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Gelson Martins, la grosse commission
Coupable d'avoir bousculé l'arbitre Mikaël Lesage à Nîmes le week-end dernier, Gelson Martins devrait logiquement écoper d'une lourde sanction par la commission de discipline, qui devrait dans un premier temps le suspendre à titre conservatoire. Reste à savoir où placer le curseur pour ne pas non plus en faire un bouc émissaire.
Mardi, Gelson Martins a assisté à la triste victoire des siens contre Angers, au stade Louis-II, esseulé en tribunes avec sa famille, trois jours après avoir vu basculer sa saison sur la pelouse du Stade des Costières de Nîmes. Seul, il l’a sans doute aussi un peu été face à l’étau médiatique qui l’a cerné depuis son coup de sang. Pas franchement défendu par son directeur général Oleg Petrov – ce qui aurait sans doute été une mauvaise tactique vis-à-vis de la commission de discipline –, l’ancien Madrilène a dû faire face à un flot de déclarations intransigeantes, émanant de toute part. Dimanche, c’est d’abord le Syndicat des arbitres du football d’élite, dans son rôle, qui n’a pas manqué d’accabler l’ailier monégasque dans un communiqué appelant à « la plus grande fermeté » pour sanctionner un geste « honteux, intolérable, insupportable, indéfendable, inadmissible » – rayez les mentions inutiles. Mercredi, c’est l’irréprochable Noël Le Graët qui s’est fendu d’un communiqué pour appeler à réprimer fermement toutes les atteintes aux arbitres « selon les barèmes disciplinaires et par des actions judiciaires aux côtés des victimes pour les cas les plus graves » . Comprendre : Gelson Martins est devenu à lui seul un symbole de la violence à l’encontre des arbitres et doit faire office d’exemple en prenant le maximum, soit huit mois de suspension.
Casier vierge
Entre-temps, l’international portugais a tenté de sauver ce qui pouvait l’être sur les réseaux sociaux. « Ceux qui me connaissent savent qu’au long de ma carrière, j’ai toujours eu pour principe le respect pour tout le monde : collègues, adversaires, supporters et arbitres, sur le terrain et en dehors. Je ne suis pas agressif, je ne l’ai jamais été avec personne. Aujourd’hui, après réflexion, j’estime que je dois m’excuser pour mon attitude irréfléchie et avec le sang chaud. Je m’excuse en particulier auprès de l’arbitre Mikaël Lesage, mais aussi auprès de mes collègues et de nos supporters. » Un discours de circonstance certes, mais que ne contredisent pas les faits : la poussette de dépit qui lui a valu son carton rouge et surtout la poussette de rage qui lui coûtera peut-être sa saison sont les seuls véritables écarts du parcours de l’ancien Lisboète. Aux Costières, Gelson Martins a pris le premier carton rouge direct d’une carrière déjà riche de plus de 250 matchs. C’est une réalité dont il faut tirer deux enseignements simples : il n’est pas un joueur qui nuit habituellement par son comportement au football, et s’il lui a nui de manière spectaculaire le week-end dernier, il faut, sinon y trouver des justifications, au moins y chercher des causes ou des explications.
L’homme et la machine
La perte de sang-froid de Gelson Martins résulte d’une paire de minutes folle à laquelle il est délicat de ne pas lier une aberration statistique qui pèse sur les nerfs des joueurs monégasques depuis de nombreux mois. Une aberration statistique résumée et expulsée verbalement par un Ben Yedder hors de lui dans les couloirs menant aux vestiaires du stade des Costières : « Il y en a marre, on se fait toujours baiser ! » Le club de la Principauté est celui qui souffre le plus de l’instauration de la VAR, dans des proportions telles (16 changements de décisions défavorables depuis la saison dernière, seulement 4 favorables et, surtout, de nombreuses impasses sur des recours qui auraient été légitimes) qu’elles suscitent beaucoup de questions sur le Rocher. Des questions auxquelles les dirigeants monégasques ont tardé à répondre, oubliant peut-être qu’il faut parfois draguer ou menacer la justice pour l’obtenir, et laissant courir le risque de voir un de leurs joueurs la secouer. Oui, Gelson Martins a commis un acte grave. On ne touche pas à un arbitre. Mais il a avant tout agi en humain qui ne comprend plus la machine incarnée par un autre humain. Au-delà de la comparaison parfois bancale du rapport qu’entretiennent d’autres sports – où la place laissée à l’interprétation étant souvent réduite, la contestation l’est aussi – avec l’arbitrage, il y a sans doute une réflexion à mener autour de la culture néfaste de la contestation systématique sur les terrains de football. Car c’est elle qui ouvre la porte à ce genre de dérapages. Il y a peut-être également une réflexion à mener sur cette propension qu’ont certains arbitres à tendre eux-mêmes les matchs. Mais ouvre-t-on ce genre de débats en privant un footballeur d’exercer son métier pendant six ou huit mois ?
Par Chris Diamantaire