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Ikechukwu Ezenwa : « Je vous aime énormément »

Propos recueillis par Christophe Gleizes
9 minutes
Ikechukwu Ezenwa : « Je vous aime énormément »

Gardien du Nigeria, Ikechukwu Ezenwa nous présente son parcours, ses rêves et la rutilante sélection des Super Eagles qui pourrait bien créer la surprise ce soir face à la Croatie.

Quel est ton plus beau souvenir lié à la Coupe du monde ? Je pense forcément au match contre l’Espagne, lors de la Coupe du monde 1998. C’est l’une des plus belles rencontres que j’ai jamais vues. On a remonté le score face à l’une des meilleures équipes d’Europe pour finalement remporter le match 3-2 sur une frappe incroyable de Sunday Oliseh. C’était un moment vraiment spécial pour moi quand j’étais enfant.


Quel est ton état d’esprit à l’aube de cette Coupe du monde ? Je suis heureux, tout simplement. La Coupe du monde, c’est un rêve éveillé pour tous les joueurs de football. C’est une occasion unique de faire étalage de ton talent et de représenter ton pays aux yeux du monde entier.

Quel bilan dresses-tu des matchs de préparation que vous avez disputés contre la République démocratique du Congo (1-1), l’Angleterre (1-2) et la Tchéquie (0-1) ? Je ne suis pas inquiet. On est en train de régler certains détails et de mettre les choses en place. C’est le but des matchs amicaux. Toutes les équipes en organisent pour voir les défauts et les corriger en temps voulu. Il y a encore quelques aspects à améliorer, mais on y travaille pour être au top avant le premier match contre la Croatie, qui sera déterminant pour la suite de la compétition.

La presse nationale t’annonçait titulaire pour la compétition, mais tu n’as participé à aucun des matchs amicaux. Tu sembles avoir rétrogradé dans la hiérarchie…

Si le coach opte pour une autre personne, je souhaiterai quand même le meilleur à mon coéquipier et je continuerai à faire mon travail.

C’était pour moi une déception, mais je continue de faire le maximum à l’entraînement pour être titulaire. J’ai joué pendant les qualifications pour la Coupe du monde, et le coach était satisfait de mes performances, donc rien n’est perdu. Visiblement, le coach a des doutes quant à ce poste. Il a choisi de donner l’occasion aux autres gardiens de se montrer aussi. Si jamais il me choisit pendant la compétition, je répondrai présent. S’il opte pour une autre personne, je souhaiterai quand même le meilleur à mon coéquipier et je continuerai à faire mon travail, prêt à saisir la moindre opportunité.

Que penses-tu de Francis Uzoho, qui semble bien parti pour être le numéro 1 ? Francis est mon jeune frère, on vient du même endroit au Nigeria. En tant qu’aîné, je me dois de lui fournir les conseils dont il a besoin pour continuer à être au top. J’essaie de l’encourager pour qu’il comprenne ce qu’on attend de lui. Bref, je lui souhaite le meilleur et je fais tout pour qu’il soit dans les bonnes dispositions. Je sais que quand ce sera à mon tour de jouer, je bénéficierai du même traitement.

Le Nigeria connaît une grande instabilité au poste de gardien de but depuis le retrait de Karl Ikeme, l’ancien titulaire, touché par la leucémie… Quand j’ai appris la maladie de Karl, j’étais très triste, car c’était un coéquipier très aimé et très respecté dans le groupe. On s’est toujours bien entendus. C’est quelqu’un qui a fait énormément pour le Nigeria. Je lui adresse toutes mes prières et j’espère qu’il sera bientôt guéri. J’aurais aimé qu’il goûte à cette Coupe du monde avec nous, mais je ne suis pas Dieu. God knows better. Je lui souhaite le meilleur et je continue à prier pour lui.

Comment l’équipe réagit-elle à son absence ?

Karl a dû s’écarter momentanément de l’équipe, mais dans l’esprit, il est avec nous.

On serre les rangs. Pendant les qualifications, avant le match contre la Zambie, on s’est regroupés tous ensemble dans les vestiaires et on s’est dit : « On va jouer ce match pour Karl Ikeme. » Tout le monde a enfilé un T-shirt où était marqué : « We want you back on your feet. » La Coupe du monde qui arrive, nous allons aussi la jouer pour lui, car il faisait partie de la famille. (Très ému.) C’est la vie. On affronte des obstacles. Karl a dû s’écarter momentanément de l’équipe, mais dans l’esprit, il est avec nous. Avant notre match contre l’Angleterre, il nous a envoyé un message pour nous encourager.

Qu’as-tu pensé de cette équipe anglaise, qui semble prometteuse ? C’est une équipe qui va très vite, avec beaucoup de jeunes joueurs généreux dans l’effort. Tactiquement, ils sont forts, techniquement ils sont au point. Personnellement, je les vois aller loin dans cette Coupe du monde, car ils n’ont pas autant de pression que d’autres favoris. Ils construisent pour le futur.

