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Pedro Mendes : « J’ai débuté attaquant, cela a duré quinze minutes »

Propos recueillis par Nicolas Jucha
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Pour sa deuxième saison à Rennes, Pedro Mendes s'est installé comme capitaine et pivot de la défense de Christian Gourcuff. L'annonce d'une stabilité bienvenue pour un homme qui a déjà beaucoup voyagé. Entretien.

Tu es né en Suisse, tu as grandi en Andalousie (Huelva) jusqu’à six ans, ensuite tu es allé vivre dans la banlieue de Lisbonne… Pourquoi tous ces déplacements ?Mes parents cherchaient une meilleure vie pour nous, des opportunités de travail. Comme tous les émigrants. Quand on est enfant, on ne dit pas « je ne veux pas bouger » , on suit ses parents. Enfant, je ne savais même pas ce qu’il se passait, tant qu’on était ensemble, j’étais content.

Quand ta famille s’installe au Portugal en 1996, est-ce que tu es dépaysé ?Je ne me souviens pas bien, mais je crois que c’est la première fois que j’allais au Portugal, que je découvrais le pays. Mais bon, en Espagne, on parlait portugais à la maison, espagnol en dehors. Je parlais bien portugais, donc je n’avais pas de mal à m’intégrer, à me faire des amis. Cela a été plus difficile pour mon grand frère qui laissait des amis derrière.

Le football, c’était déjà au cœur de ta vie à l’époque ?Oui, car mon père jouait au club de notre ville de banlieue, le Real Sport Club. Il était en vétéran, et mon frère était chez les jeunes. Je les suivais partout, pendant les matchs à domicile comme à l’extérieur. J’étais le supporter numéro 1 de mon père et de mon frère. Et j’avais toujours un ballon à côté de moi. C’est comme ça que j’ai commencé à m’intégrer dans le monde du football.

Ton père supporte le Benfica, donc j’imagine que tu as été éduqué pour faire pareil ?Quand on est jeune, on ne peut pas faire de gros choix. Si ton père est pour Benfica, tu dois l’être forcément aussi. Mais j’ai changé quand je suis parti au Sporting, car lors des derbys avec Benfica, c’étaient les adversaires. Aujourd’hui encore, j’ai un grand respect pour le Sporting, qui m’a beaucoup apporté, mais le Benfica, je ne suis même pas les matchs, cela ne me dit rien du tout. Sauf les matchs de Ligue des champions, où je regarde même Porto et les autres équipes portugaises. Je ne suis plus supporter de Benfica, mais je suis toujours patriote.

Mon père continue de supporter Benfica, on n’a pas de problème pendant les repas familiaux, car on ne discute pas trop de foot. Quand j’étais au Sporting et que j’affrontais le Benfica, il était pour le Sporting, car c’étaient les jeunes. En revanche, l’équipe pro, c’est autre chose…

Un enfant portugais né dans une famille benfiquiste sort forcément du ventre de sa mère avec le maillot de Benfica ? C’est ça. Si le papa est pour Porto, tout le monde doit être pour Porto. S’il est pour Benfica, c’est l’inverse. Vu que ton père ne met que les matchs du FC Porto à la télé, forcément tu vas mieux connaître cette équipe-là et la suivre. Mais dès que je suis allé au Sporting, j’ai développé un amour et un respect pour le club qui perdure aujourd’hui. C’est le club que je suis le plus. Mon père continue de supporter Benfica, on n’a pas de problème pendant les repas familiaux, car on ne discute pas trop de foot. Quand j’étais au Sporting et que j’affrontais le Benfica, il était pour le Sporting, car c’étaient les jeunes. En revanche, l’équipe pro, c’est autre chose…

