Euro 08 : Senna que ça se passe !
Marcos Senna n'est pas vraiment espagnol. D'abord, il est Noir. Le seul de l'équipe. Ensuite, il est né Brésilien. Depuis 2005, date de sa naturalisation, Senna enchaîne les bons matchs et impose un style qui détonne avec la tradition des récupérateurs espagnols. Portrait.
Parce que l’éternité n’est pas un jeu, le livre préféré de Marcos Senna est la Bible. C’est là qu’il puise force et conviction pour développer son football. L’homme a tout de même du caractère. La scène se passe à l’été 2007, sur la pelouse de la Ciudad Deportiva de Villarreal. Une petite opposition classique lors d’un entraînement. Tout ce qu’il y a de plus rugueusement normal. En retard sur une balle, Diego Forlan tacle sévère l’international espagnol. Excédé par l’intervention de son coéquipier, Senna se rue vers lui et le roue de coups. Evidemment, l’Uruguayen ne se laisse pas faire. La baston durera deux bonnes minutes. Le lendemain, Marcos s’excuse : « J’ai eu une réaction épidermique et je m’excuse auprès de mon club » .
Son club, parlons-en : à 31 ans, Marcos en est devenu le porte drapeau. Car depuis son arrivée en 2002 au sous-marin jaune, il prêche son idée du football sur toutes les pelouses où il gambade. Cette saison, Marcos a réalisé une saison pas loin d’être exceptionnelle. La deuxième place de Villarreal, c’est lui, ou presque. Car notre homme est un fin milieu récupérateur, tendance pit-bull. Ce qui ne l’empêche pas d’avoir une des meilleures frappes de la Liga, et donc de claquer quelques buts d’anthologie. Comme ce 27 avril dernier. Villarreal affronte alors le Bétis Séville. Senna a la balle au niveau du rond central, voit le gardien avancé, tire, et marque. « Sans aucun doute le plus beau but de ma vie » , viendra-t-il confesser lors de la conférence de presse d’après-match.
Au vrai, Senna s’est spécialisé dans la récupération, les longues transversales chirurgicales, et les grosses mines. Dans un pays où le “toque” est roi, on appelle ça le sale boulot. Mais Marcos s’en tape. En fait, il se situe dans la lignée de ces bonshommes pas tout à fait espagnols à qui on attribue les tâches ingrates. Un peu comme Makélélé quand il évoluait au Real.
Son expérience, il se l’est construite au fil des ans. Un parcours un brin improbable. Depuis ses débuts en 1997 à Rio Branco, Senna a visité quatre clubs brésiliens, un par an : America en 99-00, Corinthians en 00-01, Juventude en 2001, Sao Caetano en 2002. Avant d’atterir à Villarreal. Quatre ans à peine après son arrivée en Espagne, Senna se retrouve sur les tablettes de Sir Alex Ferguson. C’est finalement Hargreaves qui rejoindra Manchester United. Senna encaisse les compliments sans gonfler du ciboulot : « Si j’étais aussi complet qu’on veut bien le dire, je serais au Real ou à Milan » .
Au vrai, Senna s’est fait adouber par Aragones en personne – ce qui n’était pas gagné. En 2005, le sélectionneur espagnol déclarait : « Je pourrais sélectionner deux noirs dans la Seleccion. Marcos Senna et Eto’o » . Trop tard pour l’oncle Sam, place à Marcos qui est naturalisé dans la même année. Il est le troisième Brésilien à devenir Espagnol ; le seul à avoir réussi.
En attendant, Marcos Senna voit du pays. Entre la Suisse et l’Autriche, il passe du bon temps. « Le temps libre, on le passe à jouer aux jeux vidéos, aux cartes, à parler avec les femmes…Je veux dire, avec notre épouse, la mère de nos enfants… »
Paraît-il qu’il mange des glaces du côté de Neustift im Stubaital et que sa femme n’est pas super. Ne cause toujours pas super bien espagnol, mais maîtrise suffisamment la langue de Cervantes pour lâcher des bribes de déclarations un brin démagos : « La sélection espagnole a des qualités proches de celles de l’équipe du Brésil. Il ne nous manque que les titres » . CQFD.
Par Lucas Duvernet-Coppola et Paul Bemer
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