Au Nigeria, au contraire, l’attente populaire est vraiment incroyable. La Fédération a fixé les demi-finales comme objectif. Personnellement, tu as récemment déclaré dans la presse viser la finale. N’est-ce pas un peu exagéré ? Non. Nous sommes un grand pays de 180 millions d’habitants et nous ne visons rien d’autre que le meilleur. Au Nigeria, nous n’aimons rien qui soit en rapport avec la défaite. Si on arrive à remplir nos objectifs, la célébration sera incroyable au pays.


Quelle est la force principale des Super Eagles cette année ? Je ne veux pas répondre. Autre question. (Rires.)

La fougue de la jeunesse ? Pour l’instant, nous avons un effectif assez jeune, c’est vrai. 90% de l’équipe va participer à sa première Coupe du monde, mais on n’a pas peur. Les autres équipes nous considèrent probablement comme des outsiders, mais cela ne m’inquiète pas. On va compenser l’inexpérience de certains par la solidarité qui règne dans l’équipe. Il ne faut pas non plus oublier qu’on a des joueurs comme Mikel, Onazi, Musa et Echiejile qui sont capables de transmettre leur sérénité et leur confiance au groupe.

Tant mieux car votre groupe semble compliqué…

Le premier match est toujours primordial dans une compétition. Si on le remporte, la pression va baisser.

C’est un groupe très relevé. Honnêtement. Le plus important pour nous, c’est de remporter notre premier match contre la Croatie. Le premier match est toujours primordial dans une compétition. Si on le remporte, la pression va baisser. La Croatie est une bonne équipe, l’Islande aussi, ils ont éliminé l’Angleterre au dernier Euro, je m’en souviens. L’Argentine, ils sont aussi très bons évidemment. Nous les avons joués à Krasnodar en novembre dernier et on a gagné 4-2. Même si Messi ne jouait pas, je pense que ça va trotter dans leur tête au moment de nous affronter.

Gernot Rohr est arrivé il y a deux ans au Nigeria, alors que la sélection était au plus bas. Quel rôle a-t-il joué dans votre renaissance ? Il est comme un père pour nous. Il a amené beaucoup de joie dans l’équipe. Il veut le meilleur pour nous et il insiste beaucoup sur la solidarité dans l’équipe. Il s’intéresse à tous les joueurs, mais il demande à chacun d’être concerné et de donner 100% en retour. Il nous a vraiment beaucoup aidés. Il a insufflé un bel état d’esprit et ça s’est vu durant les qualifications, où on a été le premier pays qualifié pour la Coupe du monde.

En effet, votre campagne de qualification a été absolument remarquable… Les gens nous voyaient déjà condamnés dans ce groupe de la mort. Les Camerounais étaient champions d’Afrique en titre, les Zambiens avaient gagné il y a trois ans, l’Algérie faisait partie du top 3 virtuel des équipes du continent… Au pays, peu de gens pensaient qu’on y arriverait, mais on a toujours cru en notre potentiel. On sait ce qu’on vaut, on sait ce qu’on peut faire. On a fait preuve de solidarité et d’amour les uns pour les autres, et on a triomphé. En ce qui me concerne, le match que je ne pourrai jamais oublier, ça a été celui contre le Cameroun. À l’époque, les médias et les réseaux sociaux du monde entier étaient en train de gloser sur notre pénurie au poste de gardien de but. J’ai eu l’opportunité de montrer mon talent contre le Cameroun et j’ai fait un très bon match.


Tu as passé la majeure partie de ta carrière au Nigeria, où le football est un sport d’État, avec des clubs gérés par des membres du gouvernement…

J’ai hâte de venir jouer en France. J’adore votre pays, car j’ai vu beaucoup de bons gardiens comme Enyeama jouer dans votre championnat. Je suis sûr que je serai heureux chez vous.

Cela fait douze ans maintenant que j’évolue dans la Nigerian Premier League. À défaut d’avoir l’opportunité de jouer en Europe, j’ai toujours pris les défis qui m’étaient présentés en Afrique au sérieux. Je suis fier, car j’ai gagné le championnat, la FA Cup. J’ai aussi joué une finale de Ligue des champions contre le TP Mazembe avec mon ancien club, le Heartland FC… Récemment, j’ai signé dans le club d’Enyimba en tant que free-agent. Mais je compte partir prochainement, je les ai prévenus, ils sont au courant. Ma prochaine étape, c’est l’Europe. C’est mon souhait, ma prière. J’ai hâte de venir jouer en France. J’adore votre pays, car j’ai vu beaucoup de bons gardiens comme Enyeama jouer dans votre championnat. Je suis sûr que je serai heureux chez vous, si on me donne l’occasion de montrer mon talent pendant la Coupe du monde.

Une dernière chose à dire ? Je veux faire passer un message à tous mes amis et mes fans dans le monde entier qui liront cette interview : je vous aime énormément. Je veux vraiment vous remercier pour vos encouragements et pour vos prières qui m’accompagnent constamment depuis le début de ma carrière, ainsi que pour votre attention et votre soutien quand j’ai été blessé. Me sentir porté m’a permis de récupérer plus vite et d’être aujourd’hui prêt à tout donner pour faire briller le Nigeria. Je veux aussi remercier mon coach pour m’avoir fait jouer pendant les qualifications et m’avoir fait connaître aux yeux du grand public. Enfin, je souhaite remercier Dieu pour tout ce qu’il a fait pour moi.


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