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Foot corpo : l'épopée du FC Bongard

Par Baptiste Brenot

Ce week-end au Havre se déroule, à l'occasion la finale de la Coupe nationale corporative, le centenaire du football entreprise. L'occasion de revenir sur le FC Bongard, une des équipes les plus marquantes de l'histoire du foot corpo.

L'effectif du FC Bongard en 1968.
L'effectif du FC Bongard en 1968.

Du haut de ses 82 ans, Jacques s’en souvient comme si c’était hier. Les trois Coupes de France en quatre ans, le groupe de copains emmené par un coach iconique, un des plus grands joueurs du football français de son temps. La ferveur populaire dans leur ville de Holtzheim, près de Strasbourg. Une domination sans partage sur le football en entreprise local, les déplacements victorieux à Paris devant plus de 1500 spectateurs, les articles dans L’Équipe et France Football, devenus de précieuses reliques, méticuleusement conservées. Tout cela constitue le patrimoine mémoriel d’une des plus grandes équipes que le foot corpo ait connu : le FC Bongard.

Un mercato et Paco Mateo

Au début des années 1960, le succès de son entreprise de fours à pain, qui passe d’une dizaine à une centaine d’employés, permet à Oscar Bongard de réaliser son rêve de gosse de monter une équipe de haut niveau. À l’amorce de la saison 1961-1962, il s’offre le luxe d’aller faire son mercato auprès du RC Strasbourg, qui joue alors les premiers rôles en Première Division, et chez les Pierrots-Vaubans, meilleur club amateur de la région. « Le foot professionnel n’offrait pas les mêmes perspectives à l’époque », replace Jacques Fuchs, un temps remplaçant du gardien international François Remetter. Ses rêves professionnels stoppés net par le service militaire et la guerre d’Algérie, il rejoint les Pierrots à son retour à la vie civile. « Monsieur Bongard est venu voir mes parents, et j’ai été embauché comme expert comptable. D’autres bons joueurs de la région ont été recrutés de la même manière. »

Après des sorties de route prématurées en Coupe, la mayonnaise commence à prendre, mais l’effectif est encore trop juste, comme le constate France Football lors de la défaite face au tenant du titre du Francia Rouen en mars 1964. Les onze joueurs alsaciens se sont heurtés au « bloc » rouennais, malgré « un huitième de finale au niveau digne d’une finale ». C’est alors que Monsieur Bongard réalise un nouveau coup de maître sur le marché des transferts, recrutant comme entraîneur le grand Paco Mateo. Tous connaissent le pedigree du nouveau venu. Grand espoir du football espagnol (54 buts en 13 rencontres avec le FC Barcelone en 1938), l’avant-centre a vu sa carrière entravée par la guerre d’Espagne. Envoyé dans un camp de prisonniers alors qu’il fuit la dictature franquiste, il en sort grâce à un transfert aux Girondins de Bordeaux pour participer aux championnats tronqués de l’Occupation : il remporte néanmoins la Coupe de France 1941 avant de rejoindre en 1945 le RC Strasbourg. Il finit sa carrière en Alsace, avant de devenir coach. Il s’engage chez les Pierrots en 1962, puis en parallèle chez Bongard en 1964, où il est bombardé chauffeur livreur. « C’était un super entraîneur, il animait l’équipe par ses blagues. Et il assurait une bonne ambiance, ce qui nous a permis d’évoluer à ce niveau », lui rend hommage Jacques Fuchs.

Vacances aux Baléares

Dès sa deuxième saison au club, les Alsaciens sont sacrés en finale face au FC Tunzini à Saint-Ouen. Porté en triomphe par ses employés, Oscar Bongard invite toute l’équipe, familles incluses, huit jours aux Baléares, baptême de l’air en prime ! Les joueurs sont aussi parfois invités à venir se rafraîchir dans sa piscine privée en fin de journée. Deux ans après, bis repetita : après avoir déposé les mêmes Parisiens de Tunzini en finale, cette fois au stade Marcel-Cerdan de Malakoff, la troupe rembarque pour les Baléares. La ferveur autour de l’équipe est telle que certains matchs attirent parfois plus de 1000 spectateurs. Les employés de la maison se passionnent pour leur équipe, à tel point que leur patron finit par leur interdire de poser des congés les jours de matchs pour ne pas perturber la chaîne de production. « Alors on se relayait : “Bon, tu prends ma place au poste, moi je vais au foot, la semaine prochaine tu iras toi.” Et puis certains étaient plus passionnés que d’autres. »

Le dernier succès de la bande de copains intervient en 1969. Le groupe est déjà quelque peu affaibli par le départ de certains joueurs qui privilégient alors les Pierrots-Vauban, sacrés champions de France cette année-là. Le FC Bongard est cette fois opposé aux Toulousains du FC Buzzichelli, grand favori avec ses cinq joueurs passés par le groupe professionnel au Téfécé. Habitués à faire le déplacement en nombre, les Alsaciens n’affrètent cette fois pas de bus pour faire le voyage. Monsieur Bongard reste même chez lui, bien qu’habitué des déplacements lors des précédentes finales. Peu optimiste, il parie même une prime pour payer les vacances de chacun en cas de victoire. Lilian Buzzichelli, le patron adverse, sûr de triompher, affrète un avion pour ses joueurs et supporters. Finalement, Bongard ouvre le score, et emmène les Toulousains en prolongation. Jacques Fuchs, qui avait encore le bras dans le plâtre juste avant la rencontre, dégoûte les attaquants adverses. Les tenants du titre marquent au début de la prolongation, puis tuent le match avant le coup de sifflet final. Pas de temps à perdre pour Jacques, qui appelle son patron depuis le vestiaire pour lui annoncer la nouvelle : il va bien devoir payer de nouvelles vacances à ses protégés !

Ces victoires assurent une heureuse publicité pour l’entreprise. « Dans toute la France, on était connus grâce au foot. La plupart des boulangers étaient des amateurs, et avec les résultats qu’on avait, il était facile pour les vendeurs de commencer en discutant de foot. Même quand on allait à Marseille vendre nos fours, on nous parlait avant tout de nos performances« , se félicite encore l’ancien gardien de la sélection nationale de football corporatif. Mais à la fin de la saison 1968-1969, la Fédération française annonce la fin de la double licence, qui permettait aux joueurs de porter le maillot de Bongard le samedi, et celui des Pierrots le dimanche. Beaucoup poursuivent avec les seconds, qui enchaînent deux titres de champion de France amateur, le troisième niveau national, avant que les Pierrots ne fusionnent un temps avec le Racing Club de Strasbourg.

La fin d’une époque pour le FC Bongard, dont se souvient la bande de copains qui a gardé l’habitude de se retrouver chaque année pour célébrer la mémoire de cette période dorée. Le souvenir d’une époque porté par une institution bien vivante, puisque l’Union nationale du football en entreprise fêtera le centenaire du foot corpo ce week-end du 24 et 25 juin au stade de la Cavée verte au Havre. Samedi, lors de la finale de la Coupe nationale du football en entreprise, l’AS Orange est venue à bout de l’ASTCAR (2-0), avant un match de gala caritatif en hommage à Christophe Revault au profit de l’association Étoile filante, entre une sélection de personnalités (Jérôme Le Banner, Mehdi Larbi, Hugues Dubosc…) et des anciens du HAC (Florent Sinama-Pongolle, Vikash Dhorasoo ou encore l’ancien Parisien Bernard Mendy).

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