Gourcuff, le nouveau druide
Lorient peut remercier Grosso. Deux erreurs individuelles, deux buts, et les champions de France cèdent les feux de la rampe à Lorient et à son technicien, Christian Gourcuff, un type plein de contradictions, qui aime la rigueur et la folie, et surtout qui aime le foot.
Évidemment, le championnat marche un peu sur la tête. Nancy, Le Mans, et… Lorient, qui vient quand même de plier Monaco, le PSG et Lyon. Plus petit budget de Ligue 1, mais un truc en plus.
Un peu comme dans Astérix, le petit village d’irréductibles gaulois n’a pas de potion magique, mais un druide Christian Gourcuff, dix-sept ans de maison.
Il aime le jeu collectif, le placement au mètre près. Donc, la discipline, la rigueur. Question iconoclaste : Christian Gourcuff est-il le fossoyeur de la fantaisie, de l’exploit individuel, du dribble de trop qui se termine en but de l’année ? À première vue, peut-être.
Un type réputé apôtre du beau jeu et dont l’équipe finit le championnat 19e attaque de L1, 6e défense, forcément, il y a un problème. À longueur d’interviews, Gourcuff répète les mêmes mots, humilité, travail, collectif. On voit le genre.
Christian Gourcuff est renommé pour ses entraînements. Ludiques, mais surtout instructifs. Du travail d’orfèvre, histoire d’organiser son équipe au mètre près. « On ne pratique pas le 4-4-2 à Lorient comme ailleurs. Nous avons des références très spécifiques, qui permettent d’avoir une unité d’analyse et de réaction au sein du collectif » .
Dans une autre vie, Christian Gourcuff a été prof de maths. Et ça se voit. La géométrie, les lignes, les joueurs, les points. Gourcuff aime Sacchi, un type « qui a révolutionné le Calcio » . Avant, les Italiens gagnaient 1-0. Après aussi, mais mieux.
En décembre 2005, il avait d’ailleurs décortiqué le système du maestro italien pour So Foot : « Chaque joueur doit connaître son placement et celui de ses partenaires. Il faut donc une unité de pensée et d’action, donc une culture commune très poussée, comme au Brésil ou au FC Nantes » . Oui, mais voilà, quand d’autres parlent de discipline, Gourcuff parle de culture. Et c’est là que Gourcuff est différent de Ricardo. Il parle plaisir, émotion.
À première vue, on pourrait penser qu’il a préféré de loin le deuxième but face à Lyon (les trois quarts de l’équipe qui jouent le ballon à une touche de balle), plutôt que le premier (papinade de Vahirua). En fait non. « Le collectif et l’individuel ne sont pas du tout en opposition. C’est le collectif qui permet la réalisation d’un geste de grande classe comme la volée de Vahirua. Le collectif met en valeur l’individu. Le collectif donne du plaisir » .
À part Sacchi, l’autre source d’inspiration de Gourcuff, le Brésil de Pelé et Rivelino. Des types capables de soulever un stade d’une passe, d’une feinte. « De la coordination, de la technique, c’était magnifique » .
Les profs de maths ne parlent pas souvent de plaisir. Gourcuff est pire. Il parle aussi d’émotion. Le deuxième but : « Une jouissance » . Les mouvements collectifs : « On a des sensations d’harmonie. C’est agréable de partager cela avec le public » .
Avec Gourcuff, le foot, c’est simple comme un tableau noir : « Le foot, c‘est des émotions, des sensations » . Ils devaient être sympas les cours de maths de Christian Gourcuff…
Jean-Pierre Laffente
Par
