Christian Gourcuff : « J’ai revu mes exigences à la baisse »
Toujours marqué par son échec comme entraîneur des Rouge et Noir, club où il a débuté sa carrière de joueur, Christian Gourcuff, le grand ordonnateur du FC Lorient, n'a pas l'intention de lâcher le derby breton programmé ce soir, en huitièmes de finale de la Coupe de France. Le père de Yoann revient son expérience rennaise, sur ce qui sépare les deux clubs, mais aussi ce qui le rapproche de Guy Lacombe.
Lorient ne va pas très bien en championnat (aucune victoire en 2009), dans quel état d’esprit vous déplacez-vous à Rennes ? Notre préoccupation est évidemment le championnat, ce qui ne veut pas dire qu’on va balancer le match. Nous venons de nous déplacer à Bordeaux et nous accueillons le PSG samedi, alors je suis contraint de faire un peu de turn-over. Mais l’équipe alignée disputera ce derby à fond.
En décembre, Rennes vous a défait au Moustoir : quelles leçons en tirer ? Nous ne sommes pas dans la même catégorie athlétique que Rennes. Mais cela vaut aussi pour la plupart de nos adversaires. Alors nous devons miser sur nos forces : la fluidité de notre collectif. Et nous montrer plus consistants qu’en décembre.
En quoi vous reconnaissez-vous dans le travail de Guy Lacombe ? Dans sa façon de faire évoluer son équipe en zone. Et sur la conception du métier : c’est un entraîneur qui entraîne, un profil de plus en plus rare. Quand un entraîneur se consacre pleinement à ses séances, on sent sa patte sur son équipe. Si on veut travailler le collectif, il n’y a pas d’autre méthode. Mais des entraîneurs-managers peuvent aussi donner une expression collective aboutie à leur équipe s’ils sont bien entourés. Wenger, Benitez, on sent qu’ils accordent un intérêt particulier à leurs séances d’entrainement. Mourinho, aussi, jusqu’à la dimension physique, un domaine que ne maîtrise pas Ancelotti par exemple.
Et en quoi vous distinguez-vous de Guy Lacombe ? Sur l’animation du jeu. Je pense pouvoir dire que Lorient prend plus de risques que Rennes. Et puis, évidemment, nous n’avons pas les mêmes personnalités.
Que retenez-vous de votre courte expérience sur le banc rennais (saison 2001-2002) ? Avec l’arrivée de Pinault, Rennes avait les moyens de ses ambitions et le projet que le club me proposait était vraiment intéressant. Mais j’ai pêché par naïveté. Je pensais disposer de temps pour faire le tri dans l’effectif, au sein de l’encadrement, et finalement le tri, c’est eux qui l’ont fait en me virant (rires). Quand je suis arrivé, j’ai pris l’équipe telle qu’elle était et il a fallu sauver l’essentiel, c’est à dire éviter la relégation. La saison suivante, Rennes a de nouveau lutté pour le maintien, ce qui montre que le mal était profond.
Comme joueur, vous avez été dirigé par Jean Prouff, le dernier entraîneur à avoir apporté un titre au Stade Rennais (Coupe de France 1971). Vous a-t-il influencé ? C’était une autre époque. On ne faisait pas de travail tactique et la préparation physique était rudimentaire. Sa force venait de son approche psychologique : il savait libérer les joueurs, il insistait sur le plaisir que l’on prend à jouer. Mais un joueur de foot d’aujourd’hui ne peut être motivé comme il y a quarante ans, déjà qu’en dix ans le profil des footballeurs a beaucoup changé. Au départ, à Lorient, j’avais un groupe de joueurs qui adhérait totalement à ma conception du jeu. Je n’avais pas à convaincre. Aujourd’hui, j’ai assoupli mes exigences. Les joueurs sont de plus en plus individualistes. Les mentalités ont changé, la société aussi. Faire primer le collectif se révèle de plus en plus difficile.
Propos recueillis par Thomas Goubin
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