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Sacha Houlié : « On a de gros progrès à faire pour comprendre ce qu’est un supporter »

Propos recueillis par Andrea Chazy
Sacha Houlié : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>On a de gros progrès à faire pour comprendre ce qu’est un supporter<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Pour promouvoir sa loi « anti-casseurs », le Premier ministre Édouard Philippe ne s'était pas caché de s'être inspiré de la loi anti-hooligans de 2006, qui fait parfois vivre un enfer aux supporters des quatre coins de l'Hexagone depuis plus de douze ans. Une situation dont veut profiter Sacha Houlié, député de la majorité et supporter de l'OM ouvertement déclaré, qui a voté ce texte tout en voulant sensibiliser sur le cas des supporters français. Incompatible ? Pas selon lui.

Comment vous expliquez que cette loi « anti-casseurs » a permis, malgré elle, de sensibiliser sur ce que vivent les supporters de foot chaque week-end ?Il y a un point qui m’a un peu choqué, c’est que certains ne mettent pas sur un pied d’égalité le droit de manifester et celui de se rendre au stade. Ce sont deux libertés, et je ne crois pas qu’il y ait de hiérarchisation à faire parmi les libertés. Je considère que c’est une forme de liberté de circulation d’aller dans une enceinte sportive, ou même d’expression de pouvoir soutenir une équipe et que c’est loin d’être anecdotique. Il suffit d’avoir lu A season with Verona, Football Factory ou même Carton jaune pour savoir à quel point cela peut-être essentiel.

Néanmoins, vous avez voté pour, comme une majorité de vos collègues de La République en marche, une loi qui est directement inspirée de la loi anti-hooliganisme de 2006. Ce n’est pas contradictoire de voter cette loi, jugée « liberticide » par ses détracteurs, et de déposer des amendements qui vont plutôt dans le sens des libertés des supporters ?

Il y a une proposition de loi qui est déjà prête pour une refonte totale des IAS. Pas pour la supprimer, car quand ce sont des propos homophobes, racistes ou des violences, ça peut la justifier.

Nous, ce qui nous a été remonté, c’est que dans la population, il y avait une volonté de restaurer l’autorité de l’État et que l’on rétablisse l’ordre. Mais par exemple, il y a un ficher spécial qui a été créé pour les supporters et on a refusé qu’il y en ait un pour les manifestants. Il y a une navette parlementaire qui va nous permettre de retravailler certains points. De mon côté, j’en ai profité pour demander une mission d’information sur les IAS (Interdictions administratives de stade, N.D.L.R.), car on ne les a pas. Je vais attendre un peu, mais il y a une proposition de loi, qui est déjà prête pour une refonte totale des IAS. Pas pour la supprimer car quand ce sont des propos homophobes, racistes ou des violences, ça peut la justifier, mais au moins pour rendre caduque l’interdiction administrative lorsqu’il y a eu interdiction judiciaire. Tout simplement car, parfois, l’interdiction judiciaire est moins longue que l’IAS.

Prenons un exemple : si une personne est interdite de manifestation (ce qui est donc plafonné à un mois selon le texte), pourra-t-elle se rendre à une manifestation sportive ?Normalement oui. La grande différence avec la personne interdite de stade, c’est que si la personne interdite de manifester saisit le juge des libertés, en l’état du texte, elle a une garantie d’accéder au juge avant la manifestation. Donc de pouvoir faire sauter l’interdiction avant d’aller pouvoir manifester. Ce qui n’existe pas aujourd’hui pour les personnes interdites de stade.

Depuis votre prise de fonction, vous avez notamment demandé un bilan des interdictions administratives de stade. Où ça en est ?C’est là où réside la grande différence entre les IAS et les IAM (Interdictions administratives de manifester, N.D.L.R). Pour les IAS, on n’a rien eu. Pour les IAM, on a eu un contrôle parlementaire qui fait que chaque année, toutes les mesures qui ont été prises par les préfets ou le ministère doivent impérativement être communiquées dans un bilan annuel.

896 interpellations sur 11 millions de spectateurs, c’est très peu. Mais on ne sait pas combien il y a eu d’IAS. Pourquoi ? Car il existe un décret qui explique que c’est l’INS (Institut national du supportérisme) qui doit faire un rapport. Sauf que l’INS aujourd’hui n’a aucun moyen de le faire, car le ministère de l’Intérieur ne transmet pas ces données.

