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Aurore Bergé : « Mediapro n’était pas un acteur sérieux et solide »

Propos recueillis par Pierre Rondeau
Aurore Bergé : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Mediapro n’était pas un acteur sérieux et solide<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Le feuilleton Mediapro n’est pas encore terminé. Encore aujourd’hui, les discussions sont au point mort entre la Ligue et le principal diffuseur, et on court tout droit vers la catastrophe. Pourtant, les choses auraient pu être évitées dès 2018. Un premier signal d’alerte avait été envoyé par la députée LREM Aurore Bergé.

Vous êtes membre de la commission des affaires culturelles qui traite notamment des questions « audiovisuel et sport » . En 2018, vous aviez auditionné la Ligue après la vente des droits au nouvel opérateur Mediapro. Vous aviez déjà des doutes ?Au tout début de mon mandat, j’étais rapporteuse d’une mission sur la nouvelle régulation de l’audiovisuel et la lutte contre le piratage. C’est précisément à ce moment-là que la ligue vend ses droits à Mediapro. Immédiatement, j’ai auditionné les membres de la LFP. La difficulté, c’est que le marché français n’est peu ou pas régulé et que la Ligue n’a à rendre de compte que sur sa capacité à vendre au mieux-offrant. La question n’est donc pas la solidité financière de l’acquéreur ou sa connaissance de l’environnement télévisuel ou audiovisuel.

L’aventure Mediapro doit créer un précédent très puissant pour toutes les ligues, sur la commercialisation de leurs droits.

Qu’aurait-il fallu faire ?À mon sens, tout devrait être revu dans ce processus de vente. La définition du mieux-disant et du mieux-offrant devrait être débattue et posée. Est-ce que cela a du sens de faire monter les enchères, jusqu’à des montants irréalistes ? L’acquéreur aura-t-il la capacité de tenir sur le moyen et long terme ? D’honorer sur la durée son contrat ? De porter à l’écran les programmes à un prix accessible ? Toutes ces questions méritent d’être soulevées dès le départ, dès le début de l’appel d’offres. Or, ce qui nous a interpellés dès 2018, c’est la difficulté évidente de Mediapro à pouvoir rentabiliser une chaîne ou même à être à l’équilibre au regard du montant des droits acquis. Et la seule réponse que la ligue nous a apporté, c’est : « Nous, notre mandat, c’est de vendre au plus offrant. » Sauf que ce n’est pas forcément le mieux-disant, ce n’est pas forcément l’acteur le plus solide, ce n’est pas forcément celui qui a la capacité à constituer une offre cohérente qui déclenche un acte d’abonnement. Si Canal+ n’est pas monté plus haut dans les enchères, ça n’est pas uniquement une question de moyens, c’était aussi une réponse saine à une inflation irréaliste des droits de la Ligue qui ne pouvait pas permettre la rentabilité de leur commercialisation à un parc d’abonnés. Enfin, il y avait eu le précédent italien avec Mediapro. Ça aurait dû engendrer des alertes puissantes. On savait que l’acteur n’était clairement pas sérieux et solide.

Comment s’est déroulée l’audition ?Je les ai interpellés sur plusieurs points. Notamment sur le risque majeur de voir le sport préféré des Français être fermé, privatisé, avec une offre complètement fragmentée et inaccessible, et le risque de défaillance de cet acteur, avec le précédent italien. Alors même que l’on doit impérativement renforcer la lutte contre le piratage, qui reste un vol caractérisé, on doit aussi voir que les acteurs s’engagent à ne pas créer des offres prohibitives pour les Français et fragmentées entre une multiplicité d’acteurs qui nécessitent des abonnements. La seule réponse de la Ligue a été « moi, mon engagement vis-à-vis de mes membres, c’est de commercialiser le plus cher possible les droits », malgré le risque d’échec commercial ou de piratage. C’est le mandat qui est le leur : commercialiser les droits et donc commercialiser au plus-offrant, au meilleur montant, sans se figurer du caractère ou du profil de l’acheteur.

Si la Ligue s’écroule, c’est tout le financement du sport amateur qui suit derrière.

Or, il se trouve que le mieux-disant n’est pas toujours celui qui a l’enchère la plus haute… Le mieux-offrant n’est pas forcément celui qui a les reins suffisamment solides en matière financière pour tenir sur la durée, et ce n’est pas forcément celui qui a une capacité de créer une offre cohérente, qui reste accessible aux Français et qui va déclencher de l’abonnement. Mais nous n’avons aucun pouvoir sur la décision de la Ligue. Elle reste souveraine, elle a des membres, et ils lui confient un mandat. Mon sujet n’était et n’est toujours pas aujourd’hui d’incriminer la Ligue ou de lui faire un procès. La question était et est toujours « quel est le mandat qui vous est confié ? » Est-ce que le mandat de la commercialisation simple est le bon mandat ou le bon objectif ? Parce qu’ici, le seul critère d’évaluation, c’est le prix de vente, point.

Pensez-vous qu’aujourd’hui, l’État doit intervenir et sauver le football, alors que la Ligue ne vous avait pas écoutée en 2018 ?Il y a une situation d’urgence, on touche au sport le plus populaire, le sport préféré des Français, avec un risque financier majeur pour les clubs, notamment amateurs, via les redistributions et les versements de solidarité au travers de la taxe Buffet. Si la Ligue s’écroule, c’est tout le financement du sport amateur qui suit derrière. Donc là évidemment, c’est un enjeu national. Le but n’est pas de faire plaisir à la Ligue, de faire plaisir à tel ou tel club, mais de soutenir le financement de tout l’environnement du football. Si la Ligue ne tient pas, c’est l’économie d’un grand nombre de clubs, professionnels et amateurs, qui sera altérée avec la crise : arrêt de la billetterie, chute du sponsoring, risque de recul du soutien des collectivités locales, etc. La question sera ensuite de savoir s’il faut ou non réguler, si l’État doit ou non intervenir durablement. Ne mentons pas aux Français : l’acquisition des droits est un marché. On ne va pas les nationaliser et ensuite les commercialiser. L’État ne peut pas disposer d’un droit de veto sur tel ou tel acteur ou n’autoriser que des acteurs nationaux lors des appels d’offre. Cela n’aurait pas de sens, on le sait bien. Mais l’aventure Mediapro doit créer un précédent très puissant, pour la ligue de football, mais aussi pour toutes les ligues, sur la commercialisation de leurs droits pour ne viser que le mieux-disant plutôt que le mieux-offrant. Il faut surveiller la solidité financière, le sérieux de l’offre qui est proposée, sinon les questions qui se posent aujourd’hui sur le foot se poseront demain pour le tennis, pour le rugby et toutes les autres disciplines sportives.

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