Classico maestro

En début de saison, on attendait monts et merveilles de l’attaque du Barça. Las. Le fantasme des quatre Fantastiques (un Fantastique invisible, Ronnie, du moins en journée, un autre en pierre, Henry, un troisième élastique, Messi, et le dernier en feu, Eto’o mais pas trop) n’aura pas vécu et restera dans l’histoire de la Liga comme de la poudre aux yeux voire un fiasco total.

L’attaque des clowns. Ronnie est mort, Eto’o a fait une saison pas si sale mais indigne de lui, Henry a fait pitié. Seul Messi surnage. Sur ce match, le petit lutin argentin est transparent, reçu qui plus est façon maison blanche sur ses trois premiers ballons.

Et c’est tout le secteur offensif catalan qui s’est fait bien discret. Dès qu’ils arrivaient dans les 30 derniers mètres, ils se faisaient dessus.

Bref, une bien pâle saison pour une attaque barcelonaise, il y a peu encore l’une des plus enthousiasmantes de l’histoire. Incapable de marquer en demi-finale de Ligue des Champions, elle finit sur cette humiliation. Pire, en comparaison de son homologue madrilène, elle n’en mène pas large.

D’ailleurs, où sont donc les ailiers ? Pourtant, on attendait moins d’une attaque jugée moyenne pour le Real. Raul soi-disant au bout du rouleau, Ruud n’a jamais fait rêver personne, Robinho pas mûr, Higuain pas au niveau. Au final, ce sont eux les champions. Une attaque certes moins clinquante en terme de renommée mais surtout plus douée que la catalane.

C’est collectif, mouvementé, dangereux en permanence. Le Real se laisse plus d’espace, part de plus bas. Ses joueurs se projettent alors plus rapidement vers l’avant, souvent dans l’axe.

Sneijder et Guti font presque du box to box, les latéraux participent activement au jeu. Pas de schéma prédéfini pour le Real, mais une certaine cohérence, un plan de jeu simple : Diarra (champion pour la sixième fois consécutive) et Gago en 6, Guti en 8, Sneijder en 10 excentré plutôt à droite durant cette rencontre, Robben qui galope en 11 plutôt à gauche donc et mossieur Raul en pointe.

Pour parler chiffres, et pour ceux qui voudraient reproduire la tactique sur PES, un 4231. Si Diarra, Gago et Raul gardent quoi qu’il advienne leurs positions respectives, les trois autres zozos sont chargés d’animer le jeu, chacun dans leur registre, Guti en 8 polyvalent et technique, Sneijder en 10 excentré, Robben en ailier furtif. C’est simple, pratique, efficace.

Ils jouent à terre, au plus près, en mouvement. Et comme si cela ne suffisait pas, les remplaçants se sont avérés décisifs pour le Real, cette saison comme pour ce match en particulier. Higuain remplace Robben puis marque sur son premier ballon, suite à une action qui illustre l’allant madrilène. Déjà dimanche, à peine entré en jeu contre Osasuna à 0-1 et à 10, il délivre une merveille de coup franc sur le crâne de Robben, puis offre la victoire et accessoirement le titre au Real sur une ogive arrivée directement des Malouines. Les socios madrilènes seraient d’ailleurs bien avisés de le remercier vivement, une fois n’est pas coutume, pour leur avoir offert un truculent pasillo…

Servi par Diarra, Higuain se retrouve donc seul devant Valdès à trois mètres, place un joli petit ballon piqué du gauche. But. Il pourrait bien être l’attaquant du futur comme le pressentait le Real. Comme Raul, une putain de classe… D’ailleurs le capitaine sort pour Ruud, qui, lui aussi, castagne sur son premier ballon. Un péno certes imaginaire, mais fallait bien conforter la théorie. Merci l’arbitre.

Côté Barcelone, une purge. Humiliation. Henry finira bien par sauver l’honneur, pour une fois trouvé en profondeur et rapidement, dans le sens du jeu. Mais toute la saison durant, il aura plutôt dansé à l’envers, à gauche quand c’était à droite que le jeu le demandait, un appel en profondeur quand il fallait jouer en retrait. Bref, toujours à contre-sens. Un dyslexique du football quoi !

Comme lui, c’est tout Barcelone qui était déréglé. Les Catalans se sont retrouvés pris à leur propre piège, à leur propre jeu, enfermés dans leur sempiternel schéma en 433, un carcan plus qu’autre chose.

Ils n’ont jamais trouvé la bonne formule, mais jamais trop cherché à en changer non plus, procédant simplement à des retouches simplistes, comme Henry à gauche puis dans l’axe, puis Eto’o trimballé sur tout le front de l’attaque, puis Bojan etc…Seul Messi a fait illusion, mais il aurait sans doute causé davantage de dégâts plus près de là où les choses se passent, dans l’axe. Que dalle, le Barça est mort avec ses idées, mais de mort lente.

Le Real, au contraire, ne s’est absolument pas enfermé dans un schéma. Ils ont évolué le plus souvent dans un gloubi boulga offensif, un truc genre 4231 super flexible, où chacun des joueurs chargés de l’animation offensive est libre.

On peut ainsi estimer qu’ils n’ont jamais trouvé la bonne formule, jamais su se forger une identité tactique claire et bien définie. Ils ont surtout su s’adapter aux événements, à la forme de chacun des joueurs sur le moment, aux blessures, voire aux envies du jour de leur moustachu de coach.

Une sorte de playground organisé, un grand terrain de jeu où se prenaient les décisions on the go. Aux joueurs alignés d’exprimer leur technique, leur talent, leur créativité. Somme toute leur Réal-isme.

Chris Paul