Sait-on combien il y a d’IAS aujourd’hui en France ?On sait qu’il y a eu 896 interpellations sur la saison 2017-2018, mais on ne sait pas combien ont donné lieu à des IAS. Il y en a eu 146 pour des faits de violences, et pour les autres, ce sont soit pour des injures homophobes ou racistes, soit pour l’utilisation de fumigènes. Ou bien de l’ivresse. 896 interpellations sur 11 millions de spectateurs, c’est très peu. Mais on ne sait pas combien il y a eu d’IAS. Pourquoi ? Car il existe un décret qui explique que c’est l’INS (Institut national du supportérisme) qui doit faire un rapport. Sauf que l’INS aujourd’hui n’a aucun moyen de le faire, car le ministère de l’Intérieur ne transmet pas ces données.

À l’heure actuelle, on n’a donc aucune garantie que ces chiffres soient rendus publics prochainement ?Aucune, et c’est bien pour cela que j’avais fait un amendement sur ce sujet et que j’ai demandé une mission d’information. Il faut aussi préciser que l’Association nationale des supporters travaille aussi beaucoup sur ce sujet. Elle a fait un recours pour faire en sorte que ces données soient rendues publiques si un rapport existait.

896 interpellations sur 11 millions, vous l’avez dit vous-même, c’était très peu. Comment cela se fait qu’il y ait encore autant de restrictions pour un si petit nombre…(Il coupe.) C’est précisément pour cela que c’est intéressant de regarder ce qui est fait sur les IAM. En redéfinissant les IAS, et en supprimant certaines infractions comme celle sur les fumigènes, on pourrait alors limiter les IAS aux seuls mecs qui auraient fait du coup de poing autour des stades, ce qui est l’objectif.

Mais comment expliquer que cette loi anti-hooliganisme, instaurée en 2006 dans un contexte qui n’était pas le même, soit encore en place aujourd’hui ?Parce que cela satisfait tout le monde. C’est à nous, supporters, de faire valoir nos droits, car ça ne dérange personne d’interdire les gens de stade, alors que ça provoque un tollé lorsqu’il y a des interdictions de manifester. De ce point de vue-là, la société est assez inégalitaire. Culturellement, on a de gros progrès à faire pour comprendre ce qu’est un supporter, ce qu’il vit, comment il est traité vis-à-vis du grand public…

La loi anti-casseurs prévoit notamment d’augmenter le pouvoir des préfets qui pourront eux-mêmes interdire à certaines personnes de manifester. Quand on voit dans le championnat de France la multiplication d’interdictions chaque week-end de déplacements de supporters, ça ne vous inquiète pas de leur donner autant de pouvoirs ?Le problème, c’est que c’est ce qu’il se passe aujourd’hui. Quand vous regardez l’article L332-16-1 ou L332-16-2 du Code du sport, qui sont les deux mesures qui justifient les interdictions de déplacement prises par le ministère de l’Intérieur ou par le préfet, ils interdisent globalement sans regarder. Deuxièmement, il y a impossibilité d’avoir accès au juge. Et troisièmement, on ne sait pas combien d’arrêtés ont été pris et combien ont été justifiés. C’est pour cela que l’on a fait différemment pour les IAM, du moins c’est cela qui m’a animé lorsque j’ai corrigé le texte.

Pour rester dans la sphère footballistique, l’OM a joué pour la troisième fois de la saison à huis clos face à Bordeaux la semaine passée. En Allemagne par exemple, il y a une volonté de la Fédération allemande de vouloir le moins de huis clos possible. Pourquoi ne suivons-nous pas le même chemin ?Précisément car on est un mauvais élève en France sur ce sujet. Je ne comprends pas comment aujourd’hui, on ne soit pas capable d’identifier une personne qui a lancé un pétard dans un stade avec tous les moyens de vidéo-protections dont on dispose. Il y a notamment certaines infractions qui ne méritent pas que l’on prononce des huis clos. Je reviens encore une fois aux fumigènes, vu que j’ai par ailleurs déposé une question écrite à ce sujet, mais je ne comprends pas pourquoi on peut utiliser des fumigènes dans le cadre de spectacles dans des salles fermées ou bien que les clubs eux-mêmes en utilisent lors de l’entrée des joueurs et que les supporters, y compris des fumigènes froids (fumigènes sans chaleur, N.D.L.R.), n’y aient pas accès. Je demande toujours la suppression de l’article L332-8 du Code du sport qui interdit ça.

Vous sentez qu’il réside une forme d’indifférence lorsque les députés portent ces thématiques à l’Assemblée ?Je pense que l’on peut dire qu’il y a une forme d’indifférence. Il y a une petite centaine de députés qui sont mobilisés, avec des degrés divers aussi. Et puis, on sent aussi vraiment ceux qui sont « nés » en virage et les autres.

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