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Moi, Isaak Touré, 18 ans, 2,04m, 99 kilos

Alexandre Aflalo
Moi, Isaak Touré, 18 ans, 2,04m, 99 kilos

À seulement 18 ans, le Havrais Isaak Touré est déjà difficile à louper sur un terrain de football. À cause de son talent, déjà, mais aussi pour ses 2 mètres 04 et près de 100 kilos qui le posent dans le décor comme le clocher d’une église dans un petit village. Portrait d'un géant qui, après une année passée à soigner une blessure, est en train de réaliser un début de saison canon.

Lorsque l’on évoque avec lui le jeune Isaak Touré, le préparateur physique du Havre Athletic Club Olivier Rodriguez a le don de le résumer en quelques mots, comme un avertissement à ne pas, comme le disent les Américains, juger le livre par sa couverture : « C’est un jeune qui a un potentiel très élevé et il ne faudrait pas le réduire à ses mesures biométriques. » Pour quiconque ne l’aurait jamais vu s’exprimer sur un terrain de football, il faut dire que ses mensurations donnent le vertige : 2,04 mètres sous la toise, 99 kilos sur la balance, et des crampons qu’il doit aller chercher (sans difficultés) tout en haut des rayons, en taille 47. « On va dire que je suis un peu un joueur atypique, quoi » , se marre Isaak, qui a fêté ses 18 ans en mars. Et qui semble, malgré son jeune âge, avoir toute la confiance de Paul Le Guen cette saison : avec trois des cinq premiers matchs de la saison démarrés en tant que titulaire, il forme en ce début de saison avec Arouna Sangante (19 ans) la charnière la plus excitante de Ligue 2.

Son idole s’appelait Didier Drogba

 

« Benjamin Mendy, Riyad Mahrez… Même si ce n’est pas le même profil, ce sont des parcours qui m’inspirent. » Isaak Touré

 

Un début de saison en forme de consécration pour un jeune homme auquel tout le monde reconnaît un grand talent et un encore plus grand potentiel, mais pour qui le parcours a déjà été semé de pas mal d’embuches. Né en 2003 à Gonesse, dans le Val-d’Oise, le petit Isaak déménage très jeune à Cléon, ville de Normandie en périphérie de Rouen. En 2015, lorsqu’il a 12 ans, il est repéré par Le Havre. Le PSG, Rennes, Reims, Valenciennes et Caen le suivent aussi, mais Isaak fait le choix du Havre pour rester proche de sa mère, entre autres. « Le travail du Havre n’est pas à renier non plus, précise Isma Sow, son conseiller depuis plusieurs années. En matière de formation, ils ont sorti de grands joueurs. C’était joindre l’utile à l’agréable : le meilleur club de la région en matière de formation se propose, pourquoi aller faire 300 kilomètres ? » Isaak opine du bonnet : « Benjamin Mendy, Riyad Mahrez, etc. Même si ce n’est pas le même profil, ce sont des parcours qui m’inspirent. »

Aujourd’hui tour de contrôle dans la défense centrale ciel et marine, Isaak Touré a d’abord été un attaquant racé, qui avait pour idole un certain Didier Drogba, même s’il avait beaucoup plus la dégaine de Peter Crouch ou de Jan Koller. Au fil des saisons, sur les bons conseils des éducateurs havrais très impliqués dans son évolution, il passe tantôt ailier, tantôt milieu de terrain, puis enfin défenseur central un peu avant ses 17 ans. Une révélation. « Un an après son changement de poste, il a eu sa première sélection en équipe de France U17 » , se félicite Sow. « J’ai bien géré cette transition parce que ça s’est fait petit à petit, développe le joueur. Maintenant, je me suis habitué. Je me nourris aussi de cette expérience d’attaquant, au niveau des placements, je le ressens parfois sur le terrain. » Son changement de poste a une explication bien simple : « Quand il était plus jeune, dominer aux avant-postes, ce n’était pas compliqué. Mais plus on monte en catégorie, plus on exige certaines aptitudes, consent Isma Sow. On savait qu’avec sa morphologie, au fur et à mesure des années, il allait reculer. »

Apprivoiser son corps

 

« Benjamin Mendy, Riyad Mahrez… Même si ce n’est pas le même profil, ce sont des parcours qui m’inspirent. » Isaak Touré

 

