Jesús Gil à Paulo Futre : « Dis à tes coéquipiers de ne pas courir »
Au milieu de cette énième affaire à la sauce Gil, trois légendes de l'Atlético de Madrid se retrouvent : le dit Jesús Gil y Gil, Luis Aragonés et Paulo Futre. La saison 1990-91 arrive alors à son terme. Pour la dernière journée de championnat, l'Atlético de Madrid de Tomislav Ivić se déplace chez l'Espanyol de Barcelone de Luis Aragonés. Mathématiquement assurés de terminer à la seconde place de Liga, les Colchoneros n'ont plus que la Coupe du Roi comme objectif. Les Pericos, eux, se battent pour ne pas descendre à l'étage inférieur. Deux aspirations diamétralement opposées que le tout-puissant Jesús Gil y Gil va réussir à unifier... Malgré la bonne saison de son coach serbe, lui souhaite faire revenir au bercail le meilleur buteur de l'histoire du club. Pour ce, il faut se mettre d'accord avec les dirigeants barcelonais et le coach en question. La parade coule donc de source : laisser gagner l'Espanyol de Barcelone, leur offrir le maintien sur un plateau, garantir à Luis Aragonés une certaine aura et le ramener sous la guérite du Vicente-Calderón. En soi, un système d'où les trois parties sortent gagnantes.
Encore faut-il mettre les joueurs au courant de la magouille. Une magouille qu'ils n'ont d'autres choix que d'accepter. Alors ailier de l'Atlético de Madrid, le Portugais Paulo Futre s'est rappelé, samedi dernier dans les colonnes du quotidien Record, une certaine discussion avec son président : « Quand nous étions à l'hôtel, à Barcelone, le président Jesús Gil y Gil vient jusqu'à moi et me dit : "Nous ne pouvons pas gagner aujourd'hui. Dis à tes coéquipiers de ne pas courir." C'est la seule fois que quelque chose comme ça m'est arrivé. » Incapable d'agir de la sorte, le Portugais refuse. Alors, « avant le coup d'envoi, Gil y Gil est entré dans le vestiaire et a dit à l'équipe qu'elle ne pouvait pas gagner » . Un ordre des plus directs que le Serbe Tomislav Ivić a accepté sans broncher. Ainsi, sur la feuille de matchs, les noms de Paulo Futre, Juanito, Tomás et Donato n'apparaissent pas. Heureusement, un jour avant, le chef de presse de l'Atlético, Antonio Olano, avait assuré que « notre club annonce qu'il présentera à Sarrià (l'enceinte de l'époque de l'Espanyol, ndlr) la meilleure équipe possible » ...
Et Luis Aragonés signe à l'Atlético le lendemain...
« C'est un final heureux. » En conférence de presse post-match, Luis Aragonés a le sourire large. Car ô surprise, ses Perruches se sont imposées sur le score de 3-1 face à l'Atlético de Madrid. Une victoire qui permet ainsi au second club de la capitale catalane de conserver sa place parmi l'élite du football espagnol. Mais pas son entraîneur. Au lendemain de ce succès, le 10 juin 1991, l'homme aux 172 buts sous la liquette des Rojiblancos retrouve Jesús Gil y Gil dans sa municipalité. À Marbella, les deux hommes trouvent un accord – ou scellent l'accord déjà acquis avant cette dernière rencontre. Alors que le président des Matelassiers cire les bottes de son nouvel homme de banc – « Ce sont des retrouvailles heureuses. Luis est le meilleur entraîneur actuel » –, l'intéressé affirme que « les titres doivent arriver » . Ils n'attendront pas son arrivée puisque le 29 du même mois, les hommes de Tomislav Ivić remportent la Copa del Rey. Un exploit que rééditera Luis Aragonés la saison suivante en allant s'imposer contre le Real Madrid au Bernabéu grâce à un but de... Paulo Futre. Jesús Gil y Gil a toujours raison, même quand il a tort.
Par Robin Delorme, à Madrid
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