dire, nous souhaitons aller au-delà de l’UEFA, pour toucher également la Commission européenne.

Dans le budget du PSG, il y a à peine deux ans, 60 millions d’euros partaient en commissions d’agents, pour seulement quelques transferts.

Pourtant, rien n’empêche les dirigeants du PSG ou de Manchester City de pointer du doigt le Real Madrid, Liverpool et consort pour leur gestion tout aussi ambigüe.Non, il s’agit de fonctionnements différents. C’est vrai qu’il y a une généralisation de ces pratiques, avec de plus en plus de clubs dirigés par des oligarques ou des États. Il y a les Saoudiens à Newcastle, les fonds d’investissements étrangers en Italie ou même les Américains qui ont presque mis Nancy en faillite. Donc l’idée, ce n’est pas de cibler uniquement le Paris Saint-Germain, mais de remettre à plat tout un système qui est en train de foncer dans le mur. Dans le budget du PSG, il y a à peine deux ans, 60 millions d’euros partaient en commissions d’agents, pour seulement quelques transferts. Et cet exemple n’évoque que les chiffres officiels. Pour ce qui est des transactions officieuses, on entre dans une dimension délirante. Donc il faut faire revenir ces gens à la réalité, car là, ça échappe au commun des mortels.

Vous n’avez pas peur de vous heurter à un mur dépassant le simple cadre du droit économique ?Nous sommes résolument optimistes, car nous disposons d’éléments de droit nouveaux. Évidemment, le rapport de force est inégal, car nous faisons face à des institutions protégées économiquement et politiquement, mais c’est justement là que nous voulons tester les organismes que nous allons solliciter. Pour voir s’il sont capables de se détacher des réseaux d’influence qu’ils ont construits depuis près de quinze ans pour couvrir leurs abus.

Quelle serait la finalité de cette procédure ?La finalité, ce sera de créer un précédent pour les prochaines années. De fonder un nouveau système, voire d’étendre ce qui se fait déjà en Espagne. Avec des contrôles viables, qui ont permis d’assainir le football local. Malgré les difficultés rencontrées, par exemple par le FC Barcelone, on peut voir qu’en Espagne, il y a une nette amélioration de la situation par rapport à ce qu’il y avait ne serait-ce que dans les années 2010. Après, bien sûr que cela ne règlera pas tout, puisqu’on parle de « football-business » . Mais au moins sur l’aspect de l’équilibre financier, cela imposera la mise en place de critères stricts à l’avenir.

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