Au Real Sport Club, c’est vrai que tu as été repéré par un éducateur alors que tu jonglais sur le bord du terrain ?L’entraîneur des benjamins était ami avec mon père. Il m’a dit d’essayer d’aller aux entraînements de recrutement, et c’est ainsi que j’ai commencé. Au début, j’étais attaquant, mais un jour, vu que les ballons n’arrivaient pas, je me suis dit : « Je m’en fous, je vais chercher le ballon plus bas. » J’ai mis trois tacles de suite, le coach a arrêté le match et m’a dit : « Qui t’a dit que tu étais attaquant ? Maintenant, tu vas être défenseur central. » C’est là que j’ai commencé à jouer derrière. J’avais sept ans, mes parents avaient dû signer une décharge car j’étais surclassé. J’avais commencé attaquant car c’est le rêve de tout gamin de marquer des buts, mon père et mon frère jouaient devant… Cela a duré quinze minutes pour moi. Après, j’étais défenseur central.

Tu réagis comment quand le Sporting vient te chercher à douze ans ?En réalité, il y avait le Benfica et le Sporting intéressés. Mon père m’a ramené à Benfica, mais le directeur de recrutement lui a dit : « Pedro était dans notreshort list, mais finalement on a pris quelqu’un d’autre. Bonne chance pour la suite. » Je connaissais l’intérêt du Sporting, ils m’ont fait passer plein de tests à tous les niveaux et m’ont pris.

Ton père l’a bien pris ?Oui, il était fier, même si cela avait été Porto il aurait été content. Je jouais au Real Sport Club, donc même le Sporting Braga, cela aurait été une grande progression. Alors le Sporting, c’était une grosse avancée pour ma carrière. Et puis on savait que le Sporting était le gros club formateur, même si, depuis, le Benfica a commencé a changé de mentalité. Mais à mon époque, on regardait Nani, Miguel Veloso, João Moutinho…

Jorge Mendes a appelé son collaborateur pour lui demander : « Tu crois que Pedro est prêt ? On va le faire grandir, cela va lui ouvrir des portes. » Son collaborateur lui a dit que j’étais prêt, ils ont montré des vidéos à José Mourinho qui a dit OK pour ma venue

Cristiano Ronaldo…Voilà. Tout le monde attendait une opportunité d’aller dans l’équipe pro au Sporting, cela te donne plus de motivation.

L’arrivée au Sporting, cela a profondément changé ton quotidien ?Au début oui, car je venais d’un petit club et certains des joueurs étaient au Sporting depuis tout petits. Ce n’était pas forcément facile de s’intégrer, ils étaient un peu durs, mais quand j’ai commencé à bien jouer, à montrer mes qualités, cela s’est amélioré. Le premier tournoi, j’ai marqué deux buts sur mes deux premiers matchs. Cela m’a aidé à tenir jusqu’aux U21 après.

Ils savaient que tu étais d’une famille de Benfiquistes ? Je ne sais pas si cela aurait été dangereux pour moi. Ceux qui étaient proches de moi le savaient, les autres non. Si tu es exemplaire et pro sur le terrain, cela ne pose pas de problème.

À quel moment dans ta formation tu as compris que cela allait « passer » pour toi, que tu deviendrais pro ? Peut-être entre les U15 et U16. J’avais des copains qui commençaient à signer pro, mais pas moi. C’est là que j’ai eu un déclic, je me suis accroché, j’ai décidé de faire le maximum pour avoir un contrat. J’ai eu un contrat espoir, et ensuite que des contrats pros d’un an plus un an. Il fallait que je fasse à chaque fois une bonne saison pour être renouvelé.

Qui étaient les joueurs de ta génération au Sporting ?Cédric (le latéral de Southampton, champion d’Europe, ndlr), mais il était de 91, un an de moins que moi. Aujourd’hui en sélection, il y avait William Carvalho, encore plus jeune mais surclassé avec nous. Après, il n’y en a pas beaucoup d’autres, André Martins, qui a fait les Jeux olympiques et qui vient de signer à Olympiakos. Il est international A aussi.

