Droits TV du foot anglais : la crise ? Quelle crise ?

Aux dernières nouvelles, le football anglais semblait plombé par la crise financière qui mazoute l’économie mondiale. Abramovitch, délesté de trois milliards de dollars de sa fortune perso, impose un régime sec à Chelsea, qu’on le soupçonne même de vouloir revendre. A Manchester, le sponsor américain AIG (assurances), sauvé de la faillite par le gouvernement US, arrêtera son partenariat avec les Raides Devilz (56,5 millions de livres, quand même !)… Ceci dit, dans le même temps, le milliardaire arabe Sulaiman Al-Fahim rachetait Manchester City et entamait une politique de transferts pharaoniques. Elle est donc sans doute là l’explication de la « prospérité » (voir les clubs endettés) du foot anglais et de ses droits TV vendus encore à la hausse : le prestige sans égal de son championnat, de ses clubs, de ses stars et de ses titres.

Le suspens au sommet de la Premier League avec son Big Four habituel, le spectacle TV superbement filmé, les exploits et les frasques de ses vedettes (l’aura jamais faiblissante d’un Beckham dont les transferts à LA puis à Milan sont toujours des événements de portée mondiale), toutes les Wags qu’on connaît par coeur et tous les titres accumulés (MU champion d’Angleterre, champion d’Europe, champion du monde et Cristiano Ronaldo Ballon d’Or)…

Comme dans le monde de la pop music, les publicitaires anglais (les meilleurs au monde ?) ont su médiatiser à l’extrême une simple activité sportive devenue produit phare de la mondialisation avec un taux de rentabilité maxima. Car quelle différence entre les frasques d’un Pete Doherty ou d’une Amy Winehouse et celles de Steven Gerrard ou de Robinho ? Aucune. C’est le même media-bizness foot et rock habilement vendu par les Britons au monde entier. Alors on s’incline devant le savoir-faire…et devant la puissance financière accrue des clubs anglais qui vont pouvoir recruter à leur aise et dominer un peu plus le foot continental de clubs. Après tout, on pourrait retrouver quatre clubs anglais en demies de C1, au printemps…

On n’en est pas là, mais MU demeure toujours candidat à sa succession en Ligue des Champions, le championnat, plein de suspens, est encore loin d’être joué et qu’on nous annonce pour bientôt les procès spectaculaires de Gerrard et Robinho. Et puis le must quasi certain de l’été prochain : le bras de fer titanesque entre Cristiano Ronaldo et MU (Alex Ferguson, en fait). La Premier League n’est pas prête de ne plus faire l’actu.

Et la France ? A titre de comparaison, les droits TV du football français se sont vendus pour 668 millions d’euros pour la période 2008-2012. Soit environ trois fois moins… On mesure l’écart avec le foot anglais. Pourtant, les récentes nouvelles du front ne sont pas si mauvaises : la Ligue 1 ne s’est jamais aussi bien vendue à l’étranger que cette saison. Pour la première année du contrat liant la LFP à Canal+ Events, les recettes ont doublé, passant à 18 millions d’euros. D’après Les Echos, ce sont l’Europe de l’Est, le Moyen-Orient et l’Afrique qui sont les demandeurs principaux de football français.

Quasi absente des marchés asiatique et américain, Canal+ Events a lancé l’idée de tournées de clubs français pour développer la notoriété du Championnat sur ces continents. D’où le débat qui agite actuellement la Ligue autour d’une suppression de la trêve hivernale, qui permettrait ainsi aux clubs tricolores de passer plus de temps en tournée à l’étranger au mois de juillet. L’OL n’a pas attendu Canal + Events pour porter la bonne parole à l’étranger puisque Lyon part régulièrement en Asie pour doper son image, avec d’ailleurs des résultats commerciaux encourageants. Reste que Lyon, c’est Lyon : le seul club français qui joue régulièrement la Champions League. Que pèsent aujourd’hui les PSG, OM ou Bordeaux ? Certes, leur notoriété internationale est loin d’être absolument nulle, mais vouloir conquérir le monde sans visibilité plus grande à la base, n’est-ce pas se fourvoyer ? En plus, la suppression de la trêve… On a encore vu récemment le triste spectacle du foot sur terrains gelés. A part les ballons oranges, à quoi ça rime ?

Malgré des progrès dans le jeu et dans le spectacle, cette saison, la L1 reste l’un des championnats majeurs où l’on marque le moins de buts. On ne va pas repartir sur la polémique sans fin ( « La L1 est-elle nulle because trop de 0-0 ? » ) mais le point de départ de la notoriété médiatique commence avec “ça” : des buts. Ou, à défaut, de l’intensité, du spectacle… On progresse mais on est encore loin. En septembre 2007, le match choc de Bundesliga Bayern Munich-Schalke 04 était retransmis dans 142 pays, un record pour un match de championnat allemand. En Allemagne, on joue et on marque des buts. CQFD ?

Chérif Ghemmour