Son grand corps, et les poussées de croissance qui vont avec, ont été un élément de plus à prendre en compte dans le développement du jeune Isaak par rapport aux autres gamins du centre de formation. « Il est quand même saisissant ! s’exclame Olivier Rodriguez. Ce n’est pas tous les jours qu’on croise un gabarit pareil. » Son conseiller Isma Sow confirme et illustre : « Quand je vois la photo qu’on a quand il a signé son contrat aspirant et celle de son contrat pro… Je le dépassais d’une tête à l’aspirant et c’était l’inverse au moment du contrat pro ! (Rires.)  » Si un gabarit pareil comporte certes pour avantage de toujours être le premier informé quand il pleut, il nécessite un entretien particulier. « Le développement d’Isaak ne correspond pas à celui d’un gabarit « traditionnel », poursuit le préparateur physique. L’apprentissage qu’il a lui-même de son propre corps, arriver à le comprendre, le domestiquer, ça prend du temps. » En plus des séances d’entraînement en groupe, Isaak a toujours droit à du travail spécifique supplémentaire avec le staff du club, de prévention, de proprioception, auquel il se plie toujours avec plaisir et professionnalisme. « C’est quelqu’un qui aime le travail. L’un des plus grands talents, c’est l’envie, et il l’a, loue Rodriguez, qui pointe le dilemme auquel est confronté le joueur. Il sait très bien qu’il évolue dans un milieu où il y a beaucoup de concurrence, alors il travaille dur. Mais à côté de ça, il a une carcasse qui lui demande beaucoup d’énergie. Isaak n’est pas spécialement fragile, mais répéter les efforts lui coûte beaucoup. »

Il sait aussi que ce travail lui est essentiel pour se protéger au mieux des pépins physiques qui guettent malheureusement ce genre de profils, et qui n’ont pas épargné le jeune Havrais. De ses 13 à ses 15 ans, pendant un pic de croissance durant lequel il pouvait « prendre entre 15 et 20 centimètres par an » , il est atteint d’une sérieuse inflammation du genou qui lui provoque des douleurs insoutenables après l’effort. « Ma taille, ça a été un avantage et un inconvénient, pose-t-il. J’ai eu beaucoup de blessures, de gênes, c’était compliqué au début. Mais là, je commence à être stable. » La saison dernière encore, il a dû être opéré de la cheville gauche et n’a pas pu jouer de la saison, alors qu’il intégrait tout juste le groupe professionnel et qu’il avait pu fêter sa première en Ligue 2 (le 29 août 2020, contre Amiens).

D’abord le HAC, ensuite l’Europe ?

 

« On connaît Le Guen, on sait qu’il a sorti Sakho, Ben Arfa, Benzema. Il est tourné vers les jeunes, ce n’est pas du vent. C’était la suite logique pour le petit. » Isma Sow, son conseiller

 

Une grosse interruption qui a freiné, mais certainement pas arrêté Isaak Touré. Cet été, avant de reprendre avec le groupe, il a suivi une préparation physique de trois semaines aux Émirats pour arriver en forme à la rentrée. S’il n’a encore que 18 ans, son début de saison semble venir confirmer les bonnes impressions qu’il avait laissées lors de son intégration du groupe professionnel la saison passée. « Aujourd’hui, on a un coach qui a clairement mis en avant sa volonté de vouloir promouvoir les jeunes (lors de la victoire face à Niort le week-end dernier, Paul Le Guen a titularisé 6 joueurs formés au club, NDLR) et c’est très bien, se félicite Isma Sow. Il est en plein apprentissage des exigences du haut niveau et ça a l’air de lui plaire. Tout le monde est content pour le moment, mais ce n’est que le début de saison, et j’essaye de le tempérer un peu. » Notamment face à l’appel du large : avant de signer son contrat pro avec Le Havre, à l’été 2020, des clubs (Dortmund, Leipzig, Rennes, Lille, entre autres…) avaient tenté de l’arracher au HAC. En vain. « S’il y avait des directions financières à prendre, ce n’est pas ce qui manquait, explicite clairement Sow. Est-ce que ça rend service au gamin ? On en voit combien qui partent avant même d’avoir signé pro dans leur club formateur et qui se perdent au bout d’un an et demi, deux ans ? On connaît Le Guen, on sait qu’il a sorti Sakho, Ben Arfa, Benzema. Il est tourné vers les jeunes, ce n’est pas du vent. C’était la suite logique pour le petit. » Une suite logique qui va lui permettre, sans aucun doute, de faire une première saison pleine en Ligue 2 à seulement 18 piges. « La première étape, c’était d’intégrer le groupe pro, puis grappiller du temps de jeu… tout est très progressif, temporise Olivier Rodriguez. Sur un physique hors norme, il ne faut pas brûler les étapes. La clé, c’est que personne ne soit pressé. » Coincé en Ligue 2 pour la treizième année consécutive, le HAC tient peut-être dans ses rangs quelqu’un qui peut enfin lui permettre de regarder plus haut.

JO 2024 : une première journée à oublier

Alexandre Aflalo

Tous propos recueillis par AAF

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