J’étais content de côtoyer Ronaldo, Pepe et les autres. Ce sont de bonnes personnes, éduquées, avec du savoir-vivre. La seule chose, c’est que ce sont des stars, des personnes que tout le monde veut connaître, et moi, j’ai eu cette chance.

Tu vas enchaîner des prêts au Real Sport Club, au Servette de Genève, puis un an plus tard tu débarques au Real Madrid, un truc de fou… Comment s’est fait ce transfert ?Mon agent, c’était Jorge Mendes, ou plutôt son entreprise Gestifute. Jorge Mendes a appelé son collaborateur pour lui demander : « Tu crois que Pedro est prêt ? On va le faire grandir, cela va lui ouvrir des portes. » Son collaborateur lui a dit que j’étais prêt, ils ont montré des vidéos à José Mourinho qui a dit OK pour ma venue.

Au Real, tu as surtout joué pour la Castilla, mais disputé un match de Ligue des champions (à Amsterdam en phase de poules), côtoyé de très grands joueurs… Quels sont les souvenirs les plus forts ?La convocation en Ligue des champions. Je ne pensais même pas jouer, mais après ce match-là, ils jouaient le Barça. Dans l’intervalle, Arbeloa dit qu’il a un problème à la cuisse, qu’il ne veut pas risquer de manquer le Clásico. Cela m’a donné l’opportunité de jouer. J’ai été prévenu en début de semaine par Mourinho : « Je pense te convoquer, j’en ai déjà parlé avec ton coach. Tu viens, car on va jouer le Clásico après et qu’il y a beaucoup de forfaits. Si tu as l’opportunité de faire quelques minutes, ce serait bien pour toi. »

Quand tu es arrivé au Real, tu disais bonjour à tout le monde en espagnol, même aux Portugais…Je suis comme ça. Si je ne suis pas en confiance, je ne vais pas faire comme si je les connaissais bien. J’ai fait comme mes copains de la Castilla qui parlaient en espagnol à tout le monde. C’est Coentrão ou Pepe qui a dit : « Le jeune, là, il est portugais. » Et là, ils sont tous venus me voir et m’ont parlé en portugais. Ils étaient surpris que je ne me présente pas, mais je leur ai expliqué que je n’allais pas arriver et blaguer avec eux en portugais alors que je ne les connaissais pas… J’étais content de côtoyer Ronaldo, Pepe et les autres. Ce sont de bonnes personnes, éduquées, avec du savoir-vivre. La seule chose, c’est que ce sont des stars, des personnes que tout le monde veut connaître, et moi, j’ai eu cette chance.

À Parme, c’était incroyable. C’était aux joueurs de ramener des choses : de l’eau, du papier toilette, du café… Pff… Je ne sais pas comment dire, il faut oublier. Je n’ai jamais vu cela dans un autre club.

Après le prêt au Real Madrid, tu quittes le Sporting après seulement cinq matchs pros pour signer à Parme. Des regrets de ne pas avoir fait plus dans ton club formateur ?Je ne comprenais pas les choix techniques. Ce n’est pas la faute du Sporting, du club. Mais peut-être que c’est la faute de certains dirigeants et entraîneurs de l’époque, qui avaient d’autres intérêts. J’ai quitté le club car mon contrat arrivait à son terme et que le Sporting ne m’a pas prolongé. Si j’avais reçu une proposition, je serais resté. La proposition est arrivée trop tard, quand j’avais déjà accepté d’aller à Parme.

En Italie, tu as vécu la faillite économique du club. Le moment le plus dur de ta carrière ?Je pense, oui. On n’avait même pas de bouteilles d’eau pour s’entraîner, ou de papier toilette. C’est incroyable. C’était aux joueurs de ramener des choses : de l’eau, du papier toilette, du café… Pff… Je ne sais pas comment dire, il faut oublier. Je n’ai jamais vu cela dans un autre club. Ils avaient un énorme déficit. Tout le monde attendait que la saison se finisse pour relancer sa carrière.

