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L’équipe type des girouettes
Ils ont grandi avec un pays sur le passeport et dans le cœur, l’ont défendu en sélections de jeunes et parfois même en A. Et puis ils ont changé d’avis, s'attribuant une nouvelle allégeance, parfois malgré eux. Parce que l’herbe est toujours plus verte ailleurs, surtout en Albanie.
Guilherme
Le remplaçant d’Akinfeev est né au Brésil. À 22 ans, il quitte son Atlético Paranaense formateur. Direction le froid du Lokomotiv Moscou (premier gardien brésilien en Russie). Au début, il ne joue pas, avant de s’installer dans les cages en 2009 pour ne plus en bouger. En novembre 2015, Guilherme chope son passeport russe, avant de devenir en mars dernier le premier joueur naturalisé non originaire d’ex-URSS à revêtir le maillot russe.
Défenseurs
Mergim Mavraj
Double girouette pour lui. La Fédération albanaise contacte le natif d’Hanau dès 2006, et lui file un passeport, avant de l’appeler avec les U21. Une insulte à son goût, jugeant mérité les A direct. Alors il refuse. Dans la foulée, il récupère cette fois un passeport allemand et rejoint immédiatement les U21 teutons, avec qui il dispute deux amicaux. Sans lendemain. En 2010, l’Albanie revient à la charge. Mavraj accepte. Pour mieux faire machine arrière à un jour du rassemblement. Deux fois, c’est trop : il devient un traître aux yeux des fans albanais. Apparemment, Sammer l’aurait appelé pour lui dire qu’il aurait peut-être un avenir avec la NM. Las, l’Albanie revient à la charge une 3e fois en 2012, et Mavraj ne se débine pas.
Roman Neustädter
Le meilleur passeport de la compétition, pour un homme qui avait le choix entre Allemagne, Ukraine, Russie et Kazakhstan. Maman russe. Papa, Peter, russe né au Kirghizistan, d’ascendance allemande. Footballeur, sa carrière l’emmène au Kazakhstan, avec lequel il dispute deux matchs. Puis à Dnipro, Ukraine, où naît Roman. Puis toute la famille part en Allemagne. Roman grandit là-bas et profite de son droit du sang pour devenir allemand. Solide (Mayence, Gladbach, Schalke), il prend même part à deux amicaux avec la NM en 2012. Sauf qu’en 2016, il récupère un passeport russe pour filer à l’Euro.
Shane Duffy
Shane fait partie de la liste d’Irlandais ayant commencé au Nord en jeunes pour finir au Sud. Ce qui a failli lui coûter la vie. Lors de son premier camp d’entraînement avec l’Irlande, il percute le gardien lors d’une opposition et s’éclate le foie. La chirurgie lui sauve la vie, et Shane retrouvera les terrains en un temps record. Depuis, il n’a porté le maillot irlandais qu’à deux reprises.
Frédéric Veseli
Annoncé comme le grand espoir du football suisse, Freddie finit sa formation à Manchester City. Après quatre ans de réserve, incapable de percer dans l’équipe de Mancini, il passe au rival, sans plus de succès. Il se perd ensuite dans les divisions inférieures anglaises, pour finir par retourner en Suisse cette saison, à Lugano, où il enchaîne les matchs. Suffisant pour Di Biaso. Encore l’Albanie.
Milieux
Oliver Norwood
Le cœur du milieu de terrain nord-irlandais s’est fait détourner. Anglais de naissance, appelé avec les U16 et U17, ce pur produit du centre de formation mancunien tombe sous l’influence des frangins Evans, qui lui conseillent de les rejoindre en Irlande du Nord. Norwood accepte, et aborde l’Euro dans la peau d’un titulaire indiscutable.
Thiago Motta
L’histoire est connue. Sélectionné deux fois avec le Brésil en 2003, le sablier profite huit ans plus tard du règlement FIFA lié aux matchs amicaux et à sa double nationalité italienne acquise grâce à son arrière-grand-père, pour rejoindre la Squadra Azzurra. Et choper le numéro 10.
Ivan Rakitić
Si la Suisse regrette quelques joueurs plus que d’autres, c’est très certainement le cas du joueur du Barça. Né à Möhlin, formé à Bâle où il explose, Ivan confirme à Schalke et répond à l’appel de Slaven Bilić qui l’emmène à l’Euro 2008 après des éliminatoires de haut vol. Bonne idée, Rakitić s’impose direct et ne bougera plus.
Attaquants
Emre Mor
La nouvelle pépite du Borussia Dortmund a longtemps été danoise. La majorité acquise, Mor en veut plus et exprime sa volonté de représenter la Turquie, le pays de ses parents. Fatih Terim l’exauce, lui fait disputer deux bouts de matchs (88 minutes en tout) pour finalement en faire le 3e plus jeune joueur de cette édition, derrière Rashford et son futur adversaire en championnat, Renato Sanches.
Hal Robson-Kanu
Formé à Arsenal puis bazardé, l’ailier polyvalent et batailleur rebondit à Reading, où il passe la quasi-intégralité de sa carrière, moins deux prêts pour s’aguerrir. Anglais, il se rappelle qu’il a une grand-mère galloise pour goûter aux joies de la sélection, un peu comme certains avec l’Espagne.
Yunus Mallı
Sorti du centre de formation de Gladbach, Yunus, élément essentiel de Mayence, n’a jamais quitté l’Allemagne, dont il porte le maillot à tous les échelons de jeunes. Avant de choisir la Turquie l’an dernier, avec un argument imparable : « J’ai écouté le bruit de mon cœur. »
Remplaçants
Taulant Xhaka
Destin croisé pour les Xhaka. Tous deux nés à Bâle de parents d’origine albanaise, formés au club, ils enchaînent les sélections de jeunes. En 2011, Granit, le cadet, choisit de continuer avec la grande Nati. Moins doué, Taulant reste avec les U21, avant de faire un appel du pied à l’Albanie en 2013, apparemment sur conseil de son frère qui ne veut pas qu’il fasse la même erreur que lui. Suffisamment pour De Biasi, qui lui fait offrir nationalité et convocation. Depuis, Taulant est même devenu citoyen d’honneur de la ville de Mitrovica, Kosovo, pour avoir défendu le drapeau de la « Grande Albanie » lors du sombre Serbie-Albanie. Un modèle d’intégration.
James McClean
Tout comme Shane Duffy, l’ailier de West Brom a commencé au Nord et finit au Sud, visiblement plus fort. Néanmoins, James reste un homme de conviction qui refuse de porter le traditionnel coquelicot sur son maillot lors du Remembrance Day par affinité avec les gens de Derry, où il est né, et plus particulièrement de Creggan, où il a grandi et dont sont aussi originaires six victimes du Bloody Sunday.
Olcay Şahan
Olcay n’a pas tout à fait changé d’avis. D’ailleurs, il ne compte qu’une seule et modeste sélection avec les U17 allemands. Il a plutôt réalisé que sa carrière se ferait en Turquie. Titulaire dès sa première saison à Beşiktaş, l’ailier en profite pour intégrer la sélection. Un virage qui fait sens.
Erkan Zengin
Né en Turquie de parents turcs, le super copain de Zlatan déménage minot avec sa famille en Suède. S’il représente un temps son pays d’origine, il préfère finalement celui d’adoption.
Par Charles Alf Lafon