Quand Rennes se penche sur ton cas, le premier contact se fait via Gelson Fernandes sur Facebook…Oui, d’abord, il me demande comment cela se passe à Parme. Car il y avait la possibilité que le club soit racheté, auquel cas je serais resté à Parme. Sinon, j’étais libre. Il voulait savoir quelles étaient les conditions à Parme. Puis on a attendu la fin de la saison pour conclure. Gelson ne m’a pas posé toutes ces questions, j’ai parlé à d’autres personnes du club.

À Rennes, tu es bien intégré. Paul-Georges Ntep se permet même de te reprocher de passer trop de temps devant le miroir. Ton style, c’est essentiel ?Oui (rires). Je pense que c’est important quand tu deviens quelqu’un d’important pour les jeunes, les supporters, il faut bien présenter. (Il réfléchit.) Il faut être clean, ton image, c’est tout. Mais c’est aussi pour moi-même, j’essaie d’être beau, d’avoir un style qui me convienne. Je crois que j’ai développé ça en Italie. Là-bas, c’est culturel. J’ai vu des joueurs se coiffer et se mettre du gel dans le couloir menant à la pelouse avant un match. Je me souviens du Brésilien Felipe, de l’Udinese, je discutais avec lui avant d’entrer sur le terrain, il se mettait du gel et se coiffait devant son miroir. Il voulait être beau pendant le match. Ils se font beaux pour la guerre (rires). Il me disait : « En Italie, c’est comme ça partout. »

Je suis papa depuis un mois et demi, je dors moins désormais.

Ton père vit aujourd’hui en Angola, tu as indiqué dans le passé qu’il t’avait donné une éducation très stricte.Je me souviens quand j’avais huit, neuf ans, j’avais fait une bêtise à l’école. Le professeur avait fait un avertissement. Dans la semaine, mon père me dit : « Si tu refais ça, tu ne joues pas ce week-end. » J’ai refait une bêtise, donc mon père m’a dit : « Tu ne vas pas jouer. » Il m’a obligé à me réveiller, à regarder le match de mes coéquipiers, et à la fin du match, il a ouvert le coffre de la voiture, il y avait mon sac. « Je voulais te faire jouer ce week-end, mais tu dois comprendre que l’école, c’est important. Si tu ne fais pas le nécessaire à l’école, tu ne peux pas jouer au football. » À partir de ce jour-là, j’ai changé de mentalité.

C’est vrai que tu penses déjà devenir entraîneur à la fin de ta carrière de joueur ?Oui, j’ai déjà acheté des livres, pris des contacts pour prendre des cours par internet ou Skype. Mais au Portugal, ce n’est pas encore possible. Je suis obligé de passer la première phase de cours avant de faire des choses par internet. Donc il faut que je passe du temps au Portugal. Je dois donc attendre un peu ou alors utiliser mes vacances d’été. Soit les vacances, soit les cours, je dois bien réfléchir. C’est compliqué, car je suis papa depuis un mois et demi, je dors moins désormais.

Tu commences déjà à entraîner les jeunes à Rennes ?Non, car je n’ai pas encore de diplôme. Mon but, c’est de travailler avec des jeunes un peu plus « grands » , avec la rigueur, la discipline. Ce que n’ont pas les enfants, plus dans le loisir. J’observe les différents entraîneurs, je sélectionne des exercices que j’ai expérimentés avec mes anciens entraîneurs, à Sassuolo ou Parme (avec Roberto Donadoni, ndlr), ou le coach ici à Rennes. J’écris les exercices qui me plaisent et peut-être qu’un jour, je les ressortirai.

À quoi ressemblera l’équipe de Pedro Mendes ?J’espère que ce sera une équipe qui joue au sol, qui produit du jeu, avec aussi la mentalité et le niveau d’engagement des équipes de José Mourinho. J’aime beaucoup comment ses équipes se comportent à la perte de balle, l’engagement de chaque joueur pour courir récupérer le ballon.

Propos recueillis par Nicolas